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Usurpation d’identité sur chèque bancaire. Par Jean-Philippe Barthomet, Criminologue.
Parution : vendredi 23 octobre 2020
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La falsification de signatures sur chèque bancaire constitue une infraction très ancrée dans notre société actuelle, malgré la disparition progressive de ce moyen de paiement dans la plupart de pays européens. Quel est le cadre juridique ? Quelle défense pour la victime d’une fausse signature sur chèque bancaire ? Quel est le rôle des expert en écritures et documents agréés auprès des tribunaux ?

L’imitation de signature sur chèque bancaire.

Il est connu de tous que le développement actuel des outils informatiques et infographiques, ainsi que la simplicité d’un moyen de paiement aussi répandu en France que le chèque bancaire, favorisent en grande mesure la prolifération de toute sorte d’activités négligentes, mais aussi criminelles, touchant toute activité humaine.

Si bien que le paiement par chèque bancaire a été pratiquement éradiqué dans la plupart de pays européens, à cause notamment de cette activité frauduleuse, voire criminelle. La France reste fidèle à ses traditions, malgré les conséquences financières et les dommages collatéraux, fournissant un chéquier à tout titulaire d’un compte bancaire sur simple demande.

Outre le fait de la falsification et de la contrefaçon de chèques bancaires, l’imitation de signatures est devenue l’un des problèmes le plus fréquents pour les établissements bancaires, ainsi que le plus difficile à repérer, en raison notamment de la faible formation du personnel à la détection de fausses signatures, ainsi que la vérification parfois inexistante de celles-ci.

Et pourtant, on est tous concernés. On est tous des victimes potentielles d’usurpation d’identité, de falsification de signature sur chèque bancaire.

La plupart de fois, cela se passe dans le milieu familial. C’est le conjoint, un enfant, un parent, un proche qui subtilise un chèque, pour ensuite imiter la signature d’un titulaire qu’il connait bien et ainsi encaisser un petit ou un gros montant.

Parfois, c’est le titulaire du compte qui en donne un chèque à un proche pour régler une facture liée au ménage, tout en autorisant ce proche à imiter sa signature. Il s’agit d’un procédé négligent, certes, mais très répandu dans notre société actuelle, sans compter les possibles conséquences juridiques car, même étant autorisé par le titulaire, il y a usurpation de la signature.

On observe souvent le même cas de figure au sein des sociétés, lorsqu’un cadre parti en déplacement autorise un collaborateur, une secrétaire, quelqu’un de sa confiance à imiter sa signature sur un chèque bancaire servant à régler un achat ou un paiement urgent de l’entreprise.

Cette pratique devient plus dangereuse lorsqu’elle est habituelle, et notamment dans les cas où la personne autorisée imite fréquemment la signature d’un supérieur hiérarchique sur d’autres documents, car au fils du temps, ces signatures deviendront plus spontanées et plus homogènes que la véritable graphie du signataire imité.

Les experts judiciaires en écritures et documents ont souvent du mal à distinguer cette circonstance, à différencier les vraies des fausses signatures lorsque celles-ci sont habituelles et autorisées.

Par ailleurs, il est tout à fait possible de nos jours de faire un transfert informatique d’une signatures authentique entre deux documents. Seul un expert en écritures et documents dûment équipé sera en mesure d’identifier une signature imprimée sur un support légitime, sur un vrai chèque bancaire par exemple, car la différence entre une signature imprimée et une signature apposée à l’aide d’un stylo bille à l’encre noire est infime, examinée à l’œil nu.

Le cadre juridique de la falsification de signatures.

L’article 441 du Code Pénal établit le « faux comme tout altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. »

Dans le cas présent, la falsification d’un chèque bancaire, la contrefaçon et même l’imitation de la signature du titulaire rentrent dans cette définition de faux et usage de faux.

La falsification de la signature constitue le cas le plus fréquent, cette définition de faux nous permettant aussi de regrouper d’autres hypothèses comme les chèques antidatés, les montants en lettre et/ou en chiffre altérés, modifiés, raturés, gommés, l’utilisation de supports partielle ou entièrement refaits à neuf (contrefaçon), l’utilisation frauduleuse de cachets d’une société, d’une administration ou d’une association, mais aussi l’abus de blanc-seing, où le titulaire fournit un chèque vierge signé, utilisé par la suite dans un but différent à celui initialement prévu.

L’article 441-1 du Code pénal établit les peines prévues pour le faux et usage de faux à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Ces peines restent inchangées dans les cas de tentative de délits de faux et usage de faux [1].

Les personnes physiques coupables de faux et usage de faux encourent également les peines d’interdiction de droits civiques, civiles et de famille, l’interdiction d’exercice de fonction publique, l’exclusion de marchés publics ainsi que la confiscation de la chose ayant servi ou étant destinée à commettre l’infraction, ou de la chose qui en est le produit, à l’exception des objets pouvant être restitués [2].

Le recours à un expert en écritures agréé auprès des tribunaux.

Solliciter une expertise graphologique d’une signature frauduleusement apposée sur un chèque bancaire est la première solution à envisager en cas d’usurpation.

Cependant, la pratique actuelle des établissement bancaires n’est plus celle de stocker les chèques encaissés, mais de les numériser en format PDF à très faible résolution, ce qui rend parfois très difficile une éventuelle authentification des signatures.

Si bien les experts en écritures sont habitués, il est tout aussi fréquent que la signature ne soit pas exploitable, en raison de la faible résolution de numérisation. Parfois, il ne reste plus que quelques pixels noirs à examiner dans le fichier contenant le chèque litigieux.

Cette expertise en écritures et documents peut être sollicitée avant toute autre démarche, dans le cadre privé et dans le but d’accompagner un dépôt de plainte auprès de l’autorité compétente, mais aussi pendant la procédure, dans le cadre d’une mesure d’expertise judiciaire.

Dans l’expertise privée, la victime mandate un expert dit de part pour établir un rapport d’expertise, qu’elle pourra par la suite produire en justice.

Dans l’expertise judiciaire, la mesure doit être demandée à la juridiction compétente, laquelle désignera un expert de justice, soumis au respect du Code de procédure concerné, ainsi qu’au contradictoire dans le cas d’un procès au civil.

Pendant la phase d’enquête, l’officier de police judiciaire peut lui aussi en demander une mesure d’expertise, avec autorisation préalable de la juridiction compétente.

Il est toutefois très conseillé aux particuliers, les victimes, de consulter un avocat spécialisé en droit pénal avant toute démarche officielle.

Le faux et usage de faux viennent souvent accompagnés d’autres infractions.

Le traitement de chaque dossier doit être examiné au cas par cas.

Jean-Philippe BARTHOMET Criminologue Expert en écritures et documents https://criminalistique.fr

[1Art. 441.9 du Code pénal.

[2Art. 441-10 du Code pénal.