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Licenciement économique : un contrôleur groupe obtient 165 669 euros pour licenciement sans cause. Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.
Parution : mardi 27 octobre 2020
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Le premier intérêt de cet arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 octobre 2020 (n° RG 18/00818 Pole 6 Chambre 6) est qu’il juge un licenciement économique « au motif que la stratégie financière du groupe a pu lui faire décider des mesures de réorganisation du poste de Monsieur X », « la cause économique du licenciement n’était pas justifiée ».

(CA Paris 21 oct. 2020.)

Le Contrôleur groupe obtient 120 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 45 669 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche.

Le second intérêt de l’arrêt du 21 octobre 2020 est qu’il rappelle que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en appel pour les instances introduites devant les Conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016.

L’arrêt fait application d’une solution de la Cour de cassation tranchée le 1er juillet 2020 n°18-24180.

Le salarié avait formulé une nouvelle demande en appel pour non-respect de la clause de réembauchage obtient 45 669 euros à titre de dommages et intérêts.

Le groupe La Mancha est un groupe minier international exploitant des gisements aurifères.

La société La Mancha Services France (LMSF), aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Endeavour Management Services France, avait pour activité d’apporter des services “corporate” aux sociétés du groupe La Mancha dans tous les domaines (assistance informatique, ressources humaines, fonctions administratives, financières, commerciales, juridiques ou marketing).

Monsieur X a été embauché par la société La Mancha Services France (LMSF) le 8 janvier 2013 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de Contrôleur groupe.

La convention collective nationale Syntec était applicable à la relation de travail.

La rémunération de Monsieur X était fixée à 115 000 euros bruts annuels, outre une rémunération variable, initialement fixée à 20% du salaire de base annuel, mais portée à 30% de ce salaire avec effet rétroactif à la date d’embauche le 15 juillet 2013.

Au dernier état de la collaboration, le salaire mensuel brut moyen sur les 12 derniers mois de Monsieur X était de 15 223,97 euros.

Le 21 septembre 2015, le président de LMSF a annoncé la cessation d’activité de la société à la suite de la cession de filiales opérationnelles du Groupe, outre un rapprochement entre les groupes La Mancha et Endeavour.

Le 23 septembre 2015, les délégués du personnel de LMSF ont été informés d’un projet de licenciement collectif pour motif économique de six personnes dont Monsieur X, qui a fait l’objet d’un avis défavorable.

Monsieur X a été convoqué le 6 octobre 2015 à un entretien préalable fixé le 13 octobre 2015 en vue d’un éventuel licenciement.
Monsieur X a refusé le contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 novembre 2015, la société Endeavour a notifié à Monsieur X son licenciement pour motif économique, avec impossibilité de reclassement.

Monsieur X a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris le 20 juin 2016 qui, par jugement du 16 novembre 2017, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et a débouté la société Endeavour de ses demandes reconventionnelles.

Le 20 décembre 2017, Monsieur X a interjeté appel.

Dans son arrêt du 21 octobre 2020, la Cour d’appel de Paris :
- Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la société Endeavour Management Services France à payer à Monsieur X les sommes de :
- 120 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 45 669 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauche, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- Ordonne la remise par la société Endeavour Management Services France d’un bulletin de paie rectificatif conforme, d’une attestation destinée à pôle emploi et d’un certificat de travail rectifiés dans le délai d’un mois ;
- Ordonne à la société Endeavour Management Services France de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Monsieur X, du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées ;
- Déboute la société Endeavour Management Services France de sa demande de dommages et intérêts pour propos diffamants à hauteur d’appel ;
- Condamne la société Endeavour Management Services France à payer à Monsieur X la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure.

Au total, le Contrôleur Groupe obtient la somme de 169 169 euros.

1) Sur le licenciement : absence de justification de la cause économique du licenciement.

1.1) Un rappel nécessaire des règles de droit régissant les licenciements économiques.

La Cour d’appel de Paris, le 21 octobre 2020 (n° RG 18/00818) rappelle que constitue un licenciement pour motif économique sur le fondement de l’article L1233-3 du Code du travail, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi, ou une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

La cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient.

Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L2331-1 du Code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national compte tenu de la date du licenciement de Monsieur X.

1.2) Les causes et conséquences économiques allégués dans la lettre de licenciement.

La Cour d’appel relève que « la lettre de licenciement pour motif économique qui fixe les limites du litige expose que le groupe a subi les conséquences de la chute des cours de l’or à compter d’avril 2013, ayant perdu 35% de leur valeur en 3 ans et l’indice des sociétés minières au Canada ayant perdu plus de 70%.

Elle expose que le groupe a dû céder l’ensemble des actifs qu’il détenait en Australie à la société EVN, contre une participation à son capital, qu’il a aussi cessé toute activité opérationnelle au Soudan en vendant ses parts à l’État soudanais, n’ayant plus pour seul actif qu’une société minière SMI en Côte d’Ivoire dans laquelle des investissements sont nécessaires.

La lettre ajoute que la sauvegarde de la compétitivité du groupe a un impact sur LMSF, dédiée à la gestion support des mines, dès lors que le groupe n’a plus qu’une seule mine à exploiter, laquelle dispose en interne d’un personnel support compétent.

Elle précise que si un rapprochement avec Endeavour est en cours de discussion, EDV n’a aucun bureau en France et dispose en interne de compétences opérationnelles, administratives et financières, LMSF ne pouvant attendre aucune charge de travail supplémentaire de ce rapprochement.

Elle indique que les mesures d’ores et déjà mises en œuvre s’étant avérées insuffisantes, elle est contrainte de se réorganiser et d’adapter son effectif par la suppression de six postes, dont celui de contrôleur groupe de Monsieur X.

Elle affirme enfin être dans l’impossibilité de proposer des postes de reclassement à Monsieur X ».

Les juges d’appel affirment que « pour justifier la cause économique du licenciement, l’employeur verse aux débats les comptes de la société LMSF qui font apparaître un résultat net déficitaire de 450 072 euros ».

1.3) Une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ?

La Cour d’appel relève que « le salarié conteste que la réorganisation ait été imposée par la sauvegarde de la compétitivité.

Il produit les comptes consolidés du groupe au 30 juin 2015, soit quelques mois avant son licenciement, faisant apparaître des profits importants, 65 millions d’euros ayant ainsi été transférés sur le compte d’une société du groupe basées aux Iles Cayman.

L’employeur explique que ces profits peuvent être qualifiés d’exceptionnels, puisqu’ils résultent de la vente de ses mines.

Le salarié souligne cependant que la baisse du prix de l’or en dollars américains n’a eu aucune incidence sur la performance financière du groupe La Mancha celui-ci ayant notamment opéré un gain financier significatif grâce au cours de couverture d’or supérieur au cours du marché sur la période 2013-2015.

S’il observe par ailleurs que les devises fonctionnelles et de présentation du groupe sont l’euro et le dollar australien et que le prix de l’or dans ces monnaies a fait l’objet d’une hausse par rapport à l’année qui précède le licenciement (+6,8% pour les ventes en euro et +15,7% pour les ventes en dollar australien), l’employeur n’en établit pas moins une baisse du cours de l’or au cours des années précédentes ».

La Cour d’appel de Paris affirme que « pour autant, il n’établit nullement par la baisse des cours de l’or que la perspective de difficultés économiques et la sauvegarde de la compétitivité du groupe soient à l’origine de la réorganisation décidée, dans un contexte où celle-ci a été contemporaine de l’entrée du groupe La Mancha dans le capital d’Endeavour, exploitant lui-même des mines ».

Elle ajoute qu’il « résulte par ailleurs du rapport annuel du commissaire aux comptes relatif à l’exercice clos au 31 décembre 2015 de la société LMSF que le 27 novembre 2015, la compagnie minière Cominor a cédé l’intégralité de ses parts dans la compagnie SMI à la société Endeavour Meaning Corporation.

Le même jour, la société La Mancha Holding a cédé à la société Endeavour Meaning Corporation l’intégralité de ses parts de la société LMSF.

Les sociétés Cominor, LMSF et SMI ont ensuite signé le 11 février 2016, à effet rétroactif au 27 novembre 2015, des contrats de cession de leurs contrats de service, par lesquels les contrats de services initialement conclus par la Cominor ont été transférés à LMSF.

L’impact du transfert de ces contrats a généré un chiffre d’affaires complémentaire d’un montant de 404 292 euros ».

1.4) La prise en compte d’éléments postérieurs au licenciement pour évaluer la nécessité de la réorganisation.

La Cour d’appel de Paris affirme ainsi que « c’est vainement que l’employeur souligne que ces opérations sont intervenues postérieurement au licenciement de Monsieur X.

En effet, si le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité ».

Or, selon les juges d’appel, « les événements qui ont suivi de quelques mois le licenciement de Monsieur X confirment que la sauvegarde de la compétitivité ne justifiait pas la réorganisation décidée, mais que celle-ci découlait du rapprochement avec la société Endeavour Meaning Corporation, engagé avant le licenciement.

En effet, dès le 21 septembre 2015, soit 48 heures avant l’annonce par l’employeur de licenciements économiques à LSMF, la société Endeavour Meaning Corporation a annoncé la conclusion d’un contrat de partenariat stratégique long terme avec La Mancha Holding, se traduisant par l’entrée au capital de la société Endeavour à hauteur de 30% afin d’assurer la croissance de sa production aurifère en Afrique ; la société Endeavour achetant pour sa part 55% de la participation de La Mancha dans la société SMI.

Cette opération a été approuvée par les actionnaires d’Endeavour le 5 novembre 2015 ».

La Cour d’appel en déduit qu’ainsi, « si la stratégie financière du groupe La Mancha a pu lui faire décider des mesures de réorganisation ayant pour conséquence la suppression du poste de Monsieur X au sein de la société LMSF, la cause économique du licenciement n’est pas justifiée.

Surabondamment, la cour observe que le 11 janvier 2016, Endeavour a annoncé transférer son bureau administratif et ses relations investisseurs à Paris, et annoncé le 3 mars 2016 un triplement du profit net ajusté attribuable aux actionnaires d’un montant de 42 millions de dollars américains ».

La Cour d’appel de Paris ajoute que « c’est également vainement que l’employeur souligne qu’il a eu l’autorisation de l’inspecteur du travail pour licencier un salarié protégé de la société, cette autorisation ne liant nullement la Cour dans l’appréciation de la cause économique du licenciement de Monsieur X, dès lors que l’autorisation ne le concerne pas et que ce licenciement ne relève pas des dispositions des articles L1233-21 et suivants du code du travail ».

Les juges d’appel infirme ainsi le jugement du Conseil de prud’hommes qui a jugé le licenciement pour cause économique justifié.

Pour un rappel toujours nécessaire sur les licenciements économiques, retrouvez notre article Licenciement économique dans le contexte de la Covid-19 : faut-il accepter une rupture conventionnelle ?

2) Sur les conséquences du licenciement.

2.1) Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : préjudice réparé par l’allocation de la somme de 120 000 euros.

La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 21 octobre 2020 (n° RG 18/00818) rappelle que « selon l’article L1235-3 du Code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié.

Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L1234-9 ».

Les juges d’appel affirment qu’âgé « de moins de 40 ans et en charge de famille au moment de son licenciement, Monsieur X avait 3 années d’ancienneté révolues compte tenu de son préavis de 3 mois.

Son salaire mensuel brut était de 15 223,97 euros.

Monsieur X justifie de ses recherches actives d’emploi avant la création de sa société et des très faibles revenus qu’il en dégage par rapport à sa situation antérieure ».

Ainsi, la Cour d’appel en conclut que « son préjudice consécutif à son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation de la somme de 120 000 euros ».

2.2) Sur le remboursement à Pôle Emploi.

La Cour d’appel de Paris affirme qu’aux « aux termes de l’article L1235-4 du Code du travail, « dans les cas prévus aux articles L1235-3 et L1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaitre le montant des indemnités versées ».

Elle juge ainsi que « ce remboursement sera ordonné à hauteur de 6 mois ».

2.3) Sur la demande d’indemnité liée au non-respect des critères d’ordre des licenciements : non-cumul des indemnités pour perte injustifiée de son emploi et pour inobservation de l’ordre des licenciements.

Les juges d’appel relèvent que Monsieur X « fonde sa demande de dommages et intérêts sur l’article L1233-5 du Code du travail et fait valoir que l’employeur n’a pas respecté les critères d’ordre de licenciement ».

Cependant selon la Cour d’appel, « dès lors que le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié ne peut cumuler des indemnités pour perte injustifiée de son emploi et pour inobservation de l’ordre des licenciements ».

Monsieur X est ainsi débouté de cette demande.

2.4) Sur la priorité de réembauche.

2.4.1) Sur la fin de non-recevoir : la demande nouvelle recevable car l’action a été introduite avant le 1er août 2016 !

La Cour d’appel de Paris affirme que « c’est vainement que la société Endeavour Management Services France demande de prononcer l’irrecevabilité de la demande de Monsieur X de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche au motif qu’il s’agit d’une demande nouvelle en appel, dès lors que l’action a été introduite devant le conseil de prud’hommes avant le 1er août 2016 et que lui est applicable l’article R1452-7 du Code du travail aux termes duquel "Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance" ».

Cette question avait été tranchée par un arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2020 (n°18-24180).

Sur ce sujet, vous pouvez ainsi lire ou relire notre article Prud’hommes et unicité d’instance : quelles règles avant et après le 1er août 2016 ?

Cette demande nouvelle est donc recevable.

2.4.2) 45 669 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche.

La Cour d’appel de Paris rappelle qu’aux « termes de l’article L1233-45 du Code du travail, auquel renvoie l’article L1233-16 du même code, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité́ de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai ».

Elle relève ainsi que Monsieur X « justifie l’avoir demandé par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 février 2016.

Monsieur X fait valoir qu’un poste d’analyste financier et relation investisseur a été pourvu en novembre 2015.

La pièce qu’il produit fait état d’un recrutement d’une personne auprès de la société Endeavour Mining Corporation et non Endevavour Management Services France venue aux droits de son employeur ».

La Cour d’appel affirme que « si l’employeur est fondé à faire valoir que le droit à bénéficier d’une priorité de réembauche ne peut s’exercer qu’à l’égard de l’entreprise qui a licencié le salarié et non au sein du groupe auquel elle appartient, il n’en demeure pas moins que la priorité de réembauche subsiste après le licenciement ou la rupture du contrat de travail en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur.

En cas de litige, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation en établissant, soit qu’il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l’absence de tels postes ».

Or, la Cour d’appel considère que « force est de constater que la société Endeavour Management Services France ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle a satisfait à son obligation ».

Les juges d’appel posent que « l’article L1233-13 en sa version applicable « En cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l’article L1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire ».
Ils en déduisent en l’espèce que « compte-tenu des recherches actives d’emploi du salarié dans l’année suivant la rupture du contrat de travail, celui-ci rapporte la preuve de la mesure de son préjudice et la société Endeavour Management Services Francesera condamnée à lui versée une somme de 45 669 euros à titre de dommages et intérêts
 ».

3) Sur la perte de chance de bénéficier du plan de stock-options octroyé par la société Endeavour.

La Cour d’appel affirme qu’il « est constant qu’en l’absence de licenciement, Monsieur X serait resté dans les effectifs de LMSF aux droits de laquelle est venue la société Endeavour Management Services France.

Il est par ailleurs établi que la société Endeavour Mining a mis en place un plan par lequel les directeurs de la société "peuvent" octroyer à des directeurs, des employés ou des consultants des options.

Ces faits n’établissent pas cependant que Monsieur X "aurait dû", comme il l’affirme, bénéficier de ce plan ».

Les juges d’appel en concluent que « dès lors qu’il n’était pas consultant, qu’il ne justifie pas avoir jamais exercé un emploi de directeur et qu’il ne verse aucune pièce de nature à montrer quels types d’employés du groupe aurifère ont bénéficié de ces stocks-options, le simple fait d’avoir perdu son emploi de contrôleur de gestion dans les effectifs de LMSF aux droits de laquelle est venue Endeavour Management Services France ne suffit pas à établir l’existence de la moindre perte de chance de bénéficier de ce plan ».

4) Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour propos « diffamants ».

4.1) Les propos prétendument « diffamants » tenus devant le Conseil de prud’hommes.

La Cour d’appel relève que « la société Endeavour Management Services France fonde sa demande sur les propos diffamants qu’elle impute à Monsieur X dans ses conclusions définitives et reprises oralement lors des plaidoiries devant le conseil de prud’hommes, ainsi que dans ses dernières conclusions d’appel ».

Or, aux termes de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».

En outre, « aux termes de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse « [...] Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers ».

La Cour d’appel rappelle que le jugement du conseil de prud’hommes a considéré « que les propos litigieux tenus dans les conclusions et soutenus à la barre du tribunal qui ne font que l’objet d’une publicité restreinte participent uniquement à la rhétorique du débat judiciaire, qu’en effet le salarié licencié est libre d’évoquer les faits qui sont, selon lui, la cause véritable de la rupture de son contrat de travail, sans craindre normalement de la part de la partie adverse une action en diffamation, injure ou outrage, que les faits soient en définitive établis ou qu’ils ne le soient pas ».

Elle ajoute qu’à « l’appui de sa demande d’infirmation, la société Endeavour Management Services France ne fait aucune citation particulière des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires qu’elle impute à Monsieur X dans les propos qu’il aurait tenus devant le conseil de prud’hommes.

Quand bien-même elle en produit une copie, elle ne cite pas davantage dans ses écritures les extraits des conclusions déposées par Monsieur X caractériseraient selon elle, des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires ».

De ce fait, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement du Conseil de prud’hommes en considérant que Monsieur X n’a pas tenu de propos « diffamants » à l’encontre de la société.

4.2) Les propos prétendument « diffamants » tenus devant la Cour d’appel.

La Cour d’appel relève que « la société Endeavour Management Services France fait par ailleurs valoir que, dans ses dernières conclusions d’appel, Monsieur X continue de diffamer l’entreprise et ses dirigeants aux pages 22 et suivantes de ses écritures.

Ce développement n’a pas été exploité par la Cour, dès lors que celle-ci a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans avoir à examiner les moyens du salarié relatifs au non-respect par l’employeur des critères d’ordre des licenciements ».

Les juges d’appel affirment qu’il « résulte du passage incriminé de ses écritures que Monsieur X impute à la société LMSF une instrumentalisation des critères d’ordre de licenciement à son détriment alors qu’il "connaissait et dénonçait à de nombreuses reprises les pratiques non-éthiques de la société".

Suit un certain nombre d’exemples de faits présentés par le salarié, entre octobre 2013 et octobre 2015, chaque exemple donnant lieu à la production d’une pièce, nombre d’entre elles constituant des alertes à sa hiérarchie puis à des membres du comité d’audit sur des mouvements de fond posant difficulté au salarié, en sa qualité de contrôleur de gestion du groupe La Mancha, qualifiant certains de frauduleux ».

La Cour d’appel en déduit que « ses écritures se bornant à présenter de façon purement factuelle des faits au soutien de sa prétention et en l’absence de tout argumentaire précis de l’employeur, ainsi que de toute pièce, pour caractériser lesquels de ces faits évoqués sont "injurieux, outrageants ou diffamatoires", l’employeur sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ».

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum