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La contribution aux charges du mariage n’est pas une pension alimentaire. Par Amani Ben Lakhal, Avocat.
Parution : vendredi 30 octobre 2020
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En cas de séparation de fait, les sommes versées par un époux à l’autre ne sont pas des pensions alimentaires si ces derniers font l’objet d’une imposition fiscale séparée et que ces montants n’ont pas été fixés par une décision de justice.

Conformément à l’article 214 du Code civil, si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Si l’un des époux ne respecte pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre des les formes prévues par le Code de procédure civile.

Cela signifie que chacun des époux doit payer tous les frais afférents à ces charges selon ses possibilités. Si un des époux jouit d’une situation financière plus confortable que l’autre, alors il devra supporter une part plus importante dans le paiement de ces charges.

Cette obligation naît dès la signature du contrat de mariage et ne cesse qu’au divorce.

Même si une ordonnance de non-conciliation est prononcée par un juge aux affaires familiales, elle perdure. Elle prendra alors la forme d’un versement au titre du devoir de secours si la situation le justifie.

Cette obligation de contribution perdure également si les époux sont séparés de fait [1]. Or, il est très courant que des époux, sans introduire une instance en divorce, décide de se séparer.

Dans cette configuration, deux hypothèses sont à envisager.

La première hypothèse est le cas où les époux se séparent et l’un d’eux se retrouvent dans une situation financière plus fragile quand l’autre refuse de respecter son obligation. Le premier devra alors, comme le lui permet l’article 214 du Code civil, contraindre l’autre époux à contribuer aux charges du mariage à proportion de ses facultés respectives. Concrètement, cette contrainte se matérialisera par l’introduction d’une action en justice.

La deuxième hypothèse est le cas où les époux se séparent mais s’accordent sur un montant versé par l’un à l’autre pour honorer cette obligation de contribution aux charges du mariage.

Concentrons nous sur cette hypothèse.

Le Code général des impôts énonce que les montants versés à un époux sont déductibles, soumises et imputables à l’impôt sur le revenu uniquement si :
- le montant de cette contribution a été fixée par une décision de justice,
- les époux sont séparés de fait et disposent d’une imposition fiscale séparée

Ces deux conditions sont cumulatives. Il en résulte qu’ entre époux séparés de fait, seules sont déductibles les sommes qu’ils se versent dont le montant a été fixé par une décision de justice et, si ces derniers font l’objet d’une imposition fiscale séparée.

En conséquence, s’il y a une décision de justice et que l’imposition est séparée, l’époux séparé de fait qui verse une contribution devra déduire son montant sur sa déclaration de revenus. Réciproquement, l’époux qui reçoit une contribution devra déclarer les montants perçus comme étant des revenus supplémentaires.

Toutefois dans la mesure où cela suppose une audience devant le juge aux affaires familiales, ces époux ne seront plus séparés de fait puisque que celle-ci est justement une séparation ne résultant d’aucun jugement.

Quel est alors le régime des sommes versées entre époux dans le cas d’une séparation de fait c’est à dire, d’une séparation ne résultant d’aucun jugement ?

Selon la jurisprudence, les sommes versées spontanément hors décision de justice, ne constituent qu’un emploi du revenu d’ordre personnel qui fait obstacle à toute déduction.

Cela signifie que dans ce cas, s’il n’existe aucune décision de justice ou, qu’il y en a une mais que les époux ne font pas l’objet d’une imposition fiscale séparée, l’époux qui verse la contribution ne pourra pas déduire les montants versés et l’époux qui les reçoit n’aura pas non plus à les déclarer comme revenus supplémentaires.

Il en résulte que les montants reçus par un époux n’auront aucune incidence sur le montant de son imposition.

Ce point est capital car s’il perçoit des aides, notamment des organismes départementaux, lesquels se fondent sur les revenus perçus pour calculer le montant des droits, les montants versés à ce titre ne pourront pas justifier une quelconque diminution voir, une suppression desdits droits.

Il est donc important de bien identifier la nature des sommes versées entre époux et d’en maîtriser le régime fiscal applicable.

Amani Ben Lakhal Avocat à la cour [->www.amanibenlakhal-avocat.com]

[1Voir en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 16 février 1983 pourvoi 81-16162.

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