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La délivrance du legs et l’attribution des droits au profit du légataire. Par Pauline Darmigny, Avocat.
Parution : lundi 9 novembre 2020
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Il se peut qu’avant son décès, une personne décide de faire un testament, dans lequel, il lègue à l’un de ses héritiers, ou un tiers, un ou plusieurs biens composant sa succession.
Dans ce cas, on ne parle pas de « donation » mais sinon de « legs », puisque la libéralité se fait par testament et ne prendra effet, au profit du bénéficiaire, qu’à compter du décès du testateur.

Le testament est l’acte par lequel une personne, le testateur, dispose de tout ou partie de ses biens ou droits, pour le temps où il n’existera plus.

Ainsi, le testament n’aura d’effet qu’à compter de la mort du défunt.

Il existe trois formes de testament :
- Le testament olographe qui est écrit en entier de la main du testateur, daté et signé par ses soins ;
- Le testament authentique qui se fait par un acte notarié, sous la dictée du testateur, en présence de témoins, et signé par le testateur, le notaire et les témoins ;
- Le testament mystique qui est un acte sous signature privée, déposé chez un notaire en présence de deux témoins.

Il existe trois sortes de legs, le legs universel, le legs à titre universel et le legs particulier.

Le légataire peut se trouver en concours dans la succession du défunt, avec les héritiers réservataires de la succession.

Les héritiers réservataires de la succession sont précisément ceux auxquels la loi « réserve » une quote-part de biens inaliénable.

Ils sont prioritaires dans la succession, puisque par l’effet de la mort du défunt, ils sont automatiquement saisis de plein droit, des biens et des droits du défunt.

En revanche et en l’absence d’héritiers réservataires, le légataire universel est saisi de plein droit.

Cela a pour conséquence, qu’en présence d’un ou plusieurs héritiers réservataires, le légataire universel, le légataire à titre universel mais aussi le légataire particulier doit demander la délivrance de son legs.

Qu’est-ce-que la délivrance du legs ? quelle conséquence emporte-t-elle ? à partir de quel moment, le légataire devient-il pleinement propriétaire du ou des biens qu’il a reçu(s) par testament ?

1. Les différentes formes de legs.

- Le legs universel :

Par le legs universel, le testateur donne à une personne l’universalité des biens qu’il laissera à son décès.

Le legs de la quotité disponible est par exemple un legs universel.

En cas de renonciation des héritiers réservataires, le légataire a vocation à recueillir l’universalité de la succession.

- Le legs à titre universel :

Il s’agit du legs par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer.

- Le legs particulier :

Le legs particulier est celui qui porte sur une catégorie de biens. Il donne ainsi au légataire un droit à une chose précise dans la succession.

2. La délivrance du legs.

La délivrance s’analyse juridiquement comme la reconnaissance et comme la consécration des droits du légataire universel.

Elle permet l’entrée en possession du bien et l’acquisition des fruits produits par le bien.

La délivrance permet de reconnaître pleinement, les droits du légataire sur le legs qui a été fait à son profit.

Comme l’a indiqué la jurisprudence en la matière, la délivrance ne revêt aucune forme particulière.

Elle peut résulter amiablement d’une mise en possession du bien.

Vous êtes par exemple légataire d’une maison appartenant au défunt de son vivant, elle vous a été léguée par testament.

Vous en prenez possession et l’investissez en vous comportant comme le propriétaire du bien, sans recevoir aucune forme d’opposition de la part des autres héritiers, on parle alors d’une délivrance.

Si le légataire est en même temps légataire et héritier réservataire de la succession, il est saisi de plein droit des biens, et n’a pas à demander la délivrance du legs dont il bénéficie, qu’il s’agisse d’un legs universel, à titre universel ou particulier.

Mais si le légataire n’est pas en même temps héritier de la succession, il se trouve confronté aux droits des héritiers de la succession.

Ainsi, lorsque le légataire est confronté aux héritiers réservataires de la succession du défunt, il devra leur demander la délivrance de son legs, c’est-à-dire l’attribution des biens compris dans le testament.

En effet, par l’effet de la mort du défunt, ses héritiers réservataires que sont par exemple ses enfants, sont de plein droit investis de tous les biens qui se trouvent dans la succession du défunt.

Par conséquent, pour bénéficier de son legs, le légataire devra nécessairement leur demander la délivrance des biens compris dans le testament.

En résumé, cela signifie qu’il ne suffit pas de bénéficier d’un legs pour s’en voir attribuer la pleine propriété à compter du décès.

Si le légataire se trouve en concours avec les héritiers de la succession du défunt, il ne pourra pas prendre possession d’un bien dont il aurait bénéficié par testament.

Il faudra au préalable, qu’il sollicite la délivrance de son legs.

Cette exigence ne s’impose que si le légataire se trouve en concours avec au moins un héritier réservataire.

3. Sur les différences formes de délivrance d’un legs.

La délivrance est ce qui permet au légataire d’exercer ses droits sur le bien légué.

- La délivrance amiable :

Pour celle-ci, il n’y a aucune forme particulière. Elle est constatée par un acte mais peut aussi être le fruit d’un accord de volontés. Le légataire a pris possession du bien légué, s’est comporté comme le propriétaire du bien sans que les héritiers n’exercent aucune forme d’opposition.

- La délivrance par voie judiciaire :

L’action en délivrance de legs est introduite par voie d’assignation en justice, qui est un acte d’avocat.

La demande de délivrance de legs doit être adressée à tous les héritiers réservataires.

Même en étant mis en délivrance de son bien reçu par testament, le bénéficiaire du legs n’est pas à l’abri d’une action en revendication de la part des héritiers réservataires de la succession.

Par exemple, si le legs excède la quotité disponible, les héritiers pourront exercer contre le légataire, l’action en réduction.

4. Les effets de la délivrance.

Dès l’ouverture de la succession, le légataire peut demander la délivrance.

La délivrance a pour effet de permettre la prise de possession du legs.

Le légataire a ainsi droit aux fruits et revenus des biens légués.

Cependant, seul le paiement du legs permettra au légataire de se voir attribuer la pleine propriété du bien et tous ses attributs.

Tant que la délivrance n’est pas acquise, la succession et ce qui la compose, reste entre les mains des seuls héritiers réservataires.

Avant la délivrance, le légataire n’a pas droit aux fruits ni aux revenus.

Il ne peut pas appréhender les biens, ni en avoir l’usage.

La délivrance n’a pas pour effet de rendre le légataire propriétaire du legs, puisqu’il est propriétaire dans les faits, depuis le décès.

La délivrance permet de le mettre en possession de la succession.

Il peut appréhender les biens, les administrer et en faire usage.

Cependant, la délivrance ne permet pas au légataire, tant que la succession n’est pas partagée, de jouir du bien en pleine propriété.

En effet, en attendant le partage de la succession, le légataire en concours avec les héritiers réservataires, peut exercer sur les biens, les droits et les pouvoirs d’un indivisaire.

Ainsi, seul le partage de la succession permettra la répartition et l’attribution privative des biens au profit du légataire, selon la volonté exprimée par le testateur.

Le légataire peut, jusqu’au partage, user et jouir des biens comme tous les autres indivisaires de la succession.

5. Application pratique.

Concrètement, si le legs porte sur un bien immobilier, comme une maison, il faut distinguer 3 situations :

- Avant la délivrance :

Le légataire est propriétaire du bien, « sur le papier », mais il n’a pas droit aux fruits ni aux revenus.

Il ne peut pas appréhender les biens, ni en avoir l’usage.

Il ne peut ni profiter de la maison pour lui-même, ni la mettre en location ni en percevoir les loyers.

- Après la délivrance mais avant le partage :

Le légataire est comme un copropriétaire indivis sur le bien, objet du legs.

Il peut en prendre possession, en user et en jouir et il a droit aux fruits et aux revenus.

Il peut donc profiter de la maison et la mettre en location et percevoir ainsi les loyers.

Cependant, il ne peut pas en faire un usage privatif et exclusif des droits des autres héritiers qui sont copropriétaires indivis avec lui.

- Après la délivrance et après le partage :

Le légataire bénéficie à ce moment-là de tous les attributs du droit de propriété.

Il est devenu le seul et unique propriétaire du bien.

6. Le paiement du legs.

Le paiement est l’attribution du bien objet du legs, au profit du légataire.

Le paiement du legs s’opère après le partage de la succession et permet ainsi au légataire de profiter pleinement en totale propriété, des droits dont il a bénéficié au titre du legs.

Le paiement du legs ne peut intervenir qu’au cours des opérations de partage.

Dans le cadre du partage, le bénéficiaire du legs se voit alors attribuer le ou les biens reçu(s) par testament, qui vont le remplir de ses droits.

Jusqu’au partage, le légataire ne peut prétendre à la jouissance divise et personnelle des biens qu’il a reçus par testament.

Pauline DARMIGNY Avocat à la Cour https://darmigny-avocat.fr
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