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Violences en réunion et audition du suspect libre, la relaxe est possible. Par Teddy Francisot, Avocat.
Parution : lundi 16 novembre 2020
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Il est possible d’obtenir une relaxe dans le cas violences volontaires en réunion (222-13 (8°) du Code pénal), sous certaines conditions, tel en a décidé le Tribunal correctionnel de Nîmes dans son jugement du 13 novembre 2019.

En l’espèce, une personne était prévenue de violences volontaires en réunion sur un plaignant. Le dossier pénal contenait seulement deux éléments qui ont fondé la poursuite : l’audition du plaignant et l’audition libre du prévenu.

Dans son audition, le plaignant indiquait que le prévenu l’avait violenté avec la contribution d’une autre personne, qui l’avait violenté également.

Dans son audition libre, le prévenu indiquait que son comportement était légitime et proportionné.

Or, d’une part, les services d’enquête on entendu le prévenu dans le cadre d’une audition libre, dans des conditions qui étaient contraires aux prescriptions du Code de procédure pénale. Et d’autre part, ils n’ont pas saisi les images de la caméra présente sur les lieux.

Dès lors, le prévenu pouvait-il être condamné pour les faits qui lui étaient reprochés alors que l’audition libre était irrégulière, et sur la base des seules déclarations de la victime ?

Sur le droit applicable à l’audition libre :

Le prévenu a été entendu sur le fondement des articles 61 et 61-1 du Code de procédure pénale, qui prévoient l’audition libre du suspect d’infraction.

Le premier de ces deux articles (61 CPP) donnent à l’OPJ le pouvoir d’appeler et d’entendre toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis. Les APJ ne peuvent entendre ces personnes que sous le contrôle de l’OPJ.

Le second (61-1 CPP) prévoient les informations préalable à communiquer à la personne entendu sous le régime du suspect libre. Notamment : qualification, date et lieu de l’infraction ; droit de quitter les locaux à tout moment ; droit de se taire ; droit d’être assisté d’un-e avocat-e.

Cette mesure d’enquête suppose donc qu’elle soit menée par un Officier de police judiciaire (OPJ), ou sous son contrôle, et que le suspect se voit notifier ses droits.

Or, en l’espèce, la mesure d’enquête a été réalisée par des Agents de police judiciaire (APJ), et le prévenu n’a pas reçu de notification de ses droits.

Il en résulte principalement que la mesure d’enquête était nulle, et les déclarations susceptibles d’être auto-incriminantes devaient être écartées des débats.

Et il en résulte subséquemment qu’il ne restait dans le dossier que les déclarations du plaignant.

Cependant,

« en raison du principe de présomption d’innocence, les déclarations de la partie civile [le plaignant] ne peuvent légalement servir de preuve, faute d’être corroboré par des éléments objectifs susceptibles d’être soumis à la discussion des parties » [1].

Dès lors, faute d’éléments objectifs de nature à corroborer les déclarations du plaignant, l’état du dossier pénal n’était plus susceptible d’entraîner la condamnation du prévenu.

Jugement :

C’est en conséquence de l’ensemble de ces éléments que le Tribunal correctionnel de Nîmes, le 13 novembre 2019 (Minute : 19/2122), a prononcé la relaxe de l’auteur des faits de violences volontaires en réunion dont il était prévenu.

Teddy Francisot, Avocat. Cabinet JTF Avocat | cabinet-jtf.com

[1Crim., 19 février 2002, 01-83383.