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Notification des décisions judiciaires espagnoles dans les pays tiers. Par Guillermo Bayas Fernández, Avocat.
Parution : jeudi 12 novembre 2020
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Au cours d’une procédure judiciaire, il peut être nécessaire de signifier un document ou une décision judiciaire (normalement, il s’agit de la demande et la citation pour y répondre) à une personne dont le domicile est situé hors l’Etat où la procédure a lieu (dans ce cas, hors d’Espagne).

S’il s’agit d’une décision judiciaire espagnole en matière civile et commerciale et l’Etat où la notification doit être effectuée est un pays tiers, il est fort probable que cet Etat soit l’un des 71 signataires de la Convention de La Haye de 1965 relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (ci-après CH 1965), que l’Espagne a signée en 1976.

L’exigence essentielle pour toute notification est que le demandeur fournisse l’adresse du destinataire, personne ou entreprise ; si l’adresse est inconnue, la CH 1965 ne peut pas être appliquée.

La CH 1965 établit un système principal, le système de l’Autorité Centrale (AC), et plusieurs systèmes alternatifs. Dans le système principal, le demandeur fournit au greffier ou à l’Avocat de l’Administration de la Justice (LAJ) de la cour où la procédure judiciaire a lieu ces trois documents :
- 1) la demande selon le formulaire annexé à la CH 1965, qui ne doit pas être obligatoirement légalisée,
- 2) la décision judiciaire à notifier ou une copie de celle-ci,
- 3) une annexe résumant les caractéristiques essentielles de la décision (appelée « éléments essentiels du document »).

Tout cela en double exemplaire. L’LAJ transmet ces documents à l’AC de l’Etat de destination (l’Etat dans lequel le destinataire de la notification a son domicile), qui effectuera en principe la notification conformément au droit de cet Etat. Une fois la procédure terminée, l’AC de l’Etat de destination délivre un certificat selon le modèle annexé à la CH 1965, qu’elle transmet à la LAJ.

Les systèmes alternatifs, sauf si l’Etat de destination ne s’oppose à l’un d’entre eux, sont les suivants : notification par les corps consulaires ou diplomatiques espagnols (à condition qu’ils ne fassent pas usage de la contrainte contre le destinataire), par courrier, notification directe entre les fonctionnaires judiciaires ou ministériels des deux Etats et demande directe de l’intéressé aux autorités judiciaires de l’Etat de destination.

Parmi tous ces systèmes, le courrier postal est le plus recommandé car il est le plus rapide, à condition que l’Etat de destination ne s’y oppose pas (il peut être consulté sur la page de la Conférence de La Haye, hcch.net). Le document peut également être envoyé à l’AC de l’Etat de destination par l’intermédiaire des corps consulaires ou diplomatiques espagnols, ce à quoi les Etats signataires ne peuvent pas s’opposer.

La CH 1965 établit des exigences linguistiques qui affectent à la décision judiciaire à notifier, à la demande et la manière de la remplir. Au-delà des différentes possibilités offertes par la CH 1965, il est vivement conseillé de traduire tous les documents dans une langue officielle de l’Etat de destination, afin d’éviter que l’AC ne demande une telle traduction, ayant comme résultat le retard de notification.

D’autre part, lorsque l’acte à notifier est un procès, la CH 1965 établit des mécanismes pour protéger le défendeur contre l’absence de défense.

Premièrement, la procédure ne se poursuivra pas tant qu’il n’aura pas été vérifié que la demande a été signifiée. Toutefois, la procédure se poursuivra si trois conditions sont remplies :
- (1) l’acte a été signifié ou notifié par l’un des systèmes décrits ci-dessus ;
- (2) un délai d’au moins six mois s’est écoulé depuis la date de signification ou de notification ;
- (3) l’attestation de l’AC de destination n’a pu être obtenue (article 15).

Deuxièmement, si une décision judiciaire a été rendue contre un défendeur qui a été déclaré par contumace, le juge peut l’autoriser à faire appel malgré l’expiration du délai ordinaire prévu à cet effet si trois conditions sont remplies :
- 1) il doit prouver qu’il n’avait pas connaissance de la demande sans qu’il y ait eu faute de sa part ;
- 2) l’appel doit, a priori, être susceptible d’aboutir ;
- 3) il doit être formé dans un délai raisonnable après le prononcé de la décision judiciaire, qui en Espagne a été fixé à seize mois au maximum.

Et pour finir, il convient de souligner que si l’Etat où la notification est demandée ne fait pas partie de la CH 1965, ou à un quelconque accord bilatéral avec l’Espagne, ou membre de l’Union Européenne, la notification doit être effectuée conformément aux dispositions de la loi 29/2015 du 30 juillet sur la coopération juridique internationale en matière civile, dont le contenu reproduit essentiellement celui de la CH 1965, nous renvoyons donc à son texte pour plus de détails (art. 5 à 27).

Guillermo Bayas Fernández, associé département Contentieux et Arbitrage. Barreaux de Barcelone et de l'Etat de New-York AGM Avocats - Abogados