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Mesures préparatoires au licenciement : une différence de traitement femme/homme. Par Myriam Adjerad, Avocat.
Parution : vendredi 13 novembre 2020
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Cass. soc, 30 septembre 2020 n°19-12.036.
Alors que le législateur promeut l’égalité entre les femmes et les hommes avec l’augmentation de la durée du congé paternité qui passe de 14 à 28 jours au 1er janvier 2021, la Cour de cassation consacre une différence de traitement importante entre la femme en congé maternité et le salarié en congé pour évènement familial.

Par un arrêt du 30 septembre 2020, elle précise que le salarié en congé à la suite de la naissance de son enfant ne peut bénéficier de la protection contre les mesures préparatoires au licenciement prévue pour la salariée en congé maternité.

La Cour construit son raisonnement en deux temps : elle se fonde sur le contenu des mesures protectrices à destination des salariées en congé maternité contre la rupture de leur contrat de travail avant d’en exclure le bénéfice pour les salariés en congé pour évènement familial.

I/ La protection renforcée de la salariée en état de grossesse.

Les salariées en état de grossesse bénéficient d’une protection absolue concernant la rupture de leur contrat pendant leur congé maternité, les congés pris postérieurement à leur congé maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes [1].

Le deuxième alinéa de l’article L1225-4 du Code du travail prévoit également une protection relative de la salariée en état de grossesse. L’employeur aura en effet la possibilité de rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave ou de l’impossibilité de maintenir le contrat de la salariée pour un motif totalement étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Cependant, la rupture du contrat ne pourra prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

La Cour de cassation a renforcé cette protection des femmes en état de grossesse en précisant qu’il est également interdit de mettre en œuvre des mesures préparatoires au licenciement pendant la période de protection absolue.

Elle a par exemple jugé que les juges du fond doivent vérifier si l’engagement d’un salarié durant le congé maternité de l’intéressée n’a pas eu pour objet de pourvoir à son remplacement définitif, de sorte qu’il caractérisait une mesure préparatoire à son licenciement [2].

A contrario, la Cour de cassation a énoncé que le fait de prévoir, dans le cadre d’un projet de restructuration, la suppression de l’emploi d’une femme en congé maternité et de l’associer au PSE en lui faisant part des postes disponibles au reclassement ne constituait pas une mesure préparatoire au licenciement [3].

II/ La protection relative du salarié en congé à la suite de la naissance de son enfant.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 septembre 2020, un salarié avait pris trois jours de congés pour évènement familial conformément à l’article L3142-1 du Code du travail afin d’accueillir son enfant né le 20 novembre 2015.

A ce titre, il bénéficiait d’une protection contre la rupture de son contrat de travail d’une durée de quatre semaines, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant [4].

Au lendemain de son retour de congé et six jours après la naissance de son enfant, le salarié est convoqué à un entretien préalable et se voit notifier un licenciement pour insuffisance professionnelle le 23 décembre 2015. Ainsi, la convocation et l’entretien préalable ont eu lieu pendant la période de protection de quatre semaines allant jusqu’au 18 décembre 2015 mais la notification du licenciement a eu lieu postérieurement.

La Cour d’appel de Chambéry, dans un arrêt du 29 novembre 2018, déclare le licenciement nul au motif que :

« La protection de la maternité et de la naissance de l’enfant telle que prévue par l’article L1225-4-1 du Code du travail est conforme à l’article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui protège les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d’un enfant et qui sanctionne les mesures préparatoires au licenciement pendant cette période » [5].

La Cour de cassation rejette ce raisonnement retenant que l’article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 n’est pas applicable dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L1225-4-1. Cette directive s’applique seulement pour l’article L1225-4 du Code du travail, réservé à la salariée en congé maternité.

Ainsi, le salarié en congé à la suite de la naissance de son enfant ne bénéficie pas de la protection contre les mesures préparatoires au licenciement contrairement aux salariées en état de grossesse.

Le raisonnement adopté par la Cour de cassation sera-t-il le même dans la situation où le père de l’enfant se trouve en congé paternité ? La réponse semble être positive dans la mesure où celui-ci ne bénéficie pas d’une protection plus importante contre la rupture de son contrat de travail [6].

Myriam ADJERAD, Avocat ADJERAD AVOCATS, Avocats au Barreau de Lyon [->contact@adjeradavocats.fr] https://fr.linkedin.com/in/myriam-adjerad-473903121

[1Alinéa 1er de l’article L1225-4 du Code du travail.

[2Cass. soc, 15 sept. 2010, n°08-43.299.

[3Cass. soc, 14 sept. 2016 n°15-15.943.

[4Article L1225-4-1 du Code du travail (la durée de protection est passée à dix semaines depuis la loi Travail du 8 août 2016).

[5Cass. soc, 30 sept. 2020 n° 19-12.036.

[6Article L1225-35 du Code du travail.