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Remboursement de l’impôt sur la plus-value sur titres aux sociétés étrangères. Par Thomas Ramon, Avocat.
Parution : mercredi 18 novembre 2020
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L’article 244 bis B du Code Général des Impôts (CGI), qui taxe les plus-values réalisées par les personnes morales non résidentes à raison de la cession de titres représentant 25% des droits financiers dans une société française, méconnaît les principes européens de liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux.

L’article 244 bis B du CGI prévoit :
- Un prélèvement à hauteur de 12,8% applicable aux plus-values sur les titres de sociétés françaises cédés par des personnes physiques résidant à l’étranger ;
- Un prélèvement à hauteur du taux d’impôt sur les sociétés (28% en 2020) applicable aux plus-values sur les titres de sociétés françaises cédés par des personnes morales résidant à l’étranger.

Seules les cessions de titres donnant droit à 25% des bénéfices d’une société située en France sont soumises à ce prélèvement.

Il convient de noter que, pour les sociétés françaises soumises à l’impôt sur les sociétés, les plus-values sur titres de participation bénéficient normalement d’une exonération d’imposition. Seule une quote-part pour frais et charges correspondant à 12% de la plus-value doit être réintégrée dans le résultat fiscal de la société en application de l’article 219 I a quinquies du CGI.

On entend par « titre de participation », les titres ayant été conservés plus de deux années consécutives et représentant au moins 5% du capital de la société.

Une discrimination évidente est donc apparue entre les sociétés françaises qui sont imposées sur seulement 12% de la plus-value sur titre réalisée et les sociétés étrangères qui sont imposés à l’impôt sur les sociétés sur l’intégralité de la plus-value mobilière réalisée.

Le Conseil d’Etat a donc jugé récemment que le prélèvement de l’article 244 bis B du CGI est contraire aux principes européens de liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux reconnus par les articles 49 et 65 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne et a censuré la position de l’administration fiscale qui limitait le remboursement à la seule fraction de l’impôt supérieure à celle qu’une société française aurait dû s’acquitter :

« Par suite, en déduisant de l’incompatibilité des dispositions de l’article 244 bis B du code général des impôts avec le droit de l’Union européenne que l’imposition mise à la charge de la société AVM International Holding sur leur fondement pouvait être limitée à la seule fraction des impositions permettant d’assurer la neutralité de l’imposition au regard des libertés garanties par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, alors qu’elle ne peut donner lieu qu’à la décharge de l’imposition incompatible (…) » [1].

En conséquence, les sociétés ayant leur siège dans l’Union européenne pourront désormais refuser d’acquitter le prélèvement visé à l’article 244 bis B du CGI. Celles ayant acquitté le prélèvement de l’article 244 bis B du CGI à compter du 1er janvier 2018 pourront réclamer la restitution de ce prélèvement ainsi que des intérêts moratoires sur le fondement de l’article 208 du Livre des Procédures Fiscales.

Au sein de l’Union européenne, les sociétés concernées par ce remboursement sont celles situées dans les pays pour lesquels la convention fiscale autorise l’application du prélèvement, c’est-à-dire les pays avec lesquels une clause « de participation substantielle » a été négociée.

Cette clause est insérée le plus souvent à l’article 13 de la convention fiscale. C’est notamment le cas pour les états suivants : Espagne, Italie, Autriche, Suède, Malte, Bulgarie, Hongrie, Chypre.

A noter que l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne qui fixe le principe de libre circulation des capitaux indique très clairement que ce principe s’applique aux sociétés d’Etats tiers à l’Union européenne :

« Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ».

En conséquence, les sociétés situées hors de l’Union européenne devraient également pouvoir contester le prélèvement visé à l’article 244 bis B du CGI sur la plus-value mobilière réalisée en France.

Dans un arrêt récent, la Cour Administrative d’Appel de Versailles a ainsi précisé s’agissant de titres d’une société française cédés par une société basée aux Iles Caïmans que :

« Les dispositions précitées de l’article 244 bis B du code général des impôts, qui instituent pour la cession de droits sociaux par des personnes morales ayant leur siège hors de France une imposition d’un montant supérieur à l’imposition dont sont redevables, pour cette même opération, les personnes morales ayant leur siège en France en application de l’article 219 du code général des impôts, méconnaissent, dans cette mesure, le principe libre circulation des capitaux reconnu par l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » [2].

Ainsi, la non-application de l’article 244 bis B du CGI par les juridictions administratives françaises conduit, en cas de restitution, à une absence totale d’imposition en France sur les plus-values réalisées sur les cessions de droits sociaux en France par les sociétés étrangères.

En application des règles de prescriptions fiscales, les prélèvements sur les plus-values réalisés au cours de l’année 2018 ne pourront plus être remboursés en l’absence de réclamation contentieuse déposée avant le 31 décembre 2020.

Avocat au barreau d'Aix-en-Provence [->www.ramon-avocat.fr] Magistère de droit des affaires, fiscalité et comptabilité Master 2 Droit et fiscalité des entreprises

[1Conseil d’Etat 14 octobre 2020 n°421524.

[2CAA de Versailles, 7ème chambre, 20 octobre 2020 n° 18VE03012.

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