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Adoption plénière de l’époux du père lorsque l’enfant est né d’une GPA à l’étranger. Par Lucas Massard, Etudiant.
Parution : mercredi 18 novembre 2020
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Le 4 novembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation vient faire évoluer sa jurisprudence concernant l’adoption de l’époux du père de l’enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger et lorsqu’il n’y a pas de filiation maternelle sur l’acte de naissance.

Un enfant est né par gestation pour autrui à Bombay en Inde avec un père de nationalité française. L’acte de naissance indien n’indique aucune filiation maternelle. Le 18 octobre 2012, le père a reconnu l’enfant devant l’officier d’état-civil. Le 18 mars 2016, il épouse un homme de nationalité française et celui-ci forme, par requête du 26 juillet 2016, une demande d’adoption plénière de l’enfant.

La question que l’on peut se poser est de savoir si l’époux du père de l’enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger peut faire une demande d’adoption plénière de l’enfant ?

Un pourvoi est formé par le procureur général près de la Cour d’appel de Paris qui conteste l’arrêt de la Cour d’appel d’accueillir la demande d’adoption plénière selon un moyen pris en deux branches. Il estime que l’acte de naissance qui ne met pas le nom de la mère est irrégulier en droit français en le rapprochant avec l’article 47 du Code civil.

Ici, la Cour de cassation va partir du postulat de l’article 16-7 du Code civil qui dispose que : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Ainsi, en France, la gestation pour autrui est interdite. Cependant, la Cour de cassation dit que le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption. En effet, il faut regarder si les conditions légales sont réunies pour permettre l’adoption et il faut que l’intérêt de l’enfant soit privilégié.

De ce fait, la Cour d’appel en a exactement déduit qu’il n’est pas interdit de prononcer l’adoption plénière par l’époux du père de l’enfant né à l’étranger de la gestation pour autrui lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l’acte de naissance de l’enfant a été dressé conformément à la législation étrangère en l’absence de tout élément de fraude au regard de l’article 47 du Code civil. Ainsi, elle rejette le pourvoi.

Une évolution jurisprudentielle impulsée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans l’arrêt Mennesson c. France du 26 juin 2014 [1], la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour son refus de reconnaitre la filiation des enfants nés de la gestation pour autrui à l’étranger. L’avocat général c’était fondé sur l’article 8 de la convention « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
Avec cet arrêt, la jurisprudence va grandement évoluer en France. En effet, une série d’arrêts en date du 5 juillet 2017 fait reconnaitre la possibilité d’une adoption simple pour l’époux du père biologique d’un enfant né d’une gestation pour autrui [2].

L’arrêt du 4 novembre 2020 fait encore évoluer la position de la France, elle reconnait que l’époux du père peut adopter de façon plénière l’enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger lorsqu’il n’y a pas de filiation maternelle sur l’acte de naissance. Un autre arrêt datant du même jour fait le même apport [3]. On peut conclure que la Cour de cassation vient s’inscrire sur une jurisprudence en faveur de l’intérêt de l’enfant.

Vers une évolution de la législation concernant la gestation pour autrui en France ?

L’arrêt nous dit qu’il faut que la législation étrangère autorise la gestation pour autrui et que l’acte de naissance a été dressé conformément aux règles de forme du pays en question. Cela s’explique par les évolutions, notamment vu précédemment avec la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.

De ce fait, de plus en plus de famille partent à l’étranger pour pouvoir bénéficier de se procéder et ainsi contourner les normes établis en France. Il se pose alors la question de savoir si le droit français ne doit pas évoluer vers une autorisation de la gestation pour autrui ? La question fait débat depuis plusieurs années. Plusieurs organes se sont prononcés sur la question, notamment le Comité Consultatif National d’Ethique qui n’est pas favorable à l’autorisation de la gestation pour autrui [4] et le Conseil d’Etat s’est prononcé dans une étude parue le 19 septembre 2018 qui donne une place prééminente au principe de la dignité et la protection du corps humain [5].

Lucas MASSARD, étudiant en Master 2 Professions de la justice à l'université Jean Monnet Saint-Etienne.

[1Cour européenne des droits de l’homme, Mennesson c. France du 26 juin 2014, Requête n° 65192/11.

[2Cass. 1er civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 16-50.025, n° 16-16.901, n° 15-28.597, n° 16-16.495 et n° 16-16.455.

[3Cass. 1er civ., 4 nov. 2020, pourvoi n° 19-15.739.

[4Contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019, avis n° 129.

[5Etude du Conseil d’Etat, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Parution en date du 19 septembre 2018