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L’évolution du droit monégasque en droit pénal des affaires. Par Nastasia Delles, Etudiante.
Parution : vendredi 20 novembre 2020
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Pour 38 000 habitants et 2 km², la Principauté compte 19 banques sur son sol. Connue pour sa situation fiscale avantageuse, elle est un centre mondial de la finance. De ce fait, Monaco est sujet aux infractions d’affaires, et notamment au blanchiment et au financement de terrorisme. Sous l’impulsion européenne, la cité-Etat a décidé de réformer les dispositifs mis en place pour lutter contre les infractions d’affaires ainsi qu’accroître sa vigilance.

Historique.

Le droit pénal monégasque s’inspire largement du droit pénal français, de 1793 à 1816 les codes français s’appliquaient à Monaco. Par la suite les différents codes sont adaptés à la société monégasque. La première constitution a été créée en 1911.

La seconde est la constitution actuelle, en date du 17 décembre 1962. Elle précède la création du nouveau Code de procédure pénale (1963) ainsi que du nouveau Code pénal (1967). Dans son Titre X, la Constitution prévoit que le Prince a la compétence du pouvoir judiciaire, mais celui-ci le délègue aux tribunaux, qui rendent la justice en son nom.

La principale particularité du droit monégasque est son régime fiscal, les résidents du Rocher sont exempts d’impôts directs depuis 1869. Cet avantage a conduit des français à profiter de ce régime fiscal, et en conséquence une évasion fiscale s’est développée au XX ème siècle.

Du fait de cette fuite d’impôts, en 1962, le Président De Gaulle réagit et souhaite mettre fin à l’évasion fiscale française vers le Rocher. Son Ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing déclare en interview avoir lui-même appelé des résidents monégasques pour vérifier leurs localités, et que ceux-ci se trouvaient à Paris. Il remet alors en question le fondement de cette exonération.

En conséquence, le Président De Gaulle renforce la pression sur Monaco en positionnant des gendarmes mobiles à la frontière et menace de couper l’eau et l’électricité à la principauté.

Monaco refuse d’adopter le système fiscal français. Cependant la dépendance du rocher envers la France amène la Principauté à signer une convention fiscale en 1963, prévoyant que les citoyens français ne peuvent plus bénéficier des avantages fiscaux monégasques.

En effet, les citoyens français résidant à Monaco sont soumis à l’impôt sur le revenu français.

I. Le rôle monégasque dans les infractions d’affaires internationales.

A.Les mécanismes de droit pénal des affaires monégasques.

Le droit fiscal et le droit pénal des affaires monégasque sont distincts du droit français. En effet, certaines infractions comprises par le droit français n’existent pas à Monaco. Par exemple, l’infraction d’abus de biens sociaux prévue par le Code de commerce, n’a pas d’équivalent monégasque.

En matière de droit pénal des affaires, la première loi contre le blanchiment date de 1993. La loi actuelle réprimant le délit de blanchiment est celle de 2009, mis à jour aux recommandations du GAFI (groupe d’action financière).

La Cité-Etat possède une place primordiale dans la finance mondiale. De nombreuses transactions, ou d’ouvertures de comptes se font chaque année, il est donc difficile pour les établissements bancaires d’effectuer une surveillance régulière concernant les risques de financement de terrorisme. La liste du groupe d’action financière permet donc d’appréhender certains pays qui manquent de vigilance en matière de financement de terrorisme, et d’éviter à Monaco de participer à ce financement en leur faisant bénéficier de l’avantage fiscal monégasque.

B.Une intervention monégasque nécessaire dans une lutte européenne.

Si la Principauté est un état tiers à l’Union européenne, elle a par ailleurs conclu des accords avec l’Union, notamment l’accord sur la coopération avec EUROPOL et son entrée au Conseil de l’Europe en 2004. Le 12 juillet 2016, Monaco signe le protocole de modification pour l’échange d’informations concernant les comptes financiers des non-résidents entre Monaco et les Etats membres de l’Union européenne.

Les relations entre l’Union européenne et Monaco sont primordiales dans le cadre de la lutte contre les infractions d’affaires du fait de la place de la principauté dans le paysage financier mondial.

C’est notamment pour répondre aux exigences européennes que ce projet de loi est né. En effet, il a pour but de transposer la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du conseil. Cette directive, dite 5ème directive anti-blanchiment et financement du terrorisme, vient compléter la 4ème directive anti-blanchiment et financement du terrorisme, qui est la directive (UE) 2015/849. Monaco doit donc aligner son dispositif LAB/FT/CO aux demandes des directives européennes.

II. Les moyens mis en place par la principauté.

A. Un dispositif renforçant la vigilance à Monaco.

« Projet de loi renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption », projet de loi n°1008 du 10 février 2020.

Ce projet de loi a pour but de renforcer la lutte contre les infractions d’affaires au sein de la Principauté, mais également de lutter contre le financement de terrorisme. Pour ce faire, le projet prévoit d’abaisser le seuil des cartes prépayées utilisées de façon anonyme pour en éviter un emploi à des fins terroristes.

Les relations économiques entre les Etats sont également soulignées. Le projet évoque la limitation des affaires avec certains Etats « à haut risque » qui auraient des lacunes concernant le blanchiment et le financement de terrorisme. Le terme « Etat à haut risque » suggère immédiatement la liste du GAFI qui répertorie les Etats qui manifestent une insuffisance dans la surveillance et la coopération dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme.

Par ailleurs, ce projet évoque également l’élargissement de la compétence monégasque au-delà de ses frontières. En effet, il est proposé de modifier l’article 6 du Code de procédure pénale monégasque, qui nécessite une double incrimination ainsi que la requête du Ministère ou une dénonciation officielle pour que la Principauté soit compétente en dehors de ses frontières. Un nouvel article, l’article 6-1-1, permettrait donc que les juridictions du Rocher soient compétentes en matière de corruption ou de trafic d’influence, même si l’infraction est commise par un étranger et en dehors du territoire, mais qui impliquerait un agent public national ou international monégasque.

Un troisième objectif est proposé par le projet de loi et concerne la transparence des affaires. En effet, le sixième et dernier principal objectif concerne « le renforcement des mécanismes tendant vers une plus grande transparence des sociétés et des différentes structures juridiques ». Cependant cet apport a également pour finalité la confiance des investisseurs étrangers et l’intégrité du système financier monégasque. Mais il ne faut pas pour autant se méprendre concernant cette transparence, la discrétion monégasque reste fondamentale, le projet de loi précise à la suite que cette transparence sera

« dans la limite et sous réserve du droit au respect de la vie prince et des principes régissant la protection des informations nominatives ».

B. Le SICCFIN, acteur de premier plan dans la lutte contre les infractions financières.

Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (le SICCFIN) est également sujet aux améliorations dans ce projet de loi. Il y est prévu de mettre en place un registre répertoriant les identités des titulaires de comptes bancaires et de coffres-forts, identités à disposition de SICCFIN et des autres autorités compétences. Le projet de loi prévoit également de renforcer la coopération entre SICCFIN et ses homologues étrangers. Ces modifications ont pour but d’améliorer la vigilance en matière de lutte contre le financement de terrorisme.

Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers est l’autorité centrale nationale monégasque qui œuvre dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement de terrorisme ainsi que la corruption.

Il a pour objectif principal de traiter les déclarations de transactions suspectes que lui transmettent les autorités, les services étatiques, ou tout autre organisme.

Il doit également assurer une coopération internationale, ce qui est essentiel dans la lutte contre les infractions d’affaires du fait de leur caractère transnational.

Nastasia Delles, Etudiante.
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