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Elections locales : modifications apportées au Code électoral par le décret du 17 novembre 2020. Par Valérie Farrugia, Avocat.
Parution : mardi 24 novembre 2020
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Un peu moins d’un an après la publication de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier les dispositions électorales, un décret d’application a, enfin, été signé. Il s’agit du décret n° 2020-1397 du 17 novembre 2020.

Ces modifications s’appliqueront lors des prochaines élections départementales et régionales dont les dates sont, aujourd’hui, encore incertaines mais aussi à l’occasion des prochaines élections partielles qui seront organisées pour tenir compte des décisions d’annulation rendues par le juge électoral à la suite de recours formés à l’encontre des scrutins des 15 mars et 28 juin dernier.

Cet article recense les modifications issues du décret du 17 novembre 2020 en ce qu’elles concernent les élections locales (municipales et communautaires, métropolitaines, départementales et régionales).

I. Propagande électorale.

I-1. Durée de la campagne électorale.

L’article R26 relatif à la durée de la campagne électorale a été supprimé dès lors qu’il a été modifié et recodifié dans la partie législative du code par l’article 8 de la loi précitée n° 2019-1269 du 2 décembre 2019.

En effet, depuis le 30 juin 2020, il convient de se référer à l’article L47-A qui dispose que :

« La campagne électorale est ouverte à partir du deuxième lundi qui précède la date du scrutin et prend fin la veille du scrutin à zéro heure. En cas de second tour, la campagne électorale est ouverte le lendemain du premier tour et prend fin la veille du scrutin à zéro heure ».

Ainsi :
- il est désormais clair que plus aucune action de propagande électorale ne peut être menée à partir du samedi zéro heure (réunions électorales, affichage, distribution de tracts, communication par voie électronique et télématique etc.) ;
- la durée de la campagne est réduite puisque l’article R26 stipulait qu’elle prenait fin la veille du scrutin à minuit et non à zéro heure.

I-2. Lutte contre l’affichage sauvage.

La partie réglementaire du code électoral contient désormais un article R28-1 qui permet au maire d’intervenir, avec substitution possible du préfet, en cas d’affichage sauvage.

Il s’agit de la mise en œuvre du dernier alinéa de l’article L51 introduit par l’article 11 de la loi n° 2019-1269 précitée.

L’article R28-1 prévoit que :

« Dès constatation d’un affichage interdit au regard des dispositions de l’article L51 du code électoral, le maire peut procéder d’office à la dépose des affiches, après une mise en demeure adressée au candidat, au candidat tête de liste, ou à son représentant, à défaut d’exécution spontanée dans le délai fixé par l’arrêté de mise en demeure.
Après une mise en demeure adressée au maire et restée sans résultat au-delà de 48 heures, le préfet peut se substituer au maire pour appliquer la procédure prévue à l’alinéa précédent.
Lorsque l’affichage est effectué sur une propriété privée ou sur une dépendance du domaine public n’appartenant pas à la commune, l’exécution d’office est subordonnée à la demande ou à l’accord préalable du propriétaire ou du gestionnaire du domaine public.
La copie des arrêtés de mise en demeure pris dans le cadre d’un scrutin est transmise, le cas échéant, par l’autorité administrative qui a enregistré les candidatures à la commission mentionnée à l’article L52-14
 ».

Jusque-là, il convenait de se référer à l’article L581-35 du code de l’environnement selon lequel :

« dans le cas d’une publicité de caractère électoral, l’autorité administrative compétente met en demeure celui pour le compte duquel cette publicité a été réalisée de la supprimer et de procéder à la remise en état des lieux dans un délai de deux jours francs. Si cette mise en demeure est suivie d’effet, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables ».

Il parait assez logique que le code électoral contienne des dispositions à ce sujet.

I-3. Forme des bulletins.

L’alinéa 5 de l’article R30 selon lequel les bulletins ne peuvent pas comporter d’autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels est supprimé puisqu’il a été recodifié dans la partie législative [1] par l’article 11 de la loi n° 2019-1269.

Pour mémoire, depuis le 30 juin 2020, l’article L52-3 du code électoral dispose que :

« Les bulletins de vote ne peuvent pas comporter :
1° D’autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels, à l’exception, pour la Ville de Paris et les communes de Marseille et de Lyon, du candidat désigné comme devant présider l’organe délibérant concerné par le scrutin ;
2° La photographie ou la représentation de toute personne, à l’exception de la photographie ou de la représentation du ou des candidats à l’élection concernée et, pour la Ville de Paris et les communes de Marseille et de Lyon, de la photographie ou de la représentation du candidat désigné comme devant présider l’organe délibérant concerné par le scrutin ;
3° La photographie ou la représentation d’un animal.
Les bulletins de vote peuvent comporter un emblème
 ».

II. Financement et plafonnement des dépenses.

II-1. Le « crowdfunding ».

Il s’agit d’un des plus gros bouleversements introduits par la loi n° 2019-1269 qui a autorisé le financement des campagnes électorales via des plateformes de paiement en ligne en introduisant un nouvel alinéa aux articles L52-5 et L52-6 autorisant le mandataire ou l’association de financement électorale à recueillir des fonds en ayant recours à

« des prestataires de services de paiement définis à l’article L521-1 du code monétaire et financier ».

Jusque-là, cette méthode de financement était interdite, car contraire aux articles L52-5 et L52-6 du code électoral, dès lors qu’elle faisait intervenir un compte tiers qui n’était pas celui du mandataire [2].

La loi du 2 décembre 2019 précisait qu’un décret en Conseil d’Etat devait venir déterminer les modalités de ces transferts financiers afin de garantir la traçabilité des opérations financières et le respect de l’article L52-8 du code électoral.

A cet effet, le nouvel article R39-1-1 stipule que :

« lorsqu’il a recours, pour le recueil de fonds en ligne, à un prestataire de services de paiement, le mandataire s’assure :
1° Que la page internet de l’opération de financement comprend bien l’intégralité des mentions prévues par l’article L52-9 s’agissant des dons, et des mentions prévues par les troisième et quatrième alinéas de l’article L52-7-1 s’agissant de prêts de personnes physiques ;
2° Que le prestataire met en place des procédures permettant d’assurer, pour la collecte de dons, le respect des dispositions prévues aux deux premiers alinéas de l’article L52-8 et, pour la réception de prêts de personnes physiques, le respect des dispositions des articles L52-7-1 et R39-2-1 ;
3° Que le prestataire lui fournit, pour chaque donateur, toutes les informations requises en application de l’article R39-1, concomitamment au versement des fonds sur le compte de dépôt ouvert par le mandataire, ainsi qu’une attestation sur l’origine des fonds et la qualité de personne physique du donateur ou prêteur ;
4° Que le montant des fonds perçus est versé intégralement et sans délai sur le compte de dépôt qu’il a ouvert. La perception éventuelle de frais par le prestataire ne peut intervenir qu’après ce versement ;
5° Qu’aucun remboursement n’est effectué par le prestataire sans son autorisation ;
6° Que lorsqu’il a recours à ce prestataire dans le cadre d’une intermédiation en financement participatif, celui-ci, outre le respect des obligations prévues du 1° au 5°, remplit les conditions pour exercer en cette qualité conformément aux articles L548-1 et suivants du code monétaire et financier. Dans ce cadre, l’article D548-1 du code monétaire et financier n’est pas applicable.
Le contrat passé avec le prestataire de service doit figurer parmi les pièces justificatives du compte de campagne.
Les opérations éventuelles de remboursement des donateurs sont retracées dans le compte de campagne en complément de l’annexe identifiant les donateurs »
.

Le mandataire se voit ainsi charger d’une lourde mission.

II-2. Exonération de recours à un expert-comptable pour présenter le compte de campagne.

Il s’agit de la mesure d’application du nouvel article L52-12-III-2° introduit par la loi n°2019-1269 qui dispense un candidat de recourir à un expert-comptable pour présenter son compte de campagne s’il a obtenu moins de 5% des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte sont inférieures ou égale à 4 000 euros [3].

II-3. Prêt à un candidat par une personne physique.

En cas de prêt à un candidat prévu par l’article L52-7-1 du code électoral, l’article R39-2-1 prévoyait que le montant total dû par le candidat à des personnes physiques devait rester inférieur ou égal à 47,5% du plafond de remboursement forfaitaire des dépenses de campagne mentionné à l’article L52-11-1 du code électoral.

Désormais le seuil de 47,5% est supprimé. Ainsi, le montant total dû par le candidat à des personnes physiques ne doit pas excéder le plafond du remboursement forfaitaire.

III. Les opérations de vote.

Modification de l’article R66-2 relatif aux bulletins nuls pour tenir compte de l’introduction de l’article L52-3 en prévoyant que sont nuls les bulletins non conformes à ces dispositions.

Pour mémoire l’article L52-3 du code électoral issu de l’article 10 de la loi du 2 décembre 2019 dispose que :

« Les bulletins de vote ne peuvent pas comporter :
1° D’autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels, à l’exception, pour la Ville de Paris et les communes de Marseille et de Lyon, du candidat désigné comme devant présider l’organe délibérant concerné par le scrutin ;
2° La photographie ou la représentation de toute personne, à l’exception de la photographie ou de la représentation du ou des candidats à l’élection concernée et, pour la Ville de Paris et les communes de Marseille et de Lyon, de la photographie ou de la représentation du candidat désigné comme devant présider l’organe délibérant concerné par le scrutin ;
3° La photographie ou la représentation d’un animal.
Les bulletins de vote peuvent comporter un emblème
 ».

Le nouvel article R66-2 modifié par le décret du 17 novembre 2020 prévoit que sont notamment nuls et n’entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement :

« les bulletins non conformes aux dispositions de l’article L52-3 ».

Normalement les stipulations de l’article R66-2 ne s’appliquent pas aux communes de moins de 1 000 habitants. Toutefois, le présent décret n° 2020-1397 est venu introduire une dérogation concernant le respect des dispositions de l’article L52-3.

Ainsi, dans les communes de moins de 1 000 habitants les bulletins ne respectant pas le formalisme prévu à l’article L52-3 pourront être déclarés nuls, sans préjudice de l’article L257 du code électoral.

IV. Contentieux des élections métropolitaines de Lyon.

Pour les élections métropolitaines de Lyon, un nouvel alinéa est ajouté à l’article R117-1-10 un alinéa qui prévoit que le délai de recours contentieux commence à courir à compter de la proclamation des résultats par la commission de recensement des votes.

Le décret n° 2020-1397 du 17 novembre 2020 prévoit également des modifications relatives aux élections sénatoriales dont le bureau du collège électoral, européennes avec un renvoi à l’article L52-3 du code électoral (contenu bulletin de vote), médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques etc.

Valérie FARRUGIA - Avocat à la Cour vf@valeriefarrugia-avocats.com https://valeriefarrugia-avocats.com/

[1Art. L52-3.

[2Cons. Constit., 25 mai 2018, AN Paris 11ème circ., n° 2018-5409.

[3Art. D39-2-1-A.