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Division primaire : le régime de l’instruction des permis de construire enfin clarifié ! Par Christine Castera, Avocat.
Parution : jeudi 26 novembre 2020
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Le 12 novembre dernier, le Conseil d’Etat est venu préciser le régime de l’instruction des permis de construire dans le cadre des divisions primaires, pour lequel la jurisprudence des Cours administratives d’appel et la position de l’administration n’étaient pas unanimes, et qui était jusqu’à présent source d’une grande insécurité juridique pour les opérateurs.

1. Rappel du mécanisme de la division primaire et des précédents jurisprudentiels.

Prévue par l’article R. 442-1 a) du code de l’urbanisme, comme n’étant pas constitutive d’un lotissement, la « division primaire » est l’opération permettant, dans un premier temps, d’obtenir un permis de construire (ou d’aménager) pour la réalisation d’un projet (autre qu’une maison individuelle) sur un terrain qui n’appartient pas au pétitionnaire, et de détacher à son profit, dans un second temps, cette partie du terrain sur laquelle porte le projet, après obtention dudit permis (le respect de cette chronologie étant fondamental pour éviter toute requalification).

Elle est ainsi couramment utilisée par les professionnels de la construction, car elle permet la conclusion d’une promesse de vente, sous condition suspensive d’obtention notamment d’un permis de construire, et la réitération de l’acte de vente une fois ledit permis délivré et purgé des recours, celle-ci entrainant alors la division de l’unité foncière d’origine sans autre formalité que la signature de l’acte de vente, par exception au régime du lotissement qui nécessite que la division du terrain d’origine soit préalablement autorisée, au regard du droit de l’urbanisme, dans le cadre d’une déclaration préalable ou d’un permis d’aménager.

Pourtant, à l’inverse du mécanisme du lotissement ou du permis de construire valant division, pour lesquels l’article R151-21 du Code de l’urbanisme précise la manière dont les règles prévues par le PLU doivent être appliquées, et les articles R441-1 et R441-9 prévoient que les déclarations préalables et les permis d’aménager peuvent n’être déposés que sur une partie seulement d’une unité foncière, les textes sont muets s’agissant de la division primaire.

S’est posée dès lors la question de l’assiette foncière sur laquelle le permis de construire, déposé dans ce cadre, devait être instruit : sur le terrain d’origine existant avant la division ou sur la seule partie du terrain destinée à être détachée ? La première solution qui semble plus conforme à l’esprit des textes, et la seconde, qui répond à une logique prospective d’appréciation des règles par anticipation de la division à intervenir, ont donné lieu à des appréciations divergentes de la doctrine et de la jurisprudence.

Dans un arrêt du 29 mars 2007 (n°06VE01147), la Cour administrative d’appel de Versailles avait validé une application des règles du PLU par rapport au terrain d’origine, ce qui était également la position de l’administration qui rappelait, dans une réponse ministérielle, qu’en matière de permis de construire, à défaut de texte spécifique, le terrain d’assiette de la demande doit obligatoirement être constitué de l’unité foncière existant à la date de la délivrance de l’autorisation (Rép. min. JOAN 6 juillet 2010, p. 7649).

La Cour administrative d’appel de Lyon avait, quant à elle, jugé le contraire, dans un arrêt du 12 novembre 2013 (n°13LY00584), tout en relevant que dans l’affaire en cause, le requérant ne démontrait pas en quoi le fait de ne pas avoir pris en compte l’unité foncière d’origine, aurait eu une incidence sur l’appréciation des règles applicables au projet, ajoutant encore à la confusion.

2. Solution retenue par le Conseil d’Etat dans la décision commentée.

Dans un arrêt rendu le 12 novembre 2020 (n°421590), la Haute juridiction met un terme à ce débat en jugeant, conformément aux conclusions de son rapporteur public, que

« eu égard à l’objet de ce procédé permettant de combiner, pour les projets portant sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle destinés à occuper une partie de l’unité foncière existante, l’obtention de l’autorisation d’urbanisme nécessaire au projet et la division de l’unité foncière existante, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière [1] existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir. »

Par la même décision, le Conseil d’Etat est également venu clarifier un point qui n’était pas soulevé dans le cadre du contentieux qui lui était soumis, mais dont la portée se révèlera, à n’en pas douter, très utile, en précisant que

« dans l’hypothèse où, postérieurement à la division du terrain mais avant l’achèvement des travaux, le pétitionnaire dépose une demande de permis modificatif, il y a lieu d’apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d’assiette, de la division intervenue. »

En effet, la question de la modification de l’assiette foncière du projet entre l’obtention d’un permis de construire initial et d’un permis modificatif est en pratique un sujet récurrent, qui méritait assurément d’être, lui aussi, précisé à cette occasion, d’autant que la solution retenue (pour cohérente qu’elle soit selon le rapporteur public) n’allait pas de soi, au regard de celle adoptée pour l’instruction du permis de construire initial (sur l’unité foncière existante à sa date de délivrance).

Il n’est pas certain que cette approche soit toujours plus favorable aux constructeurs, selon les règles applicables concernées, mais elle a le mérite de leur apporter désormais un cadre juridique clair leur permettant d’anticiper une éventuelle évolution de leurs projets.

Christine CASTERA, Avocat.

[1L’unité foncière étant définie comme « un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision » (CE, 27 juin 2005, Commune de Chambéry, n° 364667).