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La transcription du jugement de divorce algérien en France. Par Kahena Meghenini, Avocate.
Parution : mercredi 25 novembre 2020
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Lorsqu’un ressortissant français divorce en Algérie, son jugement de divorce doit faire l’objet d’une transcription en France pour pouvoir être reconnu dans l’hexagone et figurer sur ses actes d’état civil.

A titre liminaire, il conviendra de rappeler que la transcription est à dissocier de l’exequatur : alors que l’exequatur est recherchée dès lors qu’un jugement étranger doit être exécuté en France (comme le paiement d’une pension alimentaire par exemple), la transcription sera privilégiée lorsqu’il s’agira simplement de faire reconnaître un jugement relatif à l’état civil (acte de naissance ou un divorce ne nécessitant pas d’exécution).

Une vérification de l’opposabilité du jugement de divorce algérien doit être opérée par le Procureur de la République, lequel pourra accorder ou rejeter la demande de transcription.

Le Procureur compétent dépendra du lieu de célébration du mariage :
- Pour les mariages célébrés en France et dont le divorce a été prononcé en Algérie, le Procureur de la République compétent sera celui du Tribunal Judiciaire du lieu de célébration du mariage ;
- Pour les mariages célébrés en Algérie et dont le divorce a été prononcé en Algérie, le Procureur de la République compétent sera celui du Tribunal Judiciaire de Nantes.

Le Procureur de la République sera, dans les deux hypothèses, saisi par l’époux ayant la nationalité française, ou par l’époux le plus diligent si les deux possèdent la nationalité française.

La demande devra nécessairement être accompagnée des pièces suivantes :

1) la copie certifiée conforme du jugement de divorce et l’original de sa traduction par
un traducteur assermenté ;

2) la copie intégrale des actes algériens suivants : acte de naissance ou de mariage mis à jour
par la mention du divorce dont l’opposabilité est demandée en France (en français, datant
de moins de six mois) ;

3) à défaut de l’acte de naissance ou de mariage mis à jour, la preuve du caractère définitif
de la décision de dissolution de l’union (certificat de non-appel) ;

4) la copie intégrale de l’acte de mariage transcrit dans les registres d’état civil
consulaire ;

5) éventuellement la copie en original de l’ acte de naissance de l’ex-époux (se)
comportant la mention de mariage et de divorce ;

6) la justification de la nationalité française du demandeur( photocopie de la carte d’identité ou certificat de nationalité) et

7) la justification du domicile et celui de l’ex-époux (se) à la date où le
divorce a été demandé, si elle ne figure pas dans le jugement de divorce.

Le Procureur de la République procèdera à plusieurs vérifications, notamment :
- la compétence du Juge qui a rendu le jugement ;
- le caractère définitif de la décision (certificat de non-appel) ;
- conformité de la décision avec la conception française de l’ordre public international.

Ce dernier point se révèle être régulièrement une cause de rejet de la demande de transcription.

En effet, il arrive fréquemment que les jugements de divorce algériens contiennent la notion de « répudiation ».

Or, en France la répudiation est considérée comme étant contraire à l’ordre public, en ce qu’elle permettrait à l’époux de divorcer discrétionnairement de son épouse sans que les droits de cette dernière ne soient respectés, selon une jurisprudence constante.

Ainsi, les juridictions françaises estiment que la répudiation serait contraire au principe d’égalité entre époux lors de la dissolution du mariage, énoncé par l’article 5 du protocole 7 du 22 novembre 1984, additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, selon lequel

« Les époux jouissent de l’égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le présent article n’empêche pas les Etats de prendre les mesures nécessaires dans l’intérêt des enfants ».

Dès lors que les volontés de l’épouse de nationalité française ou résidant en France n’auront pas été juridiquement prises en considération par le Juge algérien, et que le divorce aura été prononcé sur la seule volonté de l’époux, le jugement ainsi rendu sera sans effet en France, en raison de sa non-conformité à la conception française d’ordre public.

En conséquence, le Procureur de la République, saisi d’une demande de transcription, pourra refuser d’accueillir favorablement cette dernière si le jugement présenté fait état d’une répudiation.

Aussi, lorsqu’un couple franco-algérien ou ayant des liens de rattachement tant avec l’Algérie qu’avec la France décide de divorcer en Algérie, celui-ci devra s’assurer qu’il ne s’agisse pas d’une répudiation.

Maître Kahena MEGHENINI Avocate au Barreau de Paris https://www.meghenini-avocat.fr/contact
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