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La nécessité de promouvoir la marque sur laquelle se fonde la plainte. Par Nathalie Dreyfus, Conseil en Propriété Industrielle.
Parution : vendredi 27 novembre 2020
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Etre titulaire d’une marque identique au nom de domaine contre lequel on agit est un bel atout dans le cadre d’une procédure UDRP. Mais encore faut-il en démontrer la connaissance par le défendeur. Entreprise difficile lorsque la marque en question n’est pas mise en valeur.

(OMPI, centre d’arbitrage et de médiation, 22 juillet 2020, Affaire D2020-1383, Natixis Intertitres c. Super Privacy Service LTD c/o Dynadot / Fredrik Lindgrent).

Natixis, dont la renommée est internationale, détient une filiale, Natixis Intertitres, titulaire de marques sur le signe « Intertitres ». Cette filiale a déposé une plainte UDRP en vue d’obtenir le transfert du nom « intertitres.com », réservé par un tiers sans autorisation.

Dans le cadre de la procédure, l’anonymat du réservataire a été levé, pour révéler un titulaire en Suède.

Le requérant estime que le nom a été enregistré en référence à sa marque et non pour la définition générique du terme « intertitres » car, en langue française, le terme est généralement employé au singulier et est défini sous cette forme dans les dictionnaires.

En outre, le requérant trouve « suspicieux » le paramétrage de serveurs de messagerie sur un nom de domaine qui ne renvoie vers aucun site. Ainsi, d’après Natixis Intertitres, l’objectif du défendeur serait de tirer parti de la réputation du requérant et de sa marque.

Le défendeur n’a pas formellement répondu à la plainte mais a précisé avoir réservé le nom de domaine afin de créer un site en rapport avec la littérature.

L’expert en charge de ce litige reconnaît le risque de confusion entre la marque et le nom de domaine postérieur, tout comme l’absence de preuve d’intérêt légitime par le défendeur, celui-ci n’ayant pas véritablement expliqué le choix de ce nom de domaine.

En revanche, l’expert est plus mitigé sur la question de mauvaise foi. Il avance notamment deux points importants.

En premier lieu, rien ne démontre que le réservataire, basé en Suède, avait connaissance de la marque « Intertitres ». Natixis est certes connue à l’échelle internationale, mais ce n’est pas le cas de sa marque « Intertitres » qui désigne des chèques déjeuners, principalement disponibles en France.

Ces chèques déjeuners sont plutôt commercialisés sous les noms « Chèque de table » ou « Apetiz ». Dès lors, il est improbable que le défendeur ait eu connaissance de cette marque.

En second lieu, « intertitres » est surtout un terme générique. Le fait que les définitions fournies dans les dictionnaires soient au singulier ne signifie pas que le terme n’existe pas dans sa forme plurielle.

La plainte est donc rejetée.

Il est essentiel, pour les titulaires de droits, d’être attentif au champ de rayonnement de leur marque. La marque est-elle suffisamment connue dans le pays du réservataire pour que l’on puisse raisonnablement penser qu’il l’avait à l’esprit lors de la réservation du nom ?

Cette question doit faire l’objet d’une étude minutieuse, d’autant plus quand la marque a également une signification dans le langage courant et que le nom de domaine en cause n’est pas exploitée pour une activité proche de celle de la marque.

A cet égard, l’expert a justement rappelé qu’utiliser un nom principalement afin de disposer d’une messagerie n’est pas prohibé.

Nathalie Dreyfus _ Conseil en Propriété Industrielle _https://www.dreyfus.fr/