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Rappel sur la distinction entre les deux différents types de diagnostics « amiante ». Par Karen De Sa Vieira, Etudiante.
Parution : vendredi 27 novembre 2020
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Par un arrêt publié du 1er octobre 2020, la Cour de cassation affirme que l’obligation pour le propriétaire de l’immeuble d’effectuer un diagnostic amiante avant travaux (DAT) n’existe qu’en cas de démolition.

Le Code de la santé publique distingue les diagnostics « amiante » avec ou sans travaux de démolition.

En effet, il existe deux types de diagnostics amiante :
- le diagnostic technique amiante, dit « DTA », qui est exigé lorsqu’aucune démolition n’est envisagée et qui consiste à simplement repérer les matériaux et produits contenant de l’amiante sans sondage destructif ;
- le diagnostic amiante avant travaux, dit « DAT », nécessitant, en cas de démolition envisagée, des investigations plus poussées et complètes pouvant aller jusqu’au sondage destructif.

Le DTA concerne les immeubles bâtis (sauf les logements individuels) en dehors des situations où des travaux sont envisagés [1]. Selon la date à laquelle le permis de construire a été délivré, en particulier lorsque celui-ci a été délivré avant le 1er juillet 1997. Le propriétaire doit alors faire rechercher la présence d’amiante dans les flocages, calorifugeages ou faux plafonds.

Le cas échéant, des prélèvements et des analyses doivent être effectués. Si la présence d’amiante est avérée, le propriétaire doit faire vérifier l’état de conservation des matériaux contenant de l’amiante, et selon leur état de dégradation, il doit en assurer un contrôle périodique, voire mener des travaux de confinement ou de retrait de l’amiante.

Le DAT concerne, quant à lui, les immeubles bâtis pour lesquels une démolition est envisagée. Le propriétaire doit faire rechercher, avant la démolition, la présence d’amiante et en informer les entrepreneurs appelés à intervenir sur le chantier. Ici, la recherche d’amiante ne se limite pas aux flocages, calorifugeages et faux plafonds mais doit être exhaustive (en application de l’arrêté du 2 janvier 2002 sur le repérage d’amiante avant démolition). Le dossier technique amiante (DTA) de l’immeuble ne suffit pas pour protéger les travailleurs.

La confusion entre ces deux missions est assez fréquente. Or, cette distinction est toutefois fondamentale dans la mesure où l’étendue des obligations mises à la charge du diagnostiqueur ne sont pas du tout les mêmes puisque, dans le premier cas, il s’agit d’un examen visuel, alors que dans le second, le repérage est plus complet avec la possibilité de faire des sondages destructifs.

Par un arrêt publié du 1er octobre 2020, la Cour de cassation affirme que l’obligation pour le propriétaire de l’immeuble d’effectuer un diagnostic amiante avant travaux (DAT) n’existe qu’en cas de démolition.

Les faits étaient les suivants. Une société propriétaire d’un immeuble à usage de centre commercial le donna à bail à une autre société.

En 1992, un diagnostiqueur déclara sans amiante deux échantillons prélevés sur les plaques de fibrociment en parois, dalles de vinyle, colle des dalles de vinyle.

En mai 1998, le bailleur confia à un autre diagnostiqueur la réalisation d’un nouveau diagnostic amiante, qui conclut à l’absence d’amiante dans les flocages mais à la présence d’amiante dans certaines cloisons en fibrociment, des joints, des dalles de sol de vinyle et leur colle.

En 2004, le bailleur demanda à un troisième diagnostiqueur d’établir un nouveau dossier technique amiante en conformité avec la nouvelle réglementation, lequel conclut dans les mêmes termes que le second diagnostiqueur.

En septembre 2007, le bailleur et le preneur entreprirent des travaux d’aménagement et de rénovation.

Alors que les travaux avaient démarré, il fut constaté la présence d’amiante sur toute la charpente et dans les plaques de fibrociment sur toute la façade intérieure du bâtiment.

Les travaux ayant été interrompus en février 2008, le preneur et le bailleur, après expertise, assignèrent le troisième diagnostiqueur et son assureur en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l’article R1334-27 du Code de la santé publique.

La question se pose de savoir si la responsabilité du diagnostiqueur peut être engagée par le propriétaire d’un immeuble qui subit un préjudice financier (perte de revenu locatif) dû à l’interruption de travaux lors de la découverte, par l’entrepreneur, de la présence d’amiante sur la façade et les charpentes non détectée par le DTA.

La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 11 mars 2019 [2] rejettent leurs demandes. Les juges d’appel ont procédé à une interprétation large de ce texte qui impose à chaque propriétaire d’immeuble de faire réaliser un repérage des matériaux et produits contenants de l’amiante avant tous travaux de démolition.

Cette interprétation était corroborée par la mention figurant dans le rapport de 2008 du troisième diagnostiqueur qui rappelait le recours nécessaire à un diagnostic amiante avant travaux (DAT).

En l’espèce, les travaux avaient démarré en septembre 2007, sans que le propriétaire des lieux n’ait commandé de DAT et ce, alors que la réglementation l’y obligeait et que la présence d’amiante dans le bâtiment était déjà connue. Que le DAT avait été commandé tardivement, en cours de travaux en janvier 2008, au troisième diagnostiqueur, qui avait constaté l’existence d’amiante dans le flocage de la charpente notamment, ce qui avait conduit à l’arrêt des travaux.


Le propriétaire avait préféré, en raison de l’importance de l’amiante présente depuis l’origine de la construction, fait auquel le troisième diagnostiqueur était étranger, renoncer volontairement aux travaux de réaménagement et décidé de faire construire un nouveau bâtiment sur un autre emplacement. 


Ainsi pour les juges du fond, l’insuffisante détection de l’amiante dans la construction par le troisième diagnostiqueur n’était pas directement à l’origine du préjudice financier des demandeurs, dont il convenait de rejeter les demandes.

La Haute juridiction censure.

Il importe d’établir dans un premier temps que les travaux impliquent une démolition. En effet, le diagnostic amiante avant travaux de démolition est réservé aux travaux de démolition.

Ainsi, pour fonder leur décision sur le dispositif de repérage de l’amiante avant tous travaux de démolition, encore faut-il que les juges constatent que les travaux d’aménagement et de rénovation en cause nécessitent une démolition, même partielle, du bâtiment.

La question de savoir si les travaux entraînent, ou non, une démolition, est donc déterminante comme le rappelle la Haute juridiction.

Les juges du fond auraient donc dû préalablement constater que les travaux de rénovation et d’aménagement entrepris nécessitaient une démolition puisqu’il n’y a que dans ce cas que le diagnostic amiante avant travaux (DAT) est obligatoire.

La cour d’appel a donc reproché à tort au propriétaire de n’avoir pas établi un DAT.

La Cour de cassation décide qu’en statuant ainsi, alors que l’article R1334-27 du Code de la santé publique ne prévoit l’obligation pour les propriétaires d’effectuer un diagnostic avant travaux que préalablement à la démolition de l’immeuble, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que les travaux d’aménagement et de rénovation entrepris nécessitaient une démolition, même partielle, du bâtiment, a violé le texte susvisé.

Cette décision permet ainsi de revenir sur le diagnostic amiante, qui génère aujourd’hui un important contentieux, qui implique l’ensemble des intervenants à l’opération de construire.

Karen De Sa Vieira Etudiante Titulaire d'un master en droit de l'immobilier parcours droit de la construction et de l'urbanisme Première année de doctorat

[1CSP, art. R1334-14 et s.

[2CA Versailles, 11 mars 2019, n° 17/01473.