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Stress post-traumatique et accident vasculaire cérébral. Par Elsa Crozatier, Avocate.
Parution : mardi 1er décembre 2020
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La reconnaissance du lien entre le stress post traumatique dont souffrait une victime suite à un attentat et la survenue d’un AVC quelques mois après celui-ci, alors même que la victime était porteuse d’une pathologie pouvant être responsable de l’AVC, est une belle avancée pour l’indemnisation intégrale des préjudices des victimes.

Retour d’expérience.

Une victime d’un acte de terrorisme souffrant d’un état de stress post-traumatique persistant (ESPT) a subi un accident cardio-vasculaire cérébral (AVC) un peu plus d’un an après les faits étant précisé qu’elle était porteuse d’une pathologie pouvant être responsable de l’AVC.

Le lien de causalité entre l’ESPT et l’AVC devait être établi pour permettre à la victime d’être indemnisée de l’ensemble des préjudices liés à cet AVC en tant que conséquences de l’attentat.

Dans son rapport d’expertise médico-légal, le médecin désigné par le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et autres infractions (FGTI) pour l’évaluation de ses préjudices reconnait que le lien entre stress et AVC est aujourd’hui scientifiquement « avéré ».

Dans notre affaire, il conclut que le stress post traumatique est intervenu dans la survenue de l’AVC pour 50%.


- Qu’est-ce-que l’état de stress-post-traumatique ?

Le trouble, ou syndrome, ou état de stress-post-traumatique peut être défini comme un trouble anxieux sévère survenant après une expérience vécue comme traumatisante, dans laquelle l’intégrité physique ou psychologique de la personne a été menacée avec confrontation à des idées de mort.

Il peut donc avoir pour origine des causes diverses : agressions violentes, torture, viol, acte de barbarie, attentat, guerre, maltraitance…

Les symptômes qui le caractérisent sont multiples : flash-back de l’événement, évitement des situations pouvant rappeler le traumatisme et hypervigilance, changements négatifs de la pensée et de l’humeur, irritabilité, trouble de la concentration ou du sommeil.

Les conséquences de ce trouble anxieux grave sont importantes et elles peuvent s’associer à une dépression, alcoolisme ou usage de drogues, des troubles de la personnalité et des idées suicidaires.

Au-delà de ces troubles mentaux et comportementaux, des études récentes ont montré que le stress-post-traumatique jouait un rôle important dans l’aggravation d’une pathologie préexistante ou le déclenchement d’accidents liés à cette pathologie comme par exemple les maladies cardiovasculaires, particulièrement les AVC.


- La reconnaissance scientifique de l’augmentation du risque de survenue d’un AVC pour les personnes présentant un ESPT et ce, même en présence de facteurs de risques de cet AVC (prédisposition, antécédents, stress au travail).

C’est la conclusion d’une étude médicale parue en 2019 dans la revue internationale de référence en la matière.

Celle-ci a été menée, durant 13 années, sur un ensemble de 987 855 jeunes anciens combattants américains ayant été déployés en Afghanistan ou en Irak, âgés en moyenne de 30 ans. Au sein de cet ensemble, 282 382 jeunes hommes et femmes ont développé un trouble de stress post-traumatique et parmi eux, 1 877 ont par la suite fait un AVC.

L’étude a ainsi calculé que le risque de la survenue d’un AVC pour cette population présentant un ESPT était augmenté de 62% par rapport à ceux qui n’en avaient pas indépendamment des facteurs de risques d’AVC préexistants.


- L’influence de l’ESPT sur l’apparition d’autres pathologies reconnue sur le plan scientifique.

Le lien entre stress post-traumatique et développement d’autres pathologies semble aujourd’hui de plus en plus porté par la communauté scientifique.

Un lien clair a déjà pu être établi entre ESPT et infarctus du myocarde mais également entre ESPT et maladies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé, sclérose en plaque, polyarthrite rhumatoïde, thyroïdites et maladie de Crohn).


- Vers un plus large respect du principe de réparation intégrale des préjudices des victimes.

La reconnaissance par le médecin Conseil du FGTI de ce qu’il est « avéré que le stress peut être à l’origine d’une modification délétère de la coagulation, et donc de la survenue d’un accident vasculaire cérébral » est une belle avancée pour les victimes.

En effet, il est possible d’envisager une meilleure indemnisation des préjudices différés dans le temps que subissent les victimes d’accidents traumatiques, préjudices encore trop souvent non pris en compte par le Droit.

Elsa CROZATIER, Avocate à la Cour, droit du dommage corporel www.crozatier-avocats.com