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Esfp et vérification de comptabilité simultanés : quelles garanties pour le contribuable ? Par Thierno Alseny Barry, Etudiant.
Parution : lundi 7 décembre 2020
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L’Examen Contradictoire de la Situation Fiscale Personnelle (ESFP) et la vérification de comptabilité constituent deux procédures fiscales distinctes. Mais dans une certaine mesure, elles peuvent se rejoindre. En tout état de cause, ces procédures sont assorties de garanties dont le contribuable peut se prévaloir. Cependant, il n’est pas rare que ces garanties soient « limitées » par des moyens plutôt favorables à l’administration.

Il ressort des articles L12 et L13 du Livre des procédures fiscales (LPF) une réelle difficulté à définir respectivement l’ESFP et la vérification de comptabilité.

Le Professeur Arnaud Soton a, au regard de l’article L12 du LPF, défini l’ESFP comme étant la procédure qui « permet à l’administration fiscale de vérifier que les déclarations du contribuable sont bien en rapport avec la réalité de ses revenus » [1].

A l’occasion de cet examen, l’administration fiscale peut contrôler la cohérence entre, d’une part les revenus déclarés et, d’autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal.

L’examen peut également porter sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) des personnes physiques, qu’elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu’elles y ont des obligations au titre de ces impôts.

S’agissant de la vérification de comptabilité, le Conseil d’Etat a d’ores et déjà précisé qu’elle « se caractérise par le contrôle de la sincérité des déclarations déposées, en les comparant avec les autres écritures comptables dont l’administration a pris connaissance » [2]. L’article L13, I du LPF reprenant jurisprudence, dispose que :

« les agents de l’administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le législateur, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ».

Dans le même ordre, l’article R13-1 du LPF décline les modalités de vérification au visa de l’article L13 du même livre, par la comparaison des déclarations souscrites avec ces documents (écritures comptables, registres…) et l’examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l’aide des renseignements recueillis à l’occasion notamment de l’exercice du droit communication.

Ainsi, plus concrètement, la vérification de comptabilité s’applique aux revenus professionnels des contribuables astreints à la tenue d’une comptabilité notamment les revenus tirés d’une activité commerciale, libérale, artisanale… tandis que l’ESFP est relatif aux revenus personnels des personnes physiques.

Tenant compte du lieu du contrôle, l’ESFP, en principe, est un contrôle de bureau, s’effectuant dans les locaux de l’administration alors que la vérification, qui est un contrôle dit « externe », s’exerce au sein des locaux du contribuable.

Ces deux procédures accordent des garanties au profit du contribuable. Ces garanties se manifestent tout au long de la mise en œuvre de ces procédures.

Certaines sont obligatoires pendant que d’autres sont facultatives. La plupart sont communes, d’autres propres à chacune d’elles. Sauf exception, le manquement observé à l’égard des garanties obligatoires entraîne l’irrégularité de la procédure, la nullité. Nombreuses et variées, on peut dénombrer :

L’envoi d’un avis [3] au contribuable : il peut s’agir d’un avis de vérification ou d’un avis d’examen. Le défaut de cet avis entache la procédure d’irrégularité. Cet avis, en plus, doit comporter des mentions obligatoires notamment la faculté de se faire assister d’un conseil, la période soumise au contrôle, la référence à la charte du contribuable. Cette garantie peut être renforcée par le fait que son inobservation ne permet pas à l’administration de corriger son erreur car on ne peut, en principe, vérifier deux fois un même impôt sur une même période [4].

Pendant le déroulement de ces procédures, le contradictoire, inhérent à ces dernières, doit, en principe, également être observé. Toutefois, il n’est pas à confondre avec le débat oral et contradictoire propre à la vérification de comptabilité.

Jusque-là il s’agissait de présenter brièvement quelques garanties attachées à chacune des procédures. Quid en cas de mise en œuvre simultanée de la vérification de comptabilité et de l’ESFP, les garanties du contribuable sont-elles préservées ? Existe-t-il des « limitations » à ces garanties ?

Le contrôle simultané est la mise en œuvre à la fois de l’ESFP et de la vérification de comptabilité. Ces 2 procédures peuvent être exercées à l’égard d’un même contribuable.

L’exercice d’un contrôle simultané à l’égard d’un même contribuable : le cas des comptes mixtes.

Un même contribuable peut disposer de plusieurs comptes financiers. Ceux afférents à l’exercice de son activité et ceux relevant de sa sphère privée. Ces comptes, lorsqu’ils interfèrent, peuvent prendre la qualification de comptes mixtes. Les comptes mixtes sont donc des comptes mêlant comptes personnels et comptes professionnels dont la frontière peut paraitre difficile à cerner. C’est le cas de l’autoentrepreneur ou de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

Ces entreprises sont dépourvues de personnalité morale, ce qui peut souvent avoir pour conséquence de confondre le patrimoine professionnel à celui personnel. Cette confusion peut conduire l’administration à contrôler non seulement les comptes professionnels de l’entrepreneur au titre de la vérification de comptabilité mais aussi ses comptes personnels au titre de l’ESFP. Cependant, aucun texte ni aucune loi n’impose à l’administration l’exercice de cette action simultanée [5].

L’administration exerçant une vérification de comptabilité sur les comptes professionnels de l’entrepreneur, peut concomitamment mettre en œuvre l’ESFP à l’égard du même contribuable en raison de ses revenus personnels et inversement.

C’est l’exemple d’un contribuable qui exercerait toute activité professionnelle (relevant des bénéfices industriels et commerciaux, bénéfice agricole…).

Toutefois, la mise en œuvre de ces deux procédures ne diminue en rien les garanties attachées à chacune d’elles.

C’est une véritable assurance du contribuable. Par conséquent, l’administration devra, à cet effet, veiller scrupuleusement aux conditions de validité de chacune des procédures sous peine de nullité. Affirmation évidente du principe d’indépendante des procédures. Elle devra par exemple adresser distinctement un avis de vérification et un avis d’examen chacun comportant les mentions obligatoires y afférentes, observer les règles de procédure spécifiques notamment le respect du débat oral et contradictoire en matière de vérification. A l’issue de la procédure de contrôle, l’administration devra adresser, le cas échéant, deux propositions de rectification distinctes indiquant chacune les conséquences financières des rectifications envisagées, faute de quoi, la procédure sera nulle [6].

Dans ce sens, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dans son jugement faisant l’objet d’appel, rendu en date du 14 mai 2019 [7] a jugé qu’il résulte des dispositions des articles L48 et L57 du LPF que

«  l’’indication du montant des conséquences financières des rectifications proposées constitue une garantie pour le contribuable. Par suite, dans le cas où elle (l’administration) conduit simultanément une vérification de comptabilité d’une entreprise dont les bénéfices sont taxés entre les mains d’une personne physique au titre de l’impôt sur le revenu et un examen de la situation fiscale personnelle du foyer fiscal auquel appartient ce contribuable, l’administration doit indiquer distinctement, dans chacune des propositions de rectification, les conséquences financières des rectifications envisagées. Elle ne peut, sauf à priver le titulaire des revenus professionnels rectifiés à l’issue de la vérification de comptabilité de la garantie qu’il tient de ces dispositions, se borner à mentionner dans la proposition de rectification consécutive à l’examen de la situation fiscale personnelle les conséquences financières de l’ensemble des rectifications envisagées pour le foyer fiscal ».

En clair, l’administration ne peut, sans priver le contribuable de la garantie qu’il tient de ces dispositions, se borner à mentionner dans la proposition de rectification consécutive à son ESFP les conséquences financières de toutes les rectifications envisagées pour son foyer fiscal (sans préciser le montant des droits et pénalités qui résultent de la vérification). Cette garantie est jugée substantielle pour le contribuable.

Toujours au bénéfice du contribuable, le Conseil d’Etat a relevé que les informations recueillies à l’occasion d’un ESFP de comptes bancaires à usage privé et professionnel ne peuvent servir à redresser un contribuable en matière professionnelle qu’après la conduite d’une procédure de vérification de comptabilité [8]. A ce titre, la Haute juridiction a, dans un arrêt rendu le 16 février 1994, n° 75827 Tramier, déclaré irrégulière une vérification de comptabilité faute d’avoir été précédée de l’envoi d’un avis de vérification.

En l’espèce, examinant un compte bancaire à usage mixte à l’occasion d’un ESFP, un vérificateur y avait découvert des recettes d’origine agricole d’un montant excédant les limites du régime du forfait, sous lequel le contribuable était placé, et avait taxé d’office l’intéressé sur ses bénéfices agricoles réels. Dans la mesure où cette taxation a porté sur un compte bancaire qui, retraçant des encaissements d’origine agricole, avait le caractère d’un document comptable, l’ESFP a eu pour objet le contrôle des bénéfices professionnels et s’est, ainsi, transposée en fait en une vérification de comptabilité.

Qui de l’administration ou du contribuable doit apporter la preuve de la mixité des comptes ?

De la preuve de la mixité.

L’appréciation voire la preuve de la qualification de comptes mixtes peut interroger, car la charge de la preuve peut incomber tant à l’administration qu’au contribuable ou aux deux. En général, en ce qui concerne les impositions d’office, la charge incombe au contribuable (article L193 du LPF). Elle incombe également au contribuable à l’issue d’un ESFP eu égard notamment aux demandes de justifications ou d’éclaircissement auxquelles il n’aurait pas répondu (article L192, al. 3).

En revanche, dans les autres cas, prêtant attention à la règle Actori incumbit probatio, c’est à celui qui soutient qu’un compte est mixte d’en apporter la preuve. La charge de la preuve pèse donc sur le contribuable lorsqu’il a intérêt à voir reconnaître le caractère non mixte de son compte [9]. Il incombe toutefois à l’administration fiscale d’établir qu’un compte bancaire, désigné par le contribuable comme étant à usage exclusivement privé, est utilisé par lui également à titre professionnel et présente, ainsi, un caractère mixte [10].

Ainsi l’a précisé le Rapporteur public dans cet arrêt, la mixité s’analyse compte par compte et

« le caractère mixte d’un compte ne saurait apporter la preuve du caractère mixte d’un autre compte que dans des cas extrêmes où l’administration apporterait la preuve du caractère mixte d’un grand nombre de comptes ».

A l’évidence, cette preuve n’est pas facile à rapporter. C’est pourquoi le Conseil d’Etat, essayant de définir les contours de cette celle-ci, a considéré que deux opérations demeurées exceptionnelles consistant dans l’encaissement sur un compte privé de recettes professionnelles, compensé par le débit du compte de l’exploitant dans la comptabilité commerciale de l’entreprise individuelle, ne sont pas à elles seules de nature à caractériser un compte à usage mixte [11]. Cette jurisprudence ressort à suffisance la non contamination systématique entre les comptes. Cela dénote l’absence de visibilité dans l’appréciation de la mixité. Il convient de se reporter à une analyse casuistique de chaque situation.

En somme, en vertu du principe d’indépendance des procédures, la mise en œuvre simultanée de l’ESFP et de la vérification de comptabilité ne diminue aucunement les garanties attachées à chacune d’elles. Ceci étant, l’administration doit respecter ces garanties ainsi que celles relatives à la procédure de taxation (contenu dans la proposition de rectification). La preuve de la mixité des comptes lui incombe et elle ne peut directement redresser les bénéfices professionnels à partir des constatations opérées sur les comptes financiers au cours d’un ESFP et inversement.

Bien que la preuve de la mixité des comptes paraisse difficile à établir, les garanties évoquées précédemment constituent néanmoins un véritable frein à l’administration. Cependant, les moyens dont celle-ci dispose ne sont pas réducteurs. N’étant pas astreinte à la mise en œuvre concomitante de ces deux procédures, l’administration se voit conférer d’autres moyens alternatifs permettant de « limiter » ces garanties.

Les moyens alternatifs au contrôle simultané : les actions conférées par les articles L47 B et L47 C du LPF au bénéfice de l’administration.

Le principe de l’article L47 B du LPF :

Il convient de citer in extenso l’article L47 B :

« Au cours d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle, l’administration peut examiner les opérations figurant sur des comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel et demander au contribuable tous éclaircissements ou justifications sur ces opérations sans que cet examen et ces demandes constituent le début d’une procédure de vérification de comptabilité.
Au cours d’une procédure de vérification de comptabilité ou d’un examen de comptabilité, l’administration peut procéder aux mêmes examen et demandes, sans que ceux-ci constituent le début d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle.
L’administration peut tenir compte, dans chacune de ces procédures, des constatations résultant de l’examen des comptes ou des réponses aux demandes d’éclaircissements ou de justifications, et faites dans le cadre de l’autre procédure conformément aux seules règles applicables à cette dernière
 ».

Les alinéas 1 et 2 permettent à l’administration, dans le cadre de l’une ou l’autre des deux procédures de contrôle, d’interroger le contribuable sur la nature des opérations et l’origine des sommes enregistrées sur un compte mixte. Elle peut également demander la fourniture de pièces justificatives. Ces demandes peuvent se faire oralement ou par écrit.

En revanche, si l’administration entend exploiter les renseignements recueillis au cours d’un ESFP pour procéder à des rehaussements au titre des revenus provenant d’une activité susceptible de faire l’objet d’une vérification de comptabilité (BIC, BNC, BA), elle est tenue d’engager cette procédure de contrôle dans le respect des garanties propres à celle-ci (BOI-CF-IOR-60-10 n° 50). Il en est ainsi alors même que le contribuable serait en situation d’évaluation ou de taxation d’office [12]. La procédure d’imposition n’affecte pas les garanties du contrôle.

Cette obligation d’engager une vérification dans ce cas est complètement indépendante de la procédure d’imposition. Le contribuable peut être en taxation d’office mais avoir droit à une vérification de comptabilité.

A titre de rappel, les demandes de justifications et d’éclaircissement édictées à l’article L16 du LPF sont contraignantes en raison de la nature des informations qu’elles peuvent requérir et surtout du délai (2 mois) de réponse accordé au contribuable. En l’absence de réponse à l’issue de ce délai, ou en présence d’une réponse insuffisante (après le délai de mise en demeure d’apporter des précisions complémentaire - 30 jours) à ces demandes, l’administration est en droit d’imposer d’office  [13] tous les crédits bancaires figurant sur les comptes du contribuable.

Quant au dernier alinéa de l’article L47 B, il reconnait à l’administration la possibilité d’exploitation des constatations qu’elle a faites et les réponses du contribuable aux demandes ci-dessus tant dans le cadre de la procédure au cours de laquelle elles ont été opérées que dans le cadre de l’autre procédure de contrôle qui serait diligentée par elle.

Par ailleurs, cette limitation des garanties peut s’intensifier en cas de découverte d’une activité occulte.

Découverte d’activités occultes au cours d’un ESFP : une dérogation à l’article L47 B du LPF.

Dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure d’ESFP, l’administration peut découvrir des activités occultes dont la nature peut relever d’une activité professionnelle. La question qui se pose est de savoir si l’administration est tenue d’engager du fait de cette découverte une procédure de vérification de comptabilité.
L’article L47 C apporte la réponse.

Il énonce qu’au cours d’un ESFP, lorsque l’administration a découvert notamment une ou des activités occultes, elle n’est pas tenue d’engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité. Elle bénéficie en plus d’un délai spécial de 2 ans au titre de la durée de l’ESFP (article L12 al. 7 LPF). Cette disposition est strictement limitée aux cas pour lesquels les agents ont effectivement découvert cette activité au cours de l’ESFP.

En principe, lorsque l’administration, dans le cadre d’un ESFP, entend exploiter les renseignements recueillis des demandes de justifications ou d’éclaircissement pour procéder à des rehaussements au titre des revenus provenant d’une activité professionnelle, elle est tenue d’engager une vérification de comptabilité au titre de ces revenus (Cf. article L47 B du LPF).

L’article L47 C déroge à ce principe sous deux conditions : il doit nécessairement s’agir d’une activité occulte découverte et seulement dans le cadre d’un ESFP, quelle que soit l’origine ou la nature de cette activité. Lorsque ces conditions sont remplies, l’administration est dispensée de la mise en œuvre d’une vérification de comptabilité. Corrélativement, cet article peut poser problème à l’égard du contribuable dans la mesure où les garanties afférentes à la vérification sont perdues.

Ainsi le contribuable ne peut utilement invoquer l’irrégularité de la proposition de rectification notamment pour défaut d’avis de vérification.

Néanmoins lorsque cette activité a été découverte avant la mise en œuvre de l’ESFP, à l’occasion notamment du droit de communication exercé antérieurement, les dispositions de l’article L47 C sont inopérantes. Dans cette hypothèse, l’administration sera contrainte d’adresser un avis de vérification afin de contrôler cette activité (BOI-CF-IOR-60-10 n° 200).

Qu’entend-on par activité occulte ?

La doctrine administrative [14] définit l’activité occulte comme celle qui n’a, à aucun moment, été portée à la connaissance de l’administration fiscale. L’activité occulte doit s’entendre principalement d’une activité pour laquelle le contribuable n’a pas accompli les formalités auxquelles il était tenu lors de sa création. Il peut s’agir également d’une activité régulièrement déclarée mais dont les modalités matérielles d’exploitation revêtent un caractère occulte, et les déclarations souscrites ne traduisent pas totalement la réalité. C’est-à-dire lorsque les modalités exactes de son exercice effectif sont masquées par l’apparence que le contribuable en a donné en déclarant l’activité. C’est l’exemple d’un garagiste réparateur de véhicules se livrant à un négoce de véhicules volés.

Les conséquences de l’article L47 C sont lourdes. Elles peuvent porter sur tous les impôts et taxes afférents à l’activité occulte (impôt sur le revenu, taxe professionnelle, tva…). De la même manière, le délai spécial de reprise de 10 ans peut être mis en œuvre [15].

En résumé, au regard des articles L47 B et L47C, l’administration exerçant un ESFP, peut adresser des demandes de justifications ou d’éclaircissement au contribuable au titre des revenus professionnels (BIC, BNC…) sans que cela ne constitue le début d’une procédure de vérification et inversement. Elle peu taxer d’office le contribuable qui n’aurait pas répondu dans les délais requis. Lorsque le contribuable répond à temps, l’administration ne peut le redresser au titre de ces revenus qu’après lui avoir envoyé un avis selon la procédure de contrôle.

Toutefois, l’administration peut le redresser sans envoyer un avis de vérification lorsqu’elle découvre une activité occulte uniquement au cours d’un ESFP. Ce raisonnement semble identique en présence d’une distribution officieuse.

Le cas des distributions :

Officiellement, les distributions sont appréhendées comme des revenus ou bénéfices qu’une entreprise, par la voie d’une entité dédiée, alloue à ses associés. Ce montant alloué étant imposable à l’impôt sur le revenu du bénéficiaire lorsque celui-ci est une personne physique. Officieusement, une entreprise peut distribuer des revenus sans l’accord de cette entité notamment quand les recettes sont extournées. En ce qui concerne les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, cette distribution peut recevoir la qualification d’acte anormal de gestion qui devra donc être retraitée fiscalement.

L’article 109, 1, du Code général des impôts (CGI) dispose que sont considérés comme revenus distribués :
- tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital,
- toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.

La qualification de revenus distribués suppose un désinvestissement qui s’apprécie au cas par cas. En matière de distribution, deux contribuables distincts sont redressés, une entreprise (société de capitaux en général) et une personne physique, le plus souvent. L’article 109, 1 évoque 2 catégories de revenus distribués : ceux prélevés sur les bénéfices à condition que l’exercice vérifié soit bénéficiaire [16] et ceux non prélevés sur les bénéfices qui concernent uniquement les associés [17]. Dans le premier cas, la distribution est présumée alors dans le second l’administration doit en apporter la preuve.

La découverte d’une distribution officieuse permet à l’administration de poursuivre le bénéficiaire qui peut être dirigeant, associé voire tiers. A cet égard, elle peut exercer un ESFP ou une vérification.

Dans ce cas, le bénéficiaire peut se prévaloir de toutes les garanties que cette procédure de contrôle engagée lui confère. Par exemple le bénéfice d’être interrogé, la faculté de répondre, d’être assisté d’un conseil, la prescription des délais de contrôle, la règle du double en matière d’ESFP…

En revanche, l’administration a la possibilité de faire abstraction à ces procédures en poursuivant le bénéficiaire sur la base notamment d’un contrôle sur pièces. Cette méthode est la plus fréquente.

Elle pose néanmoins de réelles difficultés en termes de garanties du contribuable, mettant ainsi en évidence un déséquilibre quant à la protection de celui-ci face aux moyens dont dispose l’administration.

Thierno Alseny BARRY Etudiant en Master 2 Juriste Fiscaliste Université de Paris (ancien Paris V Descartes)

[1Professeur Arnaud Soton, « contrôle fiscal : examen contradictoire de la situation fiscale personnelle », en ligne Contrôle fiscal : l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle. Par Arnaud Soton, Avocat. (consulté le 17/11/2020).

[2CE 13 mars 1967, n° 62338, DF 1967 n°45.

[3Article L47 LPF.

[4Article L50, L51 LPF.

[5BOI-CF-IOR-60-10, n° 40.

[6Article L48 LPF ; CE, 22 novembre 2017, n°393297.

[7N° 1611281 : RJF 2/20 n°153.

[8CE, 6 janvier 1993, n° 64209, Perera.

[9CE, 9e et 10e ss-sect., 29 avr. 2002, n° 212408, M. M. : Dr. fisc. 2002, n° 40, comm. 746, concl. J. Courtial ; RJF 7/2002, n° 754 ; BDCF 7/2002, n° 88, concl. J. Courtial ; RJF 7/2002, n° 754.

[10CAA Lyon - 5ème chambre, du 21 juillet 2011, n° 10LY00177.

[11CE 29 avril 2002 n° 212408, 9e et 10e s.-s., M. : RJF 7/02 n° 754, Droit fiscal 2002, n°42, c.746 avec concl. J. Courtial également au BDCF 7/02 n° 88.

[12CE, 2 février 1996, n° 140424 à 140426.

[13Articles L10, L16 et L69 du LPF.

[14BOI-CF-IOR-60-10 n° 120, 130, 140 et 160.

[15Articles L169 al. 2, L174 al. 2, L176 al. 2 du LPF.

[16Article 109, 1, 1° du CGI.

[17Article 109, 1, 2° du CGI.