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L’application du trust en droit français. Par Lucas Massard, Etudiant.
Parution : vendredi 4 décembre 2020
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Le trust est un mécanisme juridique anglo-saxon qui n’est pas connu en droit français. Toutefois, il arrive parfois qu’il emporte des effets en France.

Le trust a notamment été défini par l’article 2 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance [1].

Il s’agit d’un acte par lequel le dénommé « settlor » désigne une personne appelée le « trustee » pour administrer les biens pour le compte du bénéficiaire « beneficiary ».

C’est une relation triangulaire entre le constituant, l’administrateur et le bénéficiaire. Ce dispositif est très présent dans les pays du Common Law mais ne se prête que très peu au système issue du droit romain car il envisage la séparation du patrimoine.

Il connait plusieurs avantages en droit anglo-saxons, le plus important consiste à permettre une répartition du patrimoine de façon inégalitaire. Il permet également d’échapper à la procédure par laquelle les tribunaux supervisent le règlement de la succession [2]. On peut s’interroger sur la nécessité d’intégrer cette institution dans le droit romano-germanique qui dispose de mécanisme pour permettre la gestion des biens d’autrui avec la notion de représentation et de possession [3].

Le cas du Québec est intéressant car il est l’une des premières réceptions du trust qu’ait opérée la Civil Law. Cela s’explique d’un point de vue historique puisque le Québec était sous la domination de l’empire Britannique en 1760, cela a permis une diffusion du droit anglais. Le droit français a été rétablie avec le Québec act que le Parlement anglais adopta le 22 juin 1774. Néanmoins, il garde quelque spécificité anglaise notamment le trust qu’elle renommera la fiducie pour faire référence à la fiducie romaine.

En France, le trust est contradictoire avec la théorie du patrimoine d’Aubry et Rau qui fait du patrimoine une émanation de la personnalité juridique qui est unique et indivisible.

Cependant, avec l’internationalisation du droit, on fait du trust un outil de plus en plus apprécié quel que soit le système juridique.

Après plusieurs échecs de projet de loi, la loi du 19 février 2007 a consacré la fiducie en France [4].

I. La fiducie comme alternative au trust.

La France a établi la fiducie en s’inspirant du trust. De ce fait, il y a des ressemblances entre les deux institutions. Dans les deux cas, il s’agit d’une opération triangulaire avec un constituant, un fiduciaire qui est l’équivalent du « trustee » et un bénéficiaire.

Dans la fiducie française comme dans le trust, il y a un transfert des biens du constituant vers le fiduciaire. Les biens intégrés dans la fiducie sont séparés des biens personnels du fiduciaire et il agit dans l’intérêt d’un bénéficiaire.

Cependant, il existe de grosse différence entre le trust anglo-saxons et la fiducie française. En effet, la fiducie est cantonnée au champ d’application commerciale. L’article 2013 du Code civil dispose que :

« Le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public ».

Quant au trust, il a un domaine d’application large. Le législateur français n’a pas voulu expressément parler de « patrimoine d’affectation » mais le sous-entend. Ainsi, on parle de « patrimoine fiduciaire » dans le code civil qui n’est ni séparé du patrimoine personnel du fiduciaire ni du patrimoine personnel du constituant.

En effet, l’article 2025 alinéa 2 du code civil dispose que « En cas d’insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue le gage commun de ces créanciers […] ». De plus, le même article prévoit que « […] sauf stipulation contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire ». Cela permet d’insérer une clause dans le contrat de fiducie pour tenir le fiduciaire personnellement responsable.

II. La validité du trust en France.

La Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance règle les problèmes les plus importants relatifs au trust. La France a signé cette convention le 26 novembre 1991 mais elle ne l’a jamais ratifiée.

Pourtant, le trust ne se cantonne pas à l’étranger mais a également des effets en France. La jurisprudence a recours le plus souvent à une requalification en un mécanisme connu du droit français.

Cependant, il arrive parfois qu’elle considère le trust en tant que tel [5]. Il ressort de la jurisprudence une analyse au cas par cas des faits pour apprécier la requalification ou non du trust.

La question de la réserve héréditaire pose problème puisqu’elle va à l’encontre de l’article 912 du code civil. Un arrêt de la Cour de cassation vient nous dire que

« la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels » [6].

Les juges de la haute juridiction viennent dire que la loi étrangère qui autorise le trust peut être reconnue compétente en France au regard des faits et des liens du défunt avec le pays étranger.

III. La fiscalité du trust.

Depuis 2011, un régime spécial est applicable aux trusts. Il est nécessaire, au préalable, de savoir les situations où le trust est soumis aux règles fiscales françaises.

Ainsi, lorsque le « settlor », le « trustee » ou le bénéficiaire est résident fiscal en France [7], les règles françaises sont applicables.

Elles sont aussi applicables lorsque des biens, des droits ou des revenus qui sont capitalisés en France sont placé dans le trust.

L’article 792-0 bis du Code général des impôts dispose que le trust est soumis aux droits de mutation à titre gratuit pour la valeur vénale nette des biens.

De plus, il est aussi soumis à l’impôt sur la fortune immobilière.

Lucas MASSARD, étudiant en Master 2 Professions de la justice à l'université Jean Monnet Saint-Etienne.

[1« Aux fins de la présente Convention, le terme « trust » vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant - par acte entre vifs ou à cause de mort - lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé […] ».

[2Probate process : c’est le processus qui consiste à l’homologation de la succession par l’autorité judiciaire.

[3Emerich, Yaëll : Les fondements conceptuels de la fiducie française face au trust de la Common Law : entre droit des contrats et droit des biens, 2009, p.50.

[4Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie.

[5Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 septembre 2011, n° 840 (10-25.633 ; 10-25.731 ; 10-25.908).

[6Cour de cassation, Civ. 1, 27 septembre 2017, n° 16-13.151.

[7La résidence fiscale d’une personne est définie à l’article 4B du Code général des impôts.

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