Village de la Justice www.village-justice.com

Mesure d’assistance éducative judiciaire : il faut caractériser le danger. Par Amani Ben Lakhal, Avocat.
Parution : vendredi 4 décembre 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/mesure-assistance-educative-judiciaire-faut-caracteriser-danger,37403.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Si la santé, la sécurité, la moralité d’un mineur ne sont pas en danger ou que les conditions de son éducation, de son développement physique, affectif, intellectuel ou social ne sont pas gravement compromises, ordonner une mesure d’assistance éducative n’est pas justifié.

Conformément à l’article 375 du Code civil, si la santé, la sécurité, la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou que les conditions de son éducation, de son développement physique, affectif, intellectuel ou social sont gravement compromises, une mesure d’assistance éducative peut être ordonnée par le juge des enfants pendant deux ans.

Cette durée de deux ans peut être renouvelée par décision spéciale motivée.

Cette mesure n’est pas une sanction : c’est une mesure de protection envers un mineur non émancipé en danger.

Qui peut saisir le juge des enfants pour qu’il ordonne une mesure d’assistance éducative ?

- les parents de l’enfant mineur ou l’un d’eux ;
- la personne ou le service à qui l’enfant a été confié s’il ne vit pas chez ses parents ;
- le tuteur de l’enfant mineur ;
- le mineur lui-même ;
- le Ministère Public : dans ce cas, un signalement d’information préoccupante du président du conseil départemental ou d’un service de protection de l’enfance est la plupart du temps à l’origine de la saisie du juge des enfants par le Ministère Public ;
- à titre exceptionnel, le juge des enfants peut se saisir d’office.

Que se passe t-il une fois le juge saisi ?

Une fois saisi, les parties seront convoquées par le greffe en vue d’une audience.

Le juge va entendre le ou les mineurs ainsi que le ou les parents.

Si les débats ainsi que les éléments portées à la connaissance du juge ne permettent pas d’établir clairement un danger ou nécessitent des investigations plus poussées, il ordonnera une mesure d’investigation éducative pour recueillir plus d’éléments sur la situation du mineur, celle des parents et plus généralement sur l’environnement familial.

Ces investigations peuvent être diverses et variées : entretiens avec les enfants, les parents et parfois des membres du cercle familial. Un rapport est établi à la fin du délai fixé par le juge étant entendu que les conclusions de ce rapport ne le lient pas.

Si les investigations menées écartent tout danger ou si le juge estime qu’en dépit de conclusions évoquant un danger il n’y en a pas, il prononcera un non-lieu à mesure d’assistance éducative.

Si les éléments portés à sa connaissance établissent un danger, il ordonnera une mesure d’assistance éducative.

Quelles sont les mesures d’assistance éducative que le juge peut ordonner ?

Selon les cas, le juge peut décider de confier le mineur :

1° A l’autre parent ;

2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ;

4° A un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;

5° A un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé.

Chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel.

Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d’apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre. C’est ce que l’on appelle une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert.

En outre, le juge doit s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure qu’il ordonne.

Selon la jurisprudence, l’adhésion n’est pas l’accord : le juge peut prononcer une mesure plutôt qu’une autre. En pratique, l’adhésion sera l’accord selon le type de mesure envisagée.

Imaginons un mineur maltraité par ses parents. Le juge peut demander au mineur s’il accepte d’être placé chez sa grand-mère en attendant. Si ce dernier refuse, il y a de fortes chances qu’il ne prenne pas en compte son refus et que la mesure soit quand même ordonnée.

A contrario, imaginons un enfant qui n’est pas maltraité chez ses parents mais qui connaît des difficultés d’un autre ordre. Le juge peut envisager d’ordonner une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ( visite d’un éducateur à domicile). Ici, si le mineur se braque et refuse l’idée même de parler avec un tiers, alors il y a de fortes chances que le juge ne prononce pas la mesure car on le comprend, elle serait totalement inefficace.

Bien entendu, chaque cas est différent et s’apprécie in concreto.

Qui estime le danger ?

L’appréciation du danger ou du caractère gravement compromis des conditions d’éducation de l’enfant relève de l’appréciation souveraine du juge des enfants.

Cette appréciation souveraine ne doit pas être synonyme d’arbitraire. Il doit se fonder sur des éléments factuels, précis et objectifs du dossier. Un simple sentiment ou une intuition ne doivent pas permettre d’ordonner la mise en place d’une mesure d’assistance éducative.

Par exemple, ces éléments factuels peuvent être l’audition du ou des mineurs, le ou les rapports établis par les services sociaux...

Mais comment apprécier le danger sur la base d’un rapport établi par les services de protection de l’enfance qui bien souvent, ne vont rencontrer qu’une, deux ou trois fois, à raison de quelques heures, la famille et le mineur ?

Il n’est pas rare de passer à côté d’éléments préoccupants. De la même manière, il est tout aussi fréquent d’estimer que certains éléments sont préoccupants alors qu’en réalité, il n’en est rien.

On le comprend, la situation est complexe et les moyens des services sociaux limités.

Les investigations menées sont trop rapides et peuvent amener à des conclusions reposant sur des éléments purement subjectifs alors même qu’elles peuvent avoir de lourdes conséquences sur la vie d’une famille et plus particulièrement, sur la vie du ou des mineurs.

En toute hypothèse, si aucun élément objectif du dossier ne permet de démontrer un quelconque danger ou le caractère gravement compromis des conditions dans lesquelles évoluent le mineur, il est important de se défendre et de ne pas baisser les bras face à des procédures qui constituent un réel rouleau compresseur pour les familles.

Amani Ben Lakhal Avocat à la cour www.amanibenlakhal-avocat.com