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L’extradition au Maroc. Par Rabii Chekkouri, Avocat.
Parution : jeudi 10 décembre 2020
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Les autorités judiciaires d’un État déterminé peuvent activer la recherche d’un individu suspecté d’avoir commis une infraction.

Dans l’hypothèse où cet individu est localisé et arrêté dans un autre État, une procédure de demande d’extradition peut être déclenchée.

Compte tenu de la position géographique du Royaume du Maroc et sa proximité avec le continent européen, un bon nombre de suspects recherchés à l’échelle internationale sont interpellés par les autorités marocaines.

Article actualisé par son auteur en août 2022.

L’interpellation au Maroc d’une personne recherchée.

Le Royaume du Maroc a signé avec plusieurs pays des conventions bilatérales et multilatérales sur l’extradition, notamment avec la plupart des pays arabes, avec un certain nombre de pays européens, ainsi que d’autres États ailleurs dans le monde.

Cela veut-il dire que si l’Etat requérant (qui réclame un fugitif) n’a pas de convention avec l’Etat requis (en l’occurrence, le Maroc), la personne recherchée reste dans l’impunité ?

La réponse est non : Le Maroc dispose, en droit interne d’un arsenal juridique important permettant l’appréhension de toute personne recherchée se trouvant sur le territoire national.

En effet, à défaut d’une convention sur l’extradition, les dispositions du Code de procédure pénale marocain en la matière trouveront application (article 718 et suivants du CPP).

Comment se déroule une procédure d’extradition au Maroc ?

Les autorités judiciaires de l’Etat requérant adressent un mandat d’arrêt international via un message d’interpol (notice rouge).

Partant, le bureau d’Interpol Maroc dispose de l’identité de toutes les personnes recherchées à travers le Monde.

Lorsque l’individu recherché est interpelé (à l’aéroport, dans un hôtel, à un point de contrôle routier, ...etc), il sera immédiatement placé en garde à vue et aura droit à l’assistance d’un avocat

Il a le droit d’informer les autorités consulaires de son pays.

Après la levée de sa garde à vue, l’intéressé sera déféré devant le procureur du Roi compétent (Tribunal de première instance du lieu de l’arrestation).

Celui-ci décerne un mandat de dépôt de l’intéressé à l’établissement pénitentiaire.

Le procureur général du Roi près la Cour de cassation (juridiction compétente en matière d’extradition), informera le Ministère de la justice qui se chargera de transmettre le dossier par voie diplomatique à l’Etat requérant.

A la réception d’une demande officielle d’extradition, le Parquet général renvoi l’intéressé devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation.

Après un débat contradictoire, en présence de l’intéressé - assisté éventuellement d’un avocat -, la Chambre criminelle émet un avis favorable ou défavorable.

Si l’avis est favorable à l’extradition, le Chef du gouvernement pourra signer un décret autorisant la remise de la personne recherchée à l’Etat requérant.

Nb : Aucun pays n’extrade ses nationaux.

L’exigence d’une réciprocité d’incrimination :

L’Etat requis doit s’assurer de l’existence d’une réciprocité d’incrimination, c’est-à-dire que sa législation pénale doit prévoir une qualification adaptée aux faits reprochés à la personne recherchée.

A titre d’exemple, dans l’hypothèse où une personne recherchée est interpellée au Maroc en vertu d’un mandat d’arrêt international pour des faits d’escroquerie, la procédure d’extradition sera régulière dans la mesure où le Code pénal marocain prévoit cette incrimination (art. 540 du CP).

En revanche, dans le cas où un individu fait l’objet d’un mandat d’arrêt émanant des autorités françaises pour le délit de provocation à commettre un assassinat ou un empoisonnement non suivie d’effet (appelé communément « mandat criminel » prévu à l’article 221-5-1 du CP français), celui-ci ne peut, en principe, être extradé, dans la mesure où la législation marocaine ne prévoit pas une qualification adaptée auxdits faits reprochés.

Que signifie la procédure d’extension des effets de l’extradition ?

Cette procédure concerne une infraction antérieure à la remise de l’intéressé.

Le Parquet général saisit la Chambre criminelle pour prolonger les effets de l’extradition déjà effectuée :

C’est l’hypothèse où les autorités de l’État requérant demandent l’extension d’une extradition pour que l’intéressé soit jugé par ses juridictions nationales pour une infraction qui ne figurait pas sur la demande initiale : par exemple, une personne réclamée initialement pour des faits d’escroquerie, mais l’extension a posteriori concernera l’infraction de recel.

Comment peut s’organiser une défense en matière d’extradition ?

À l’instar de toutes les autres procédures judiciaires, la loi marocaine accorde à toute personne faisant l’objet d’une procédure d’extradition le droit d’être assisté par un avocat.

En effet, l’intéressé peut dès son placement en garde à vue demander à s’entretenir avec un avocat. Celui-ci peut également l’assister lors du déferrement devant le procureur du Roi.

Il serait nécessaire pour tout individu refusant son extradition de vérifier les conditions stipulées éventuellement par la Convention bilatérale signée entre les deux États, ou à défaut de traité international, s’assurer des conditions prévues par le Code de procédure pénale marocain en la matière.

De surcroît, une demande de mise en liberté peut être introduite.

Dans l’hypothèse d’une extradition dite active, c’est-à-dire lorsque le Maroc est l’État requérant, il est tout à fait possible de solliciter, par voie de requête auprès des autorités marocaines, l’annulation du mandat d’arrêt international et éventuellement le désistement de la demande officielle d’extradition.

Rabii Chekkouri Avocat au Barreau de Rabat www.rabiichekkouri.com