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Réflexions sur le juriste d’entreprise et sa communication.
Parution : lundi 14 décembre 2020
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Communiquer ? Rien de plus simple ; en apparence seulement.
Dans le monde de l’entreprise les diverses composantes de l’organisation exercent entre elles un rapport de force constant dont le pouvoir de décision est l’enjeu. Chaque composante projette une image plus ou moins en décalage avec la réalité de ce qu’elle est. Ainsi pour la fonction juridique. Son utilité, son rôle, les compétences qu’elle recèle, sa capacité contributive à la bonne marche de l’entreprise, bref sa valeur ajoutée, font l’objet d’une représentation collective qui la définit, positivement ou négativement, de manière plus implacable que sa place dans l’organigramme de l’entreprise. C’est à ce niveau que se situe l’enjeu du positionnement et de l’influence.

Dès lors le « savoir faire », la qualité de l’expertise ne saurait suffire. Longtemps nombre de juristes ont pensé pouvoir se dispenser de l’investissement dans le « faire savoir ». Ils voyaient dans cet exercice une perte de temps pour ne pas dire une dérive ou perversion contraire à l’idée qu’ils se faisaient de la matière éminente dont ils étaient les tenants. Cette incapacité à comprendre les véritables enjeux du marketing de leur fonction et de leurs activités a largement contribué à créer une image erronée autour de leur fonction juridique dont le côtoiement était trop souvent subi. Fort heureusement à l’heure du juriste « business partner » ce temps est révolu.

Les juristes d’entreprise savent que leur communication embrasse tous leurs actes, propos, expressions, oraux ou écrits, susceptibles d’être enregistrés et interprétés par l’environnement professionnel au sein duquel ils évoluent. Cette approche est globale : toutes les activités juridiques sont concernées auprès de tous les interlocuteurs de la fonction.

Informer c’est exister. La communication est existentielle, une manière d’être, un état de conscience permanent. Le juriste ne saurait communiquer par à coups ou de manière routinière selon un format préconçu. La communication est continue, constante, fluide et modulable. Par delà la nécessité d’informer, la finalité ultime vise à réduire, voire combler, un écart culture ; celui qui dans l’entreprise sépare l’univers juridique de la sphère opérationnelle. La communication des juristes devient alors un effort de réconciliation des problématiques business avec leur dimension juridique. L’existence d’une fracture, invisible, constitue un danger majeur pour les juristes.

Les juristes doivent être conscients des enjeux attachés à leur démarche de communication, pour l’entreprise, pour la fonction juridique tout comme pour chacun d’eux. Au sein d’une direction juridique cette compréhension des enjeux doit être partagée, devenir un atout commun. La cohérence collective sur l’importance de la communication et la manière de la décliner constituent le plus puissant levier pour faire progresser la culture juridique d’une entreprise. Ainsi, la communication est l’affaire de tous et non seulement celle du responsable. Ainsi conçue elle devient un élément de cohésion pour l’équipe juridique.

Une communication réussie permet de créer un climat de confiance relationnelle là où, trop souvent il y a de l’incompréhension, à susciter une écoute là où il y a de l’impatience, à exposer en termes clairs les points à prendre en considération et la manière de les traiter, à manifester une solidarité au regard des enjeux du business, et enfin à être positif dans la recherche et la mise en œuvre des solutions. En somme, l’esprit de la communication tient en un mot : pédagogie.

Les services juridiques rendus sont autant de produits dont il convient d’assurer la commercialisation auprès des clients internes. Le juriste doit assurer le « commercial du juridique » qu’il délivre.

Dans l’acte de communication il y a un émetteur et un récepteur. La pédagogie impose de moduler la communication, de l’adapter en fonction de ses cibles ce qui nécessite impérativement de la penser en amont par rapport à l’objectif poursuivi vis-à-vis de chacune d’elles. Elle ne doit jamais être envahissante. Il faut partir de l’idée simple selon laquelle le récepteur n’a pas le temps, et éviter absolument le sabir juridique qui indispose.

On peut distinguer deux types de communication : la communication générale, qu’on pourrait qualifier d’institutionnelle, et la communication spécifique liée aux activités, au traitement des dossiers.
La première vise notamment l’affichage des missions, de l’organisation , du fonctionnement, des valeurs inhérentes à la fonction juridique,…
La seconde est soigneusement élaborée en fonction des divers publics cibles tant dans le format, la périodicité que le contenu. Une direction générale ou une entité opérationnelle n’attendent pas la même chose de leurs juristes. Il convient de s’interroger sans cesse sur deux aspects : sur le fond, l’utilité de l’information transmise pour le récepteur et, sur la forme, la qualité de cette information en terme d’efficacité (choix du média,…).

Le juriste, dans un environnement changeant, est désormais en situation de disposer d’ outils performants de communication numérique. Ceux-ci transforment et décuplent sa capacité à communiquer et l’invitent à repenser sa relation « clients ». C’est là un impératif qui conditionne son positionnement et son rayonnement dans la vie de l’entreprise.

Pierre Charreton Président d’honneur de l’AFJE (Association Française des Juristes d’ Entreprise) ancien Directeur Juridique des groupes THALES, France Télécom/Orange, AREVA et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite