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Au secours ! La chaudière de l’immeuble fait trop de bruit ! Par Christophe Sanson, Avocat.
Parution : lundi 14 décembre 2020
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Tout immeuble géré en copropriété dispose d’équipements collectifs, comme une VMC, un ascenseur ou une chaudière. Ceux-ci sont susceptibles de causer des nuisances, notamment sonores, aux copropriétaires de l’immeuble.

Par un jugement du 7 octobre 2019, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre (devenu Tribunal judiciaire de Nanterre), statuant au fond, a jugé que le Syndicat des copropriétaires d’un immeuble géré en copropriété devait être tenu pour responsable des nuisances sonores résultant de la chaufferie collective de l’immeuble, partie commune, donnant ainsi lieu à réparation.

Au visa de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le Tribunal est venu condamner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble en cause à réaliser les différents travaux préconisés par l’Expert judiciaire et à indemniser les demandeurs de leurs préjudices.

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre (devenu Tribunal judiciaire de Nanterre) du 7 octobre 2019, n° 17/XXXX.

Tout immeuble géré en copropriété dispose d’équipements collectifs, comme une VMC, un ascenseur ou une chaudière. Ceux-ci sont susceptibles de causer des nuisances, notamment sonores, aux copropriétaires de l’immeuble.

Par un jugement du 7 octobre 2019, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, statuant au fond, a jugé que le Syndicat des copropriétaires d’un immeuble géré en copropriété devait être tenu pour responsable des nuisances sonores résultant de la chaufferie collective de l’immeuble, partie commune, donnant ainsi lieu à réparation.

Au visa de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le Tribunal est venu condamner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble en cause à réaliser les différents travaux préconisés par l’Expert judiciaire et à indemniser les demandeurs de leurs préjudices.

I. Présentation de l’affaire.

1°. Faits.

Les demandeurs avaient acquis, en 2013, un appartement au sein d’un immeuble géré en copropriété. Lors de leur entrée dans les lieux, ils avaient été surpris par le bruit résultant de la chaufferie générale de l’immeuble, située au sous-sol, leur visite préalable à l’achat s’étant déroulée en dehors de la période de chauffe.

2°. Procédure.

Pour faire cesser le trouble dont ils s’estimaient victimes, les propriétaires de l’appartement avaient sollicité du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, la désignation d’un Expert judiciaire aux fins d’établir la réalité et l’intensité des nuisances acoustiques résultant de cette chaufferie.

Le Président du Tribunal a, par ordonnance en date du 6 janvier 2015, fait droit à cette demande.

A la suite de sa mission, l’Expert judiciaire a, le 23 mai 2018, déposé son rapport définitif d’expertise lequel faisait ressort des mesures de 35,6 dB(A) au sein de la chambre 1 et de 38,3 dB(A) dans la chambre 2, supérieures aux limites fixées par les arrêtés du 30 juin 1999 aux termes desquels les bruits provoqués par les divers équipements collectifs ne doivent pas dépasser 30 dB (A) dans les pièces principales (pièces destinées au séjour ou au sommeil).

Sur le fondement de ce rapport, les plaignants ont assigné, devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, statuant au fond, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble et ont demandé à la juridiction :

1. de condamner le Syndicat des copropriétaires à la réalisation des travaux préconisés par l’Expert, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour ;

2. de le condamner à leur verser la somme de 25 350 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

3. la somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

4. la somme de 5 000 euros au titre de leurs frais d’avocat ;

5. la somme de 730 euros au titre de leurs frais de constats, c’est-à-dire des frais résultant de l’intervention d’huissiers aux fins de l’établissement de procès-verbaux de constat ;

6. ainsi que la somme de 3 996,07 euros au titre de leurs frais d’expertise.

Le Syndicat des copropriétaires, quant à lui, concluait au rejet de ces demandes et sollicitait la condamnation des demandeurs à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, c’est-à-dire au titre des frais non compris dans les dépens, et notamment des frais d’avocat.

3°. Décision du juge.

Par une décision du 7 octobre 2020, le juge, statuant au fond, a retenu la responsabilité du Syndicat des copropriétaires.

Il l’a ainsi condamné à réaliser, dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement, les travaux préconisés par l’Expert judiciaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par ailleurs, le juge a également condamné le Syndicat des copropriétaires à verser aux copropriétaires la somme de 3 900 euros au titre de leur préjudice de jouissance, de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral, de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et a mis à la charge du Syndicat des copropriétaires les frais liés à l’expertise judiciaire.

La juridiction a cependant rejeté le surplus des demandes, tenant notamment à l’indemnisation des frais engagés au titre de l’établissement de procès-verbaux de constat.

II. Observations.

A) Sur la responsabilité du Syndicat des copropriétaires pour les nuisances résultant du fonctionnement des équipements collectifs d’un immeuble.

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis, en son article 18, paragraphe I, indique que

« le syndic, mandataire du syndicat des copropriétaires, est chargé de l’exécution des dispositions du règlement de copropriété ».

En matière de nuisances sonores, il résulte de ces dispositions que le Syndic, représentant du Syndicat des copropriétaires, doit, au regard des dispositions relatives à la lutte contre le bruit présentes au sein du règlement de copropriété, mettre en demeure les copropriétaires ou locataires à l’origine de nuisances, de les faire cesser.

Cependant, il ne s’agit pas là du seul rôle du Syndicat des copropriétaires dans le cadre de la lutte contre les nuisances sonores.

En effet, l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit que :

« [Le syndicat] a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.

Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».

Dans sa rédaction préalable à l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, cet article énonçait que :

« [Le Syndicat] a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d’entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».

Il résulte de ces dispositions que la responsabilité du Syndicat des copropriétaires peut être engagée en raison des dommages résultant des nuisances dues au fonctionnement des équipements collectifs de l’immeuble, et ce, peu important que ce dernier ait eu connaissance de la défectuosité de l’équipement en cause.

Le Syndicat des copropriétaires est ainsi responsable, à l’égard des copropriétaires, des dommages trouvant leur origine dans les parties communes de l’immeuble.

En l’espèce, les nuisances résultaient du système de chaufferie collective.

Le Tribunal a considéré le Syndicat des copropriétaires comme

« responsable des nuisances sonores constatées chez [les demandeurs] et ayant pour origine la chaufferie générale de l’immeuble, partie commune, qui dépass[ait] le niveau de pression acoustique du bruit limite fixé par l’arrêté du 14 juin 1969 ».

Sur ce point, la décision est conforme à une abondante jurisprudence en matière de bruits résultant des chaudières et autres chauffages, en tant qu’équipements collectifs [1].

Sur le fondement de la méconnaissance des dispositions applicables développées ci-dessous, le juge retient la responsabilité du Syndicat des copropriétaires et le condamne à réaliser, dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement, les travaux préconisés par l’Expert judiciaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il fait ainsi application de son pouvoir d’astreinte [2].

Les copropriétaires victimes de ces nuisances sonores ont ainsi obtenu des dommages et intérêts au titre de leurs préjudices de jouissance et moral, ainsi que 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

B) Sur la règlementation applicable aux bruits résultant du fonctionnement d’équipements collectifs.

S’agissant d’équipements collectifs, il est important de noter que les normes et les limites de bruits applicables sont distincts des autres équipements.

Dans cette décision, la juridiction saisie rappelle l’application dans le temps des différentes dispositions relatives aux nuisances résultant d’équipements collectifs.

En vertu de deux arrêtés du 30 juin 1999, les bruits provoqués par les équipements collectifs ne doivent pas dépasser 30 dB (A) dans les pièces principales (pièces destinées au séjour ou au sommeil) et 35 dB (A) dans les cuisines de chaque logement d’un immeuble collectif.

L’Expert s’était fondé sur ces dispositions dans son rapport. Cependant, la juridiction a décidé que ces dispositions n’étaient pas applicables au cas d’espèce.

En effet, elle a rappelé que ces dispositions n’étaient applicables qu’aux bâtiments d’habitation

« ayant fait l’objet d’une demande de permis, de construire ou d’une déclaration de travaux relative aux surélévations de bâtiments d’habitation anciens et aux additions à de tels bâtiments, déposée à compter du 1er janvier 2000 ».

Or, le permis de construire de l’immeuble en cause avait été délivré en 1959, puis modifié en 1960.

Cependant, la juridiction a refusé d’écarter le rapport d’expertise sur ce seul fondement, considérant que « les niveaux acoustiques de la chaufferie mesurés en décibels par l’expert [n’étaient] pas remis en cause ».

En effet, s’il appartient à l’Expert d’effectuer les mesures, de constater la gêne résultant du fonctionnement des équipements et de préconiser les travaux de nature à les faire cesser, il ne lui appartient pas de dire le droit.

La juridiction a poursuivi en indiquant que les dispositions de l’arrêté du 23 juin 1978, n’étaient, elles non plus, pas applicables.

Cependant, considérant que « les parties ne remet[aient] pas en cause l’applicabilité dans le temps [de l’arrêté du 14 juin 1969] », elle s’est appuyée sur ces dispositions aux fins d’interpréter les mesures de l’Expert.

Aux termes de l’article 3 de cet arrêté :

« Le niveau de pression acoustique du bruit engendré dans un logement par un équipement quelconque du bâtiment ne doit pas dépasser 35 décibels (A) en général, et 30 décibels (A) s’il s’agit d’équipements collectifs tels qu’ascenseurs et chaufferies ».

Le juge a rappelé également l’existence d’une tolérance légale de plus ou moins 3 dB (A), prévue par l’arrêté de 1969 et admise par la jurisprudence, pour tenir compte des incertitudes liées à toute mesure acoustique.

En l’espèce, les niveaux sonores mesurés par l’Expert étaient de « 35,6 décibels (A) dans la chambre 1 et de 38,3 décibels (A) dans la chambre 2 », soit supérieurs aux seuils de cet arrêté.

Ainsi, le juge a retenu la responsabilité du Syndicat des copropriétaires, et ce, alors même que

« les mesures effectuées sur place n’[avaient] pas permis d’identifier précisément le matériel de la chaufferie à l’origine des bruits constatés ».

En effet, les « nuisances sonores mesurées [provenant] en tout état de cause de la chaufferie, équipement collectif de l’immeuble », il appartenait au Syndicat des copropriétaires de réaliser les travaux préconisés par l’Expert, à savoir la « désolidari[sation] de tous les équipements et tuyauteries des parois de la chaufferie » ainsi que certains « travaux de reprise et de supportage des installations ».

Conclusion.

Cette décision illustre la possibilité, pour un copropriétaire, d’engager la responsabilité du Syndicat des copropriétaires pour faire cesser une nuisance sonore résultant du fonctionnement d’un équipement collectif.

Une fois la responsabilité du Syndicat des copropriétaires admise, la juridiction a pu ordonner la réalisation des travaux sous astreinte et la réparation des préjudices découlant des nuisances constatées.

Cette responsabilité, découlant de l’article 14 de la loi de 1965, permet au copropriétaire souffrant d’un bruit en provenance des parties communes d’en demander la cessation et la réparation au Syndicat des copropriétaires pour peu que le recours soit exercé dans un délai maximum de 5 ans.

Cette responsabilité ne doit cependant pas être confondue avec celle, en matière de logements neufs, des vendeurs et des promoteurs immobiliers au titre des nuisances résultant d’un défaut d’isolation acoustique du logement.

En effet, le premier occupant d’un logement peut engager la responsabilité du vendeur et du promoteur immobilier pour non-conformité de la construction aux exigences acoustiques, et ce, pendant un délai d’un an à compter de la prise de possession du bien.

Elle ne doit pas non plus être confondue avec la responsabilité décennale permettant à l’acheteur d’agir contre le constructeur, dans un délai de 10 ans, lorsque les défauts de l’isolation acoustique rendent l’immeuble impropre à sa destination.

Christophe Sanson, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine

[1Cass. 3ème civ., 28 mars 1990, Syndicat des copropriétaires de la résidence Sainte-Anne, n° 88-15.364 ; C.A. de Versailles, 3 mars 1995, S.A. Valentin, JurisData, n° 040708 ; C.A. Bastia, 10 sept. 2014, Bartolini, JurisData n° 023061.

[2C.A. Paris, 29 mars 1995, Syndicat de copropriété résidence Les Juliottes, n° 020842.