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Les libertés individuelles à l’épreuve de la loi SILT. Par Hélène Adnane, Avocat.
Parution : jeudi 17 décembre 2020
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Retour sur une loi controversée portant sur la Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT), dont le champ d’application ne cesse de s’élargir au profit d’une pérennisation de mesures d’exception dans le droit commun.

Le 17 juin 2020, Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, a présenté en Conseil des ministres un projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L851-3 du Code de la sécurité intérieure.

Ce projet de loi vise à proroger d’un an, du 31 décembre 2020 au 31 décembre 2021, des dispositions de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT », prises à la sortie de l’état d’urgence sous lequel vivait la France depuis près deux ans, et dont le législateur avait autorisé la mise en œuvre pour une durée limitée expirant le 31 décembre 2020.

Le Gouvernement a justifié la prolongation du dispositif mis en place par la loi SILT au-delà du 31 décembre 2020 en mettant en avant les circonstances d’urgence sanitaire actuelles qui ne permettraient pas au Parlement d’examiner ce projet de loi avant la fin de l’année 2020.

En première lecture à l’Assemblée, les députés ont limité la prolongation de ces dispositions au 31 juillet 2021.
De leur côté, les sénateurs ont voté la pérennisation dans le code de la sécurité intérieure (CSI) des mesures du dispositif de loi SILT sur les périmètres de protection, les fermetures de lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance et les visites domiciliaires et saisies.

Le Sénat a de surcroît renforcé l’information des autorités judiciaires sur les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, élargi les possibilités de saisies informatiques quand l’occupant des lieux s’y oppose et étendu le champ d’application de la mesure de fermeture administrative des lieux de culte à d’autres lieux connexes.

Le 22 octobre 2020, le texte a été étudié en commission mixte paritaire, les députés et sénateurs ne sont pas parvenus à un accord.
Le gouvernement a donc opté pour la procédure accélérée.

Le 16 novembre 2020, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi en nouvelle lecture en opérant certaines modifications.
Le texte doit désormais être examiné en nouvelle lecture par le Sénat qui devrait, au moins adopter le texte, sinon le renforcer, avant que celui-ci ne revienne en lecture définitive à l’Assemblée nationale.

Au regard de l’adoption annoncée du texte, il est nécessaire de s’arrêter sur la finalité et les conséquences de cette prorogation, et de s’interroger sur l’hypothèse envisageable d’une pérennisation au sein du droit commun des dispositifs qu’elle prévoit.

I. Des mesures d’exception en faveur de la prévention du terrorisme.

La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT » a doté l’État de nouveaux instruments de lutte contre le terrorisme en instituant certaines mesures de prévention, permettant ainsi de mettre fin au régime dérogatoire de l’état d’urgence.
Cette loi a introduit dans le droit commun diverses mesures inspirées des dispositions de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, afin d’assurer une sortie maîtrisée de l’état d’urgence décrété par le Conseil des ministres et prorogé par la loi à la suite des attentats de 2015.

1. Instauration de périmètres de sécurité.

Parmi ces mesures, l’article 1er de la loi donne compétence au préfet pour instaurer par arrêté des périmètres de protection sur le modèle des "zones de protection ou de sécurité" mises en place dans le cadre de l’état d’urgence. Ces périmètres de protection ayant vocation à s’appliquer dans des lieux identifiés comme cibles potentielles de la menace terroriste. Cette mesure permet au préfet de réglementer l’accès, la circulation et le stationnement des personnes dans ce périmètre de sécurité, afin de pouvoir assurer le filtrage des accès.

2. Fermeture de lieux de cultes et lieux connexes.

Le préfet s’est également vu attribuer une compétence accrue en matière de police avec la possibilité de prononcer la fermeture administrative, pour une durée ne pouvant excéder six mois, des lieux de culte pour appel à la violence, à la haine ou à la discrimination, provocation à la commission d’actes de terrorisme ou apologie de tels actes [1].

Le 14 octobre 2020, en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, le Sénat a étendu le champ de la mesure de fermeture administrative des lieux de culte à d’autres lieux connexes.

3. Mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS).

Selon l’article 3 de la loi, le ministre de l’intérieur peut décider des mesures de surveillance à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics en raison de ses relations avec des auteurs d’actes terroristes, ou de sa participation, de son soutien ou son adhésion à de tels actes. Ces MICAS sont l’équivalent des assignations à résidence prises dans le cadre de l’état d’urgence.

a) Restriction du champ de déplacement d’un d’individu.

Aux termes de la loi, le ministre de l’intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, restreindre le champ de déplacement de la personne mise en cause en instaurant un périmètre géographique déterminé, lui faire obligation de se présenter périodiquement aux services des forces de l’ordre, ou de déclarer son lieu d’habitation et tout changement de lieu d’habitation.

Ces obligations peuvent être prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre et renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions tenant à la considération motivée par le ministre de l’intérieur de la menace constituée par l’individu définie continuent d’être réunies.

Dans le cas où la durée cumulée de la mesure a atteint six mois, chaque renouvellement est alors subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée de la restriction de déplacement ou de l’obligation de déclaration du lieu d’habitation ou de changement de lieu d’habitation ne peut en principe excéder douze mois.

La loi prévoit que les mesures sont levées dès que les conditions à l’origine de leur mise en place ne sont plus réunies.

En revanche, l’obligation pour les personnes faisant l’objet de mesures de restriction de leur périmètre de placement de déclarer leurs numéros d’abonnement et identifiants électroniques a été supprimée en commission mixte paritaire.

b) La possibilité d’un placement sous surveillance électronique.

La loi prévoit la possibilité d’un placement sous surveillance électronique du mis en cause. La mise en place d’un tel dispositif étant toutefois subordonnée à son accord.

Ainsi, le ministre de l’Intérieur peut proposer à la personne faisant l’objet de la mesure de restriction de déplacement en dehors d’un périmètre géographique déterminé de la placer sous surveillance électronique mobile. Le ministre doit simplement en informer au préalable le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent.

En cas d’acceptation du dispositif par le mis en cause, celui-ci est astreint pendant toute la durée de la mesure au port d’un dispositif technique permettant à l’autorité administrative de d’assurer qu’il n’a pas quitté le périmètre géographique défini par l’autorité.

La durée du placement sous surveillance électronique mobile est décidée pour une durée équivalente à celle de la mesure de restriction de déplacement dans un périmètre géographique déterminé. La personne qui fait l’objet du dispositif peut néanmoins demander à ce qu’il y soit mis fin, elle peut alors être assujettie à l’obligation de se présenter au maximum une fois par jour aux services de police ou de gendarmerie.

4. Les visites domiciliaires et saisies.

Sur le modèle des perquisitions administratives ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence, la loi donne compétence au préfet pour faire procéder, sur autorisation du juge de la liberté et de la détention, à une visite de tout lieu pour lequel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne suspectée de terrorisme. Cette visite peut s’accompagner de la saisie de documents, objets, supports informatiques ou données qui s’y trouvent.

Les données informatiques et saisies peuvent être exploitées par les forces de de l’ordre après autorisation du juge.

Saisi d’une QPC sur les dispositions de la loi relatives aux visites domiciliaires, le Conseil constitutionnel dans sa décision de mars 2018 a validé le dispositif considérant que le législateur a strictement borné le champ d’application de la mesure et apporté les garanties nécessaires en assurant la conciliation entre d’une part l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public, et d’autre part le droit de propriété et notamment l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée, et la liberté d’aller et venir.

S’agissant des saisies et de l’exploitation des données informatiques, des documents et des objets au cours de ces visites domiciliaires, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les saisies de données et supports informatiques.

Les Sages ont néanmoins censuré les dispositions de la loi permettant la saisie au cours de la visite des documents et objets, estimant que l’équilibre entre l’objectif de protection de l’ordre public et le respect du droit de propriété n’était pas garanti compte tenu de l’absence de règle encadrant l’exploitation, la conservation et la restitution des documents et objets saisis.

II. Un dispositif attentatoire aux droits et libertés fondamentaux.

En raison du caractère durable du risque terroriste avec la multiplication des attentats sur le sol français ainsi qu’à l’étranger, et l’inquiétude qu’ils ont provoquée au sein de la population française, celle-ci avait plutôt bien accueilli les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence.

Pour autant, la loi SILT adoptée à l’issue de l’état d’urgence a suscité de nombreuses controverses depuis son entrée en vigueur, d’autant plus depuis la présentation par le ministre de l’Intérieur du projet de loi relatif à sa prolongation. Cette prolongation fait évidemment craindre une adoption pérenne de ces mesures attentatoires à nos libertés au sein du droit commun.

Le débat porte sur l’équilibre entre les droits garantis par notre Constitution qui constituent les valeurs de notre société et la nécessité de préserver l’ordre public en prévenant la menace terroriste.

Les quatre mesures phares de la loi SILT portent assurément atteinte à des droits et libertés essentiels constitutionnellement garantis.
En s’arrogeant de ces principes fondamentaux de notre droit, au détriment des valeurs fondatrices de notre République, le Gouvernement s’inscrit dans une volonté d’un Etat fort aux prérogatives renforcées en matière de sécurité.

1. Des prérogatives de police judicaire aux mains de l’administration.

C’est dans le prolongement de la compétence donnée aux préfets pour ordonner des contrôles d’identité et des fouilles dans le cadre de l’état d’urgence, que s’inscrivent les « périmètres de protection ». Si le contrôle des identités ne figure plus parmi les prérogatives offertes à l’administration dans le cadre de sa mission de prévention du terrorisme, la loi prévoit une extension à de nouveaux agents compétents pour procéder aux fouilles (police municipale, sécurité privée). Ceux-ci ont désormais également la possibilité d’expulser de l’espace public une personne qui refuserait de s’y soumettre. La force publique délègue ainsi à des agents privés de sécurité des pouvoirs relevant de sa seule compétence, alors même que ce dispositif s’analyse davantage comme un périmètre de surveillance que d’un périmètre de protection.

Les perquisitions administratives et saisies ordonnées par le Préfet dans le cadre de l’Etat d’urgence ont donné lieu aux visites domiciliaires prévues par la loi.
Rappelons que dans le droit commun, la perquisition est judiciaire. Elle consiste dans la fouille d’un lieu privé par des personnes habilitées par la justice, dans le but d’y trouver des preuves d’une infraction. Les forces de l’ordre agissent dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire et doivent rendre compte des résultats au Procureur de la République ou agir sur commission rogatoire du juge d’instruction en fonction du type de procédure.
Les mesures mises en place par la loi SILT ne diffèrent guère de celles prévues dans le cadre de l’état d’exception, sauf à considérer l’intervention d’un juge pour l’autoriser, et la suppression de la possibilité pour les forces de l’ordre agissant dans un cadre préventif de saisir des objets au cours des visites. Les préfets ont donc toujours compétence pour ordonner des visites domiciliaires qui s’assimilent clairement à des perquisitions administratives sous couvert d’une autorisation judiciaire qui, en réalité, ne vaut guère plus qu’une simple validation des seuls motifs invoqués par l’administration.

Sur le modèle des assignations à résidence prononcées dans la cadre de l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur est désormais compétent pour restreindre le champ de déplacement des individus sur la base de simples soupçons laissés, au sens de la loi, à la seule discrétion de l’exécutif. Celui-ci n’est guère tenu de soumettre sa décision à un juge judiciaire pour obtenir l’autorisation du dispositif, la simple information du Procureur suffisant.

Ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la prévention du terrorisme sous couvert du principe de précaution et ce, en dépit du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. La loi SILT met à profit de l’administration les instruments et moyens judicaires dans la réalisation de sa mission de police. Les pouvoirs relevant de l’autorité judiciaire confiés ainsi aux autorités exécutives sont d’une nature particulièrement intrusive ou privative de droit.

Cette situation met évidemment en péril le droit à la sûreté de chaque individu : la norme pénale empiète sur le domaine de la police administrative par les incriminations et interventions préventives, ce qui favorise une police administrative clairement répressive aux pouvoir toujours plus étendus.

2. Une atteinte au principe de légalité.

a. Des critères flous.

Les nouvelles compétences attribuées aux autorités administratives s’inscrivent dangereusement dans une logique spéculative qui fait légitimement craindre le risque d’arbitraire.

Le texte ambitionne de pérenniser des dispositifs mettant en cause des individus sur la base de critères flous en incriminant des « comportements non conformes », « l’appartenance à l’entourage de personnes ou d’organisations, l’adhésion, même privée, à des idées ou doctrines religieuses », en invoquant comme motifs des « raisons sérieuses » laissées à l’appréciation subjective de l’exécutif, pour imposer des mesures.

La loi s’inscrit ainsi d’autant plus dans une logique de soupçons qu’elle permet la mise en place de ces dispositifs sans obtention de preuve en amont de la participation de l’individu mis en cause à une infraction supposée. Certains critères légaux de mise en accusation des individus sont même inopérants, car il serait par exemple impossible pour l’administration de prouver par des éléments objectifs la seule adhésion à une thèse terroriste, celle relevant de la sphère privée.

Les motifs d’application des mesures de prévention prévus par la loi ne reposent pas sur des actes positifs d’infraction à la loi pénale mais seulement sur des comportements, attitudes, des convictions, des relations habituelles, ce qui crée inévitablement les conditions de la dérive prédictive.

La logique putative du texte de loi se faisant au détriment de l’exigence de griefs matériels concrets ne satisfait aucunement à l’exigence de clarté et de prévisibilité des textes découlant du principe de légalité.

b. Des garanties judiciaires de façade.

La loi prévoit des interventions judiciaires dans le cadre des recours aux mesures qu’elle reprend de l’état d’urgence, pour autant, le contrôle censé être opéré est largement illusoire.

L’action judiciaire dans le cadre des MICAS et du périmètre de sécurité tient dans la seule information du Procureur de la République de la mesure mise en place, cela étant déjà le cas dans le cadre de l’état d’urgence. Pour autant, cette information repose davantage sur des considérations pratiques opérationnelles que sur un principe de garantie de sauvegarde des libertés individuelles. Il n’est pas même utile de rappeler le manque d’indépendance des magistrats du parquet qui sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des Sceaux.

S’agissant des visites domiciliaires, le mécanisme est demeuré le même que dans le cadre de l’état d’urgence à l’exception de l’introduction du juge des libertés et de la détention. L’intervention a priori d’un juge indépendant devrait en principe restreindre le pouvoir de l’administration, cependant, le contrôle du juge s’opère sur des bases et dans des conditions qui ne permettent l’exercice d’une telle restriction. En effet, celui-ci est censé valider les mesures prises par l’administration, or, celle-ci agit en dehors de toute considération de la norme pénale en poursuivant sa logique préventive.

Le juge n’est pas en mesure d’exercer un contrôle des mesures en veillant au respect des garanties des libertés individuelles, quand celles-ci sont déjà bafouées par le texte de loi.

3. Un risque de discrimination.

Le défaut de clarté et de prévisibilité de la loi entraîne inévitablement un risque de stigmatisation d’une partie de la population.
En « incriminant » des « comportements non conformes », la « radicalisation » supposée, « l’appartenance de l’entourage […] à des idées », la loi génère un risque d’arbitraire au préjudice d’une partie de la population.

Les critères flous d’appartenance radicale à un culte, sans que la radicalisation ne soit définie par des critères et des éléments constitutifs précis, fait peser sur chaque individu un risque de mise en cause sur la base de sa seule obédience. Celle-ci relève de la sphère privée, et n’est au stade de l’intervention de l’administration qu’un facteur putatif de passage à l’acte, qu’il conviendrait de neutraliser à la source en exerçant sur l’individu une pression suffisamment forte pour le dissuader de commettre une infraction hypothétique, fondée sur aucun élément matériel ou intentionnel.

La logique prédictive de l’administration dans la mise en application de cette loi, censée n’être que temporaire, a d’ores-et-déjà produit des indices d’un risque sérieux de dérive arbitraire.

En octobre dernier, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, Professeur d’Histoire-Géographie dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine, Gerald Darmanin, ministre de l’Intérieur, interrogé par des journalistes sur Europe 1, déclarait que des opérations de police avaient été lancées contre « des dizaines d’individus évoluant dans la mouvance islamiste ».
Celui-ci précisait que ces opérations concernaient des « dizaines d’individus » qui n’avaient pas un « lien forcément avec l’enquête mais à qui [le Gouvernement avait] manifestement envie de faire passer un message : (…) pas une minute de répit pour les ennemis de la République ».

Le ministre de l’Intérieur évoquait donc sur un ton vindicatif sa volonté d’effrayer une partie de la population sur la base de la nature et la pratique de son culte, et en l’absence de tout lien avec les faits tragiques survenus quelques jours plus tôt.

Par cette déclaration, l’exécutif a prouvé une nouvelle fois que les moyens judiciaires mis entre les mains de l’administration créent inévitablement un risque d’arbitraire pour une partie de la population sous couvert du principe de précaution.

En conclusion, le projet de loi SILT procède bien à la normalisation de l’état d’exception en diffusant dans le droit permanent ses mesures d’urgence. Cette normalisation de l’état d’urgence constitue un risque pour les libertés individuelles et fait craindre un effet d’échelle dans les pouvoirs attribués à l’administration à mesure que la menace terroriste perdure sur le territoire national.

Face à ce constat, on ne peut que redouter l’effet de cliquet ou l’évolution négative des droits et libertés individuels.

Ce traitement des libertés est pernicieux, il aboutit à une dégradation irréversible des valeurs de la République. L’Etat de droit ne saurait subsister face à l’état d’exception qui met en péril le droit à la sûreté de chaque individu.

En tout état de cause, l’émotion n’a pas seulement surpassé les règles juridiques, elle les a dégradées.

Hélène Adnane Avocat au barreau de Paris

[1Article 2 de la loi, article L227-1 du Code de la sécurité intérieure.