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Trois bonnes raisons de devenir (encore) Docteur en droit.
Parution : mercredi 6 janvier 2021
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Le doctorat en droit, un sacerdoce, un sacrifice, une vie monastique, avec pour seule perspective celle de continuer à hanter les couloirs d’une faculté de droit en tant qu’enseignant ?
Si c’est la vision que vous en avez, vous faites clairement fausse route ! Laissez de côté vos préjugés et prenez le temps de lire ces témoignages finement rédigés de trois doctorants aussi enthousiastes que convaincants.

Sara Hincapié Cubides, Doctorante contractuelle - Université de Strasbourg.

1) Acquérir une expertise.

Le travail de recherche qu’implique la production d’une thèse permet au doctorant d’acquérir une connaissance approfondie de son sujet d’étude, et ce faisant, une véritable expertise. C’est cette expertise qui lui permet de s’exprimer par la suite avec une légitimité pleine et entière sur son sujet de recherche dans le cadre de colloques, de conférences ou de publications et d’acquérir progressivement une reconnaissance dans le milieu académique.

Le travail de recherche développe également une pensée critique qui est fortement valorisée par les universités et centres de recherche, mais aussi par des organisations publiques et privées qui cherchent des spécialistes pour la direction de leurs projets.

L’expertise acquise se traduit également par la capacité avérée à rédiger des documents qui nécessitent un raisonnement juridique complexe, tout comme par le développement de capacités analytiques particulièrement précieuses dans le monde du travail.

Sara Hincapié Cubides

2) Travailler en toute liberté et indépendance.

Les chercheurs doctorants sont libres en termes d’emploi du temps et indépendants dans le développement de leur travail intellectuel.
Ils peuvent travailler selon leurs propres horaires et sans contraintes externes quotidiennes ce qui leur évite des situations de stress supplémentaires à celles que tout travail régulier comporte. Grâce à cette liberté ils apprennent de manière autonome l’art de la discipline et de la rigueur. Ils sont également indépendants dans le développement de leur ligne de recherche et dans l’élaboration générale du travail qu’ils produisent. Ils profitent du privilège de travailler sur des sujets qui leur tiennent à cœur et qu’ils ont eux-mêmes choisis.

3) L’écriture est un travail sur soi.

"Nous apprenons à défendre notre pensée comme un acte réel de liberté."

La recherche est un exercice qui implique de la patience, de la rigueur, de la constance et de la discipline. Nous acquérons ces qualités peu à peu et au fur et à mesure de l’avancement de notre travail. L’acte d’écrire, en tant qu’exercice solitaire, développe également la concentration, un sens critique aigu, la persévérance et la capacité à surmonter de manière autonome des moments de doute ou de peur face notamment à ce que nous appelons « le syndrome de la page blanche ». Nous apprenons également à suivre notre intuition intellectuelle, à renoncer à certaines idées mais à en défendre d’autres avec ténacité et rigueur scientifique et surtout, à défendre notre pensée comme un acte réel de liberté.

Laszlo Van Daal, Doctorant - Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

1) La chance de pouvoir vivre une expérience intense.

Aujourd’hui, les étudiants connaissent très tôt le système de la spécialisation. D’abord à travers les filières du baccalauréat au lycée puis le choix des matières en licence et, enfin, le choix des spécialités en master. Ainsi, plus l’on s’approche de la fin du cursus universitaire, plus se développe le sentiment de donner du sens aux enseignements et plus l’on se passionne pour des thématiques spécifiques. La thèse est l’acmé de ce cheminement, l’une des rares occasions de se saisir pleinement d’un sujet passionnant et de s’y investir.

L’engagement que suggère l’entreprise d’une thèse porte en lui son lot de questionnements, de doutes et parfois de frustrations. Cependant, si le doctorat relève parfois du parcours du combattant, il n’en demeure pas moins une expérience intense pendant laquelle le jeune chercheur façonne son sujet au gré de ses recherches.

Laszlo Van Daal

2) Le champ des possibles.

Trop souvent, au détour d’une conversation avec des étudiants, ressurgit le postulat selon lequel le doctorat serait un chemin vers une unique destination : l’enseignement. Cette vision est assez largement répandue en droit ainsi que dans le reste des sciences humaines et sociales. Ce n’est pourtant pas le cas pour les sciences de la nature et les sciences formelles dans lesquelles le doctorat ouvrirait a priori davantage de perspectives.

Néanmoins, il existe des issues professionnelles différentes pour les juristes. L’exemple le plus répandu de professionnalisation post-doctorat, hors carrières universitaires, est sans doute le cas du docteur-avocat. Le doctorat en droit présente également un accès alternatif à la magistrature et à la haute fonction publique.

"La technicité et les savoirs des chercheurs en droit sont désormais pleinement valorisables."

Par ailleurs, les finalités du doctorat en droit évoluent. À l’instar des docteurs en sciences formelles, les docteurs en droit peuvent désormais prétendre à une valorisation de leurs recherches et de leurs diplômes dans le secteur privé à travers des activités de R&D, mais pas seulement. La technicité et les savoirs des chercheurs en droit sont désormais pleinement valorisables au-delà de la recherche et du développement. En effet, la mutation du rôle du juriste au sein des organisations le pousse à devenir un acteur stratégique dont le champ d’action se déploie à 360°. Dans ce contexte, où le juriste devient l’interlocuteur privilégié des fonctions support ; le docteur peut prétendre à des responsabilités nouvelles.

Enfin, il n’est pas exclu de penser qu’en suivant les mêmes schémas de carrières que les docteurs en sciences formelles, les chercheurs en droit puissent emprunter la voie de l’entrepreneuriat.

3) La nouvelle dimension des champs et des méthodes de recherche.

Les universités, les laboratoires de recherche ainsi que certaines institutions prennent la mesure des mutations actuelles dans le monde du droit. Les sujets et les méthodes de recherche évoluent et tendent ainsi à attirer de nouveaux candidats au doctorat qui seraient intéressés par la recherche mais qui n’auraient pas de prétentions particulières en matière d’enseignement. Ainsi, les recherches dites « de terrains » sont mieux valorisées qu’auparavant. Les méthodes de recherches dites empiriques sont donc encouragées et permettent au jeune chercheur d’évaluer ses travaux à l’aune de la pratique. Ce renouveau, encore timide, et pas toujours assumé par les universités, participe pourtant au décloisonnement du chercheur en droit qui lui a tant été demandé.

Emilie Hoareau-Cotte, Doctorante en deuxième année de thèse - Université de Strasbourg.

Il faut être honnête, se lancer dans une aventure doctorale est loin d’être un long fleuve tranquille. C’est un long travail solitaire d’autant plus difficile en l’absence de financement. S’il faut être pleinement conscient de ces difficultés, il ne faut pas négliger toutes les bonnes raisons de choisir cette voie.

Emilie Hoareau-Cotte

1) Le doctorat offre la liberté de mener à terme un projet passionnant.

Le doctorat offre la possibilité de s’investir librement sur un thème qui nous anime. Passionnée par les droits de l’Homme, j’ai - en prime - la chance de travailler sur un thème qui m’est cher en tant que réunionnaise : la lutte contre les formes graves d’exploitation (esclavage, servitude, traite des êtres humains, travail forcé…). Les années de doctorat offrent une stimulation intellectuelle sans pareille.
Outre la liberté intellectuelle, le doctorat offre une grande liberté au quotidien. Le doctorant peut choisir ses horaires et son bureau. Il n’est plus obligé de rester cloitré à la bibliothèque. La documentation est ligne est si vaste qu’il est possible de travailler depuis n’importe quel endroit du monde qui dispose d’un accès internet. Ce sont des conditions de travail assez rares pour être soulignées.

2) Le doctorat permet de contribuer à l’intérêt collectif.

"Les chercheurs sont liés par un objectif commun, celui de l’amélioration du droit dans nos sociétés."

Le doctorat est loin d’être aussi solitaire qu’on le pense. Les échanges avec son directeur de thèse sont toujours très stimulants, de même que la participation à des colloques ou à des publications collectives. Les chercheurs sont liés par un objectif commun, celui de l’amélioration du droit dans nos sociétés. En contribuant à l’œuvre doctrinale, le doctorant participe ainsi à quelque chose de plus grand.

3) Le doctorat mène à des projets professionnels divers.

En France, le doctorat en droit rime souvent avec professorat. Il est vrai que le doctorat est le passage obligatoire pour ceux qui veulent embrasser une carrière d’enseignant-chercheur. Néanmoins, le doctorat permet d’autres débouchés professionnels : haute fonction publique, organisations internationales, entreprises, magistrature, avocature... Le docteur, titulaire du plus haut grade en droit, a tellement de compétences à faire valoir.

Personnellement, j’ai toujours voulu transmettre mon goût pour les droits de l’Homme, alors comme beaucoup de doctorants je me dirige vers une carrière universitaire. Cependant, mes ambitions académiques n’ont jamais été incompatibles avec envie de devenir également avocate. A ce titre, c’est avec plaisir que je suis devenue co-responsable de l’antenne strasbourgeoise de l’Association Nationale des Avocats et élèves-avocats Docteurs en droit (ANAD). La valorisation du diplôme de doctorat est notre priorité : toutes les raisons sont bonnes pour s’engager dans cette voie !

Rédaction du Village de la Justice
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