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La tentative de médiation comme préalable à toute saisine du Tribunal Judiciaire. Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : lundi 4 janvier 2021
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Depuis le décret n°2019 -1333 du 11 décembre 2019, le demandeur à une action en justice doit justifier, avant de saisir la juridiction, d’une tentative amiable de médiation.
La nouveauté est la généralisation de l’obligation préalable d’avoir recours à la conciliation et la médiation.
Il est donc clair que toutes les mises en demeure, assignations et toutes les requêtes doivent y satisfaire depuis le 1ᵉʳ octobre 2023.
Article actualisé par son auteur en mars 2024.

L’article 750-1 du Code de procédure Civile prescrit une tentative amiable préalable obligatoire avant toute saisine du juge.

Le décret n°2023-357 du 11 mai 2023 s’applique pour les demandes en justice introduites à compter du 1ᵉʳ octobre 2023.

Quel est le principe posé par l’article 750-1 du Code de Procédure Civile, issu du décret du 11 décembre 2019 ?

Quel est le principe posé par l’article 127 du Code de Procédure Civile, issu du décret du 27 novembre 2020 ?

Quel est le principe posé par le décret du 11 mai 2023 ?

I - Le principe posé par l’article 750-1 du Code de Procédure Civile issu du décret du 11 décembre 2019.

Le demandeur doit justifier, préalablement à toute saisine du juge, d’une tentative de règlement amiable, à peine d’irrecevabilité, que le juge pourra relever d’office.

Ce principe ne s’applique qu’aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Il est donc applicable aux instances en cours à cette date et aux nouvelles instances introduites pendant la crise sanitaire :
1 - Lorsque la demande en justice tend au paiement d’une somme inférieure ou égale à 5 000 euros ;
2 - Lorsqu’elle est relative aux litiges de voisinage.

Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1- Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2 - Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3 - Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;
4 - Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

II- Le principe posé par l’article 127 du Code de Procédure Civile issu du décret du 27 novembre 2020.

L’article 127 du Code de Procédure Civile est modifié pour tenir compte de la nouvelle rédaction de l’article 54 du même Code qui exige désormais des parties qu’elles justifient des diligences accomplies pour parvenir à une résolution amiable du litige uniquement lorsque la demande doit être précédée d’une tentative de conciliation, médiation, procédure participative en application de l’article 750-1 du Code de Procédure Civile.

S’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux dispositions de l’article 56, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.

Que faut-il comprendre hors les cas prévus par l’article 750-1 du Code de Procédure Civile issu du décret du 27 novembre 2020 ?

Ainsi, il est désormais prévu qu’hors les cas prévus à l’article 750-1 du Code de Procédure Civile, le juge peut proposer aux parties qui ne justifieraient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige, une mesure de conciliation ou de médiation.

Aucune action ne saurait donc échapper à l’obligation préalable d’y avoir recours.

III - Le principe posé par le décret du 11 mai 2023.

La tentative amiable préalable obligatoire s’impose-t-elle même en référé ?

La tentative amiable préalable obligatoire s’impose-t-elle en présence d’une clause de médiation ?

1° - La tentative amiable préalable obligatoire s’impose même en référé.

La tentative amiable préalable obligatoire prévue à l’article 750-1 du Code de Procédure Civile s’impose même dans le cadre d’une procédure de référé [1].

Pour en être dispensé, il peut être justifié d’une urgence manifeste.

Le juge ne peut relever d’office la nullité pour défaut de mention de la tentative dans l’acte introductif d’instance, étant donné qu’il s’agit d’un simple vice de forme.

Alors que le résultat des travaux et réflexions menés dans le cadre des États généraux de la Justice pourrait inciter à une extension du domaine des tentatives amiables obligatoires, il est intéressant de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation qui s’emploie à en définir le régime.

Dans un arrêt de sa deuxième chambre civile du 14 avril 2022, la Cour de cassation précise en effet le domaine et la sanction de la tentative amiable préalable obligatoire imposée à l’article 750-1 du Code de Procédure Civile.

Ce texte oblige à recourir, au choix des parties, à une conciliation, une médiation ou une procédure participative avant la saisine du tribunal judiciaire pour les demandes en paiement, à peine de nullité.

2°- La tentative amiable préalable obligatoire s’impose en présence d’une clause de médiation.

La Cour de Cassation a rendu le 1ᵉʳ février 2023 un arrêt qui réaffirme le principe que le non-respect d’une clause de médiation dans un contrat constitue une fin de non-recevoir et non pas une exception de procédure [2].

Dans cette affaire, les associés d’une société française, avaient conclu un protocole d’accord qui prévoyait qu’en cas de litige, les parties recourraient préalablement à une procédure de médiation, et en cas d’échec, à l’arbitrage CMAP.

Toutefois, dans le cadre d’un différend né de ce protocole, le Tribunal arbitral a été directement saisi, sans que la clause de médiation n’ait été mise en œuvre par les parties.

Le non-respect d’une clause de médiation est donc une question de recevabilité et non de compétence.

La Cour de cassation confirme sa jurisprudence : la violation d’une clause de médiation, comme toute autre question de recevabilité relève de la seule appréciation de l’arbitre et échappe au contrôle du juge de l’annulation sur le fondement de l’article 1492-1 du Code de Procédure Civile [3].

La même solution est retenue en matière d’arbitrage international : une clause de règlement amiable n’est pas une exception d’incompétence. Il s’agit d’une question de recevabilité qui n’est pas de nature à ouvrir la voie à un recours en annulation sur le fondement de l’article 1520 du Code de Procédure Civile [4].

Références :

ORF n°0288 du 12 décembre 2019
Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile
Voir du même auteur le guide pratique détaillé de cette réforme.
Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile
Arrêt Cass. 3ème civ.,19 mai 2016, n°15-14-464
Arrêt CA Paris, 28 juin 2016, n°15-03504
Arrêt CA Paris, 29 janvier 2019, n°16-20822
Arrêt Cass. 2e civ., 14 avr. 2022, n° 20-22886, Sarl d’exploitation de l’Institut européen des langues c/ Mmes J. et K., F–B (cassation TJ Paris, 18 sept. 2020)
Arrêt Cass. 1ère civ., 1er février. 2023, n° 21-25024 Mme Dupon et a c/ M. Dupon et a.)

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

[1Cass. 2e civ., 14 avr. 2022, n° 20-22886, Sarl d’exploitation de l’Institut européen des langues c/ Mmes J. et K., F–B (cassation TJ Paris, 18 sept. 2020).

[2Cass. 1ére civ., 1er février. 2023, n° 21-25024 Mme Dupon et a c/ M. Dupon et a.).

[3Arrêt Cass. 3ème civ ,19 mai 2016, n°15-14-464.

[4Arrêt CA Paris, 28 juin 2016, n°15-03504 ; Arrêt CA Paris, 29 janvier 2019, n°16-20822.