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[Algérie] Qualification juridique de la clause "take or pay" en droit des contrats. Par Samir Boukider, Avocat.
Parution : mardi 5 janvier 2021
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Réputée par les institutions de financement de projets ainsi que les vendeurs la disposition contractuelle la plus importante, car la clause (« take or pay ») ou selon la traduction française, clause « d’enlèvement ferme ou obligation de paiement » est là pour tracer l’avenir du contrat des parties contractantes et définir les conséquences pécuniaires qui y en résultent. La clause est omniprésente dans chaque type de contrat international, voire national, de moyen ou long durée pour l’achat et la vente d’énergies, notamment le gaz naturel et le gaz naturel liquéfié (GNL).

En effet, si l’intérêt qui se proclame, sans aucun doute, derrière l’usage de la clause est façonné non moins qu’une modalité au profit du vendeur par laquelle garantit un revenu stable et ininterrompu (« main-stream revenue ») durant toute la vie de l’investissement. En parallèle, elle assure efficacement l’acheteur de l’approvisionnement en énergie pour faire tourner en marche son usine ou sa centrale électrique ou alimenté le réseau de distribution d’énergie qu’opère l’acheteur à travers ses sous-acquéreurs.

Même la pratique nous renseigne beaucoup sur l’utilisation fréquente et le recours presque systématique à ce genre de clause, surtout s’il s’agit d’achat et de vente de matières premières de source fossile. Toutefois, sa qualification juridique, à la différence du contrat dont elle dépend, demeure gravement méconnue en droit algérien et la pratique judiciaire des tribunaux étatiques.

En outre, pour une meilleure appréhension du sujet tant sur le volet académique que pratique, le passage ci-dessous est un échantillon de quoi ressemble une clause (« take or pay ») dans un contrat d’achat et de vente de gaz naturel (« Sale and purchase of gas contract ») :

« Enlever ou payer - obligations de l’acheteur :

Obligation de paiement :

11.1 Au cours de chaque Année Contractuelle, l’Acheteur enlèvera et paiera le Vendeur conformément à la Clause 10.2, ou paiera le Vendeur si elle n’a pas enlevé, une quantité de Gaz Naturel (la Quantité à Enlever ou Payer) qui sera calculée pour chaque Année Contractuelle de la manière indiquée à la Clause 11.2.
11.2 La Quantité à Enlever ou à Payer pour chaque Année Contractuelle sera déterminée selon la formule suivante :...
 »

1. Définition de la clause « take or pay » :

Il n’y a pas une définition de la clause (« take or pay »), ce n’est qu’à travers le but recherché de son insertion par les parties dans des contrats très particuliers, nous pouvons distinguer en revanche ses principaux traits.

Ainsi, elle consiste à ce que :
(i) Le vendeur s’engage envers l’acheteur à mettre à sa disposition la quantité convenue de gaz naturel, et

(ii) L’acheteur s’engage envers le vendeur par une obligation de paiement assortie d’une option d’enlèvement des quantités ou non :

(a) de payer le prix correspondant à certaines quantités convenues de gaz naturel et de prendre la livraison de ces quantités, (c’est-à-dire le prix et la quantité à enlever sont déterminés à la date de la conclusion du contrat), soit

(b) de payer le prix indépendamment du fait qu’il prenne la livraison des quantités convenues ou non.

Le maintien de l’équilibre des engagements réciproques découlant du contrat, requiert que le fardeau des préoccupations financières du vendeur imputables à la nature et l’envergure de l’investissement met en place, d’un côté, dicte à l’acheteur un devoir de paiement (pas assez exacte de celui du vendeur en terme du montant, seulement environ la fin de cycle du projet l’atteindra), pendant toute la durée du contrat de l’autre côté.

Ce paiement est calculé sur une quantité déterminée à titre annuelle ou mensuelle prévue contractuellement.

2. L’étendu des investissements en matière de commercialisation des énergies fossiles opèrent un choix quasi-automatique pour ce genre de clause :

2.1 Généralités :

Les généralités ci-dessous ont été évoquées de manière générale, non exclusivement à l’activité aval (« up-stream ») où apparaît avec insistance l’importance des contrats type (« take or pay »).

Ainsi, l’industrie de l’énergie eux égards à la nature hautement capitalistique nécessitant l’injection de plusieurs centaines millions de dollars, voire plus dans certains projets intégrés, associé avec le coup de chance en cas de découverte fortuite du gaz ou de pétrole, constitue un champ d’expérimentation parfait à l’effet de tester les paradigmes sur lesquels ces coûts et risques sont définis, le cas échéant, laquelle des parties au contrat incombe d’y prendre la charge.

Ce risque de partage des coûts peut être décerné, au moment de la signature du contrat de partage de production entre la société étatique, détentrice de permis d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures, avec ses partenaires étrangers, à leurs tour, détenteurs de capitaux, la technologie et l’expertise nécessaires pour ce type d’opérations, ou, à une étape ultérieure, en cas de découverte gazeuse ou pétrolière, néanmoins avant d’entamer la phase de développement des gisements contenus la découverte.

Afin d’éliminer toute confusion, il est important de préciser que ce partage de risque ne prend nullement la formule de (« take or pay »), mais en générale il est sous la forme de « coût gazier et profit gazier » (« Cost Gas - Profit Gas », un mécanisme très répandu dans les contrats de partage de production. En résumé, ce mécanisme prévoit que les parties dudit contrat sont éligibles à récupérer premièrement leurs coûts gaziers encourus pendant les périodes de la recherche et le développement, dont la durée pour aller jusqu’à 10 ans après la date de (1st gaz). Une fois les coûts gaziers sont amortis, le gaz extrait et produit après la dernière année de la récupération de ces coûts, sera distribué en tant que profit gazier entre les parties pour le reste des années de la validité dudit contrat.

2.2 Maturation du projet et souci de commercialisation du gaz extrait :

Donc, c’est à la suite d’une découverte majeure en gaz naturel et commercialement exploitable des gisements que les soucis de la commercialisation du produit gazeux extrait du sous-sol attirera tout le mérite des parties au contrat de partage de production que ce soit de la société nationale (détentrice du permis d’exploitation) ou des partenaires étrangers. Ces derniers, en sus de leurs parts acquises qui leurs reviennent de droit d’après le contrat de partage de production, ils deviendront aussi des acheteurs privilégiés de la société nationale.

Cette fois-ci, la société nationale en tant que vendeur voudra à tout prix se mettre à l’abri au vu de l’investissement initial lourd en capital requis pour l’achèvement du projet, s’agissant d’un domaine caractérisé par la forte volatilité des prix sur le marché international. La clause (« take or pay ») représente une combinaison irremplaçable pour se couvrir.

Et d’ajouter, le caractère irréversible du choix opéré du projet, dont la réalisation s’étalera sur plusieurs années de travail laborieux afin d’y arriver à la mise en service (1st gas). Ce facteur corrobore avec l’inexistence d’arguments économiques pertinents par le biais desquels convaincre le vendeur (propriétaire du projet) de la possibilité de convertir l’exploitation de telles infrastructures gigantesques à une autre activité industrielle similaire ou proche, une fois l’exploitation du sous-sol arrivera à son terme.

Tous ces facteurs induisent inéluctablement à un risque de rupture des pourparlers avant même le commencement du projet. Ce qui explique que la tarification du produit extrait du sous-sol soit le résultat de longs accords bilatéraux en amont et en aval pour la plupart des projets énergétiques qui séduirait le vendeur de participer à cette aventure géologique et industrielle.

2.3 Activité auxiliaire à la production de l’énergie attachée à la clause (« take or pay ») :

Sans oublier également un autre domaine auquel la clause (« take or pay ») apparaît avec rigueur et force, puisqu’ elle constitue la pierre angulaire de l’architecture des documents contractuels du projet, celui dans les contrats dits (Build - Operate - Transfer « BOT ») pour l’édification des usines de production d’énergies (dessalement de l’eau de mer, génération de l’électricité...etc.).

De même, le capital injecté dans la société de production pendant toute la phase de la construction et le développement du projet par les investisseurs institutionnels et/ou privés, en échange, ces acteurs attendent évidemment à ce que le retour sur leurs investissements soit sécurisé par un revenu stable et régulier dégager tout au long de la durée de vie du projet.

3. Le fonctionnement contractuel de la clause take or pay :

Tel que mentionné ci-dessus, la clause (« take or pay ») se focalise autour d’un point essentiel, celui d’imposer une obligation irrévocable, endossée par une garantie bancaire à première demande, à l’encontre de l’acheteur à enlever une certaine quantité prévue dans le contrat au prix fixé dans ce même contrat ou à l’exercice de son option à ne pas enlever. A toutes fins utiles, le contrat doit contenir un mécanisme par lequel la quantité minimum annuelle ou mensuelle est déterminée.

Dans la pratique, en plus des dispositions contractuelles générales usuelles, chaque contrat d’achat et de vente de gaz naturel doit impérativement prévoir les dispositions applicables, notamment aux éléments suivants :
- Quantité globale du contrat (QGC),
- Quantité annuelle contractuelle (QAC),
- Quantité annuelle contractuelle minimale (QACM),
- Nomination des quantités (NQ),
- Prix de vente contractuel (PVC),
- Périodicité,
- Défaut d’enlèvement des quantités (DEQ),
- Rattrapage des quantités non enlevées mais déjà payées (« Make-up »),
- Défaut de livraison.

Il est utile de souligner que la référence à la QACM se précise en grande partie de la stratégie adoptée par chaque partie pendant la phase de négociations commerciales. Notion une fois convenue, diminue pratiquement la QAC, la base sur laquelle le prix est calculé.

De même, le rattrapage (« Make-up ») disposition clé, de sorte qu’elle dénote l’existence d’un equilibrium au sein du contrat. Elle permet, en conséquence, à l’acheteur de récupérer les quantités de gaz naturel non-enlevées, mais dont le prix a été payé au vendeur, pourvu que la demande de rattrapage soit formulée par l’acheteur dans un délai convenu par les parties.

Bien entendu, le contrat doit être explicite sur les conditions d’utilisation du rattrapage, car le prix de la quantité déjà payé, mais non enlevée, va surement subir des fluctuations dues à l’influence du marché et sera par syllogisme différent de celui du prix de la quantité du gaz naturel à la date de la demande de rattrapage.

Par ailleurs, l’obligation principale de l’acheteur résultant de la clause (« take or pay ») est amorti en quelque sorte par quelques évènements, dont le contrôle échappe du pouvoir de ce dernier et pour lesquels en cas de survenance exonérant l’acheteur de l’obligation (que ce soit d’enlèvement ou de paiement). Dans ce contexte, on cite :

Le défaut de livraison par le vendeur pour permettre à l’acheteur d’enlever les quantités convenues contractuellement (« Delivery failure ») :

Dans ce domaine particulier, il n’est pas surprenant du tout d’en imaginer et prévoir en parallèle à l’obligation de l’acheteur d’enlever les quantités, une autre obligation croisée, tendant cette fois-ci a sanctionné le vendeur pour défaut de mettre la quantité convenue à la disposition de l’acheteur, sous forme de fourniture ferme ou obligation de paiement (« supply or pay »).

Le défaut de qualité du gaz fourni (« Off-specification ») :

Il arrive quelquefois que le vendeur, quand bien même, honore ses engagements de fourniture des quantités convenues, mais compte tenu de la mauvaise qualité de gaz naturel fourni, exonère automatiquement l’acheteur d’enlever la quantité ou de payer le prix.

Devant cas pareille, l’acheteur ne veut pas dire qu’il doit exhiber que la quantité est de mauvaise qualité, de façon qu’elle prive le vendeur de changer la destination de la cargaison vers un autre acheteur. Au contraire, il est nécessaire seulement de prouver, par exemple, que la quantité fournie ne répond pas aux normes et standards convenus du gaz utilisé pour le fonctionnement de son usine.

La force majeure :

Si à l’impossible nul n’est tenu, il s’ensuit que la force majeure peut aussi neutraliser momentanément la mise en application de la clause (« take or pay »). Dans cette perspective, une clause de force majeure ordinaire ne correspond pas aux particularités des contrats d’achat et de vente de gaz naturel dans la mesure où les aspects techniques relevant de la production du gaz, ainsi que l’environnement des installations des quantités à réceptionnées auprès du vendeur et l’acheteur respectivement doivent être étudiés méticuleusement.

Il devient important dès lors que la description de l’état des lieux oblige d’être établie avant même la signature du contrat dans le souci de couvrir un large éventail d’éventualités liées aux fonctionnements techniques du gaz à fournir et anticiper les cas de dysfonctionnements ou de pannes techniques qui peuvent être qualifiés en tant que cas de force majeure.

La survie du contrat, aux enjeux financiers colossaux, en générale, et au bon fonctionnement de la clause (« take or pay »), en particulier, doit se concrétiser par la bonne définition et l’encadrement par les parties de chaque élément, que nous avons mentionné supra de manière précise, car en fonction desquels interviendraient plus tard la détermination du prix payé ou à payer.

4. La qualification juridique de la clause take or pay en droit algérien :

4.1 Remarques préliminaires :

Mise à part quelques dispositions légales, d’ordre général, prévues par le Code civil algérien, qui peuvent nous aider au processus de qualification de la clause (« take or pay »), pour lesquelles nous aurons l’occasion de les examiner ci-dessous. Dans ce domaine, il faut reconnaître également qu’il y a un déficit énorme et flagrant en matière de jurisprudence et du traitement judiciaire de la clause (« take or pay ») par le juge algérien.

Cependant, ce manque législatif et judiciaire peut être interprété par le fait que la clause (« take or pay ») ayant sa genèse et son évolution de la pratique contractuelle, n’a pas attiré la discrétion du législateur dans la mesure où les parties son libre de convenir à leur guise ce que les leurs conviennent, en consécration d’un principe codifié par le législateur lui-même.

Faut-il encore excuser l’abstinence du juge étatique, en cas de saisi, à examiner la pertinence et l’efficacité de la clause (« take or pay ») nécessaire à la gestion des contrats longs durées, au motif que la commercialisation du gaz en Algérie, constitue un monopole étatique. Dans ce cadre, la Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation, et la commercialisation des hydrocarbures « Sonatrach » jouit d’une partie considérable du marché dont les seuils dépassent largement ceux fixés par la loi régissant la concurrence. La suite logique de ce monopole nous conduit d’observer qu’il y a un intérêt affiché de Sonatrach que toutes les relations commerciales qu’elle entretient avec ses partenaires étrangers sont résolues, en cas de différend, par l’arbitrage international.

En effet, et surtout pendant la période (2011-2016), avec la remise en cause des contrats d’achat et de vente de gaz de long durée (formule préférée à Sonatrach) nombreuses sont les affaires contentieuses, celles se rapportent directement ou indirectement à la validité et/ou l’interprétation de la clause (« take or pay ») qui ont été réglés, sous l’auspice des institutions d’arbitrage international, à Paris, Genève et Londres.

Ceci dit, l’arbitrage international par essence se déroule à huit-clous, il sera dès lors un peu tôt de savoir qu’elle est le sort de la clause dans le secteur de l’énergie, domaine de prédilection, et la position avec exactitude que les arbitres internationaux retiennent à celle-ci, malgré les échos venus, d’ici ou d’ailleurs, qui assurent sa popularité parmi les acteurs de la justice privé.

4.2 Inspiration du Code civil Algérien de la tradition civiliste :

A travers cet intitulé, nous voulons éliminer, dès le début de l’analyse de cette section, un point récurrent, celui de la traduction de la clause pénale en droit civil vers la (Common Law) anglaise et vis-versa, car il y a souvent une confusion, qui mérite d’être clarifiée.

De prime abord, depuis longtemps la (Common Law) trace une ligne fine de démarcation entre deux conceptions, à savoir :

(i) La clause léonine (« penalty clause ») :

Dont l’objet prévoit un montant extravagant et exorbitant par rapport à la plus grande perte qui pourrait être causée, en cas de manquement ou de défaillance à l’exécution des obligations contractuelles, et
(ii) La clause d’indemnisation (« liquidated damages clause ») :

Relative aux dommages-intérêts préalablement établis entre les parties représentant une véritable pré-estimation du préjudice subi.

Deuxièmement, et en dépit du fait que les deux clauses se ressemblent pour avoir laissé le libre choix aux parties contractantes de déterminer au préalable, c’est-à-dire avant la survenance du préjudice, le montant de la compensation due en cas de violation dudit contrat, néanmoins, le juge anglais ne reconnaît pas la validité de la première, tandis que, la seconde jouit de la force contraignante.

Troisièmement, et à titre de droit comparé, dans les pays de tradition civiliste, la clause pénale est réputée valide, tenant compte de la marge de manœuvre du juge qui est prescrite par la loi. Ce dernier dans tous les cas est loin d’invalider une telle clause, alors même qu’elle soit excessive par rapport au préjudice subi. Dans ce cas-ci, le pouvoir du juge est limité à faire diminuer le montant des dommages-intérêts préalablement définis par le ramener approximativement à la limite des pertes subies.

Il apparait pouvoir être valablement soutenu qu’eu égard aux effets juridiques que chaque clause ait sur les parties, la clause pénale de la tradition civiliste est aisément assimilable à la (« liquidated damages clause ») au lieu de (« penalty clause ») de la (Common Law) anglaise.

Autrement dit, toute suggestion dont la finalité est d’arriver à la conclusion pour ronger dans une même catégorie (sur le plan linguistique et substantiel) la clause pénale du droit civil avec la (« penalty clause ») de la (Common Law) sera dénouée de toute fondement ou base juridique.

Dans ce sens, la (« penalty clause ») de la (Common Law) est le reflet de la clause léonine des systèmes juridiques de traditions civilistes.

4.3 Que prévoit le Code civil algérien en la matière :

Tout d’abord, la crainte à juste titre sus-évoquée, inhérente au risque de qualification de la clause (« take or pay ») à une (« penatly clause ») d’après la rhétorique juridique anglaise, en considération des conséquences dévastatrices sur le créancier de la clause (« take oy pay »), ce risque toutefois est minime, voire inexistant, dans la mesure où l’adjectif « pénal » dont nous trouvons dans les systèmes juridique de traditions civiliste ne rendra aucunement la clause (« take oy pay ») nulle.

La confirmation de l’hypothèse que nous venons citée au paragraphe précédent, s’agissant l’appartenance du droit algérien à la famille de traditions civiliste, nécessite l’étude au préalable des interrogations suivantes :

a) Est-ce que la clause (« take or pay ») peut prendre la forme d’une clause pénale ou la clause pénale peut être dissimulée dans une clause (« take or pay ») ?

b) Si, la réponse est affirmative, quels sont les risques juridiques qu’encourt le créancier de la clause (« take or pay ») autre l’annulation ?

Bien entendu, avant d’y répondre, il faut au moins introduire la définition et les caractéristiques intrinsèques de la clause pénale selon la conception propre au droit algérien, en dépit de son appartenance à la tradition civiliste, des divergences profondes peuvent être observées dans le Code civil algérien avec le code civil des autres pays.

4.3.1 Définition et les caractéristiques intrinsèques de la clause pénale :

Dans ce domaine, encore une fois, il n’y a pas une définition globale et précise de la clause pénale. De même, l’appellation clause pénale n’existe pas aussi, et, ce n’est qu’à travers une lecture en filigrane des dispositions du Code civil que nous trouvons les traces de celle-ci.

A cet égard, l’article 183 stipule que :

« Les parties peuvent fixer d’avance le montant de la réparation, soit dans le contrat, soit dans un acte ultérieur. Dans ce cas, les dispositions des articles 176 à 181 sont applicables ».

De plus, l’article 182, se réfère implicitement à la notion en prévoyant que :

« Le juge fixe le montant de la réparation, s’il n’a pas été déterminé dans le contrat ou par la loi ».

Ainsi, il ressort des articles précités, qu’il est admissible, d’après le droit des contrats algérien, pour que les parties puissent déterminer, à titre précoce, dans leur contrat régissant l’obligation principale, le montant de la réparation auquel peuvent se référer, au cas où l’une d’elles violerait ou retarderait la mise en exécution des obligations d’une manière, autre que celle convenue, causant en conséquence un préjudice à l’autre partie.

Donc, la clause elle-même est considérée comme un accord pour réparer un dommage qui n’est pas encore survenu. Cependant, si l’erreur était produite et aurait entraîné un dommage et que la clause déterminant le montant de la réparation remplirait toutes les conditions prévues par la loi, la partie lésée aurait droit de prétendre à une d’indemnisation préalablement convenue.

Avoir un regard de loin et sans critique sur la nature de la clause pénale et la clause (« take or pay »), il semblerait pouvoir induire le juge en erreur à l’effet de croire que les deux clauses sont identiques ou pour le moins se ressemblent. Nous estimons, cependant, que dans le deux cas, la position du créancier de la clause (« take or pay ») sera sérieusement compromise. Donc, c’est à travers l’étude des principales caractéristiques que nous pouvons cerner l’analyse juridique de la clause pénale et comparer chacune d’elle à la nature et au réalisme derrière la création de la clause (« take or pay »).

a) Accord préalable sur la détermination de l’indemnisation :

La clause pénale avant tout chose est un accord volontaire des parties contractantes. Cette volonté sera la seule source de création des obligations et l’épuisement des engagements qui en découlent après, en consécration du principe universel de la liberté contractuelle.

A ce titre, l’article 106 du Code civil prévoit que :

« Le contrat fait la loi des parties. Il ne peut être révoqué, ni modifié que de leur consentement mutuel ou pour les causes prévues par la loi ».

En conséquence, la clause n’est établie que, si la volonté du créancier intervienne pour exiger l’indemnisation et assurer l’exécution de l’obligation principale du contrat, d’une part, et la volonté du débiteur, en procédant sans contrainte pratiquée contre sa personne, à l’acceptation de l’accord, envers celui qu’il a exigé, en cas de manquement ou du retard dans l’exécution à l’obligation principale du contrat.

Certes, la clause pénale peut servir comme modèle à la clause (« take or pay »), dès lors qu’il est reconnu aussi à celle-ci le caractère contractuel comme seul et unique moyen pour subsister et créateur des obligations entre les contractants.

De plus, s’il est également admissible pour les parties puissent faire naître d’autres obligations, postérieurement au contrat principal, ayant un caractère pénal, selon l’article 183 du Code civil (« soit dans un acte ultérieur »). Toutefois, cette faculté, bien qu’elle puisse être appliquée dans le contexte de la clause (« take or pay »), la réalité que rencontrent les parties dans un contrat d’achat et de vente de naturel est totalement différente de la réalité des autres contrats ordinaires (par exemple : vente d’équipements, louage, fourniture de services…etc.).

Ceci dit, les craintes du vendeur pèsent lourdement dès les premières phases de négociation, de sorte qu’elles obligent le vendeur à ficeler l’aspect pécuniaire de la transaction, en échange à l’exécution de son obligation contractuelle mais aussi en cas de manquement aux obligations par l’acheteur, à la signature du contrat. Pour preuve, l’immuabilité des quantités convenues à enlevées sur plusieurs années, (allant jusqu’à 15 années consécutives pour un contrat dont la durée est de 25 ans), ou les quantités du gaz sur la base desquelles le prix à payer est calculé en cas d’exercice par l’acheteur de son option à ne pas enlever, est un indice d’assurance pour le vendeur.

Donc, sur cet aspect particulier, la clause (« take or pay ») se distingue notoirement de la clause pénale que le juge confronté à la problématique de qualification doit tenir compte.

Enfin, en principe l’abouchement des obligations du vendeur et de l’acheteur dans la clause (« take or pay ») pratiquement prime sur les autres obligations contractuelles du contrat de vente et d’achat du gaz, ce qui nous conduira à examiner le degré d’importance de la clause (« take or pay ») à travers la hiérarchisation principale ou accessoire des obligations.

b) Obligation accessoire à l’obligation principale :

La clause pénale ayant un caractère accessoire, ne peut pas à, elle seule, être convenue de manière indépendante, car elle n’existe que parallèlement à une obligation principale. A partir de ce constat, l’existence ou non de la clause demeure attachée sensiblement avec celle de l’obligation principale, de sorte que l’invalidité de l’obligation principale entraîne de jure et de facto l’invalidation de la clause pénale. Le contraire n’est pas vrai, à moins que la clause pénale ne soit la seule motivation des parties derrière la conclusion du contrat principal, alors dans ce cas-ci la nullité de la clause pénale entraîne également la nullité intégrale du contrat principal.

En outre, le caractère accessoire nous conduit à considérer que la clause pénale n’est pas destinée à elle-même. Si elle a été prévue par les parties, ce n’est que pour raison d’atteindre un objectif, celui d’obliger le contractant à mettre en œuvre son obligation et à ne pas le violer.

Ceci dit, la clause pénale ne crée pas une nouvelle obligation indépendante par rapport à l’obligation principale, car il s’agit uniquement d’un accord qui ne génère pas d’obligation principale de réparation, et se limite en revanche à créer une obligation accessoire relative à l’évaluation de l’indemnisation.

Il est possible de songer que la clause (« take or pay ») est subordonnée à l’existence d’une obligation principale, tel que démontré ci-dessus. Cependant, quelles sont les obligations principales dans un contrat d’achat et de vente du gaz assorti d’une clause (« take or pay ») ? Est-il possible de soutenir que l’obligation de l’acheteur avec ses deux branches est une obligation accessoire ? La pratique contractuelle de la rédaction de la clause (« take or pay ») écarte cette suggestion. Bien au contraire, le positionnement de l’obligation de l’acheteur se situe en parallèle à l’obligation du vendeur.

Il est en conséquent parfaitement légitime de soutenir que le contrat d’achat et de vente de gaz assorti d’une clause (« take or pay ») englobe à titre d’engagement contractuel principale deux obligations distinctes, à savoir :
- la première liée au devoir du vendeur pour avoir fait disponible une quantité de gaz pour l’acheteur et
- la deuxième liée au devoir de l’acheteur a payé le prix du gaz mit à sa disposition aussi bien qu’il prenne ou non la quantité du gaz fourni par le vendeur.

L’illustration ci-dessus est en harmonie sur plusieurs plans avec la théorie générale des contrats.

En effet, le contrat de type (« take or pay ») coïncide avec la division des contrats en générale consacrée par le Code civil algérien dont la définition correspond exactement avec celle des contrats synallagmatiques.

De plus, et s’agissant l’obligation de l’acheteur dans un contrat de type (« take or pay ») arrangé en cascade à travers différents engagements. Cette répartition de l’obligation de l’acheteur relève au contraire de la volonté des parties et par conséquent n’enfreint nullement à la loi.

A cet égard, l’article 213 du Code civil, explique que :

« L’obligation est alternative lorsqu’elle a pour objet des prestations multiples et que le débiteur est entièrement libéré en accomplissant l’une d’elles ; l’option appartient au débiteur, à moins que la loi ou la convention n’en disposent autrement ».

Ainsi dit, loin de nier l’existence à une autre clause du contrat type (« take or pay ») le caractère accessoire, cette qualité bien qu’elle existe, cependant elle doit être cherchée ailleurs dans le contrat, si les parties en avaient prévu dans le contrat, par exemple les garanties personnelles.

La réciprocité des obligations du vendeur et de l’acheteur exige que la mise à disposition et la livraison du gaz ainsi que le paiement du prix soient répertoriés dans un même rang d’importance pour la survie du contrat.

c) Obligation subsidiaire :

Le caractère subsidiaire consiste à considérer qu’une fois la mise en exécution en nature de l’engagement contractuel principal est toujours possible, aucune des parties contractantes ne peut choisir à titre de substitution à l’exécution en nature par l’exécution en équivalent en payant la valeur monétaire contenant dans la clause pénale.

Confronter cette règle avec la réalité de la clause (« take or pay »), nous amène à croire que cette clause peut être qualifié à une exécution par équivalent, alors que le paiement du prix par l’acheteur en échange de l’enlèvement ou non des quantités de gaz convenues est une exécution en nature en soi (« as per se »).

Conclusion :

Il y a plusieurs indices d’ordres juridiques et factuels qui nous guident pour conclure que la clause (« take or pay ») ne correspond pas à une clause pénale. Cependant, le risque peut exister dans l’hypothèse où les parties n’ont pas pris les précautions nécessaires lors de la rédaction du contrat.

Dans la mesure où les précautions relatives à la rédaction de la clause ont été observés scrupuleusement par les parties, surtout le vendeur, toute réclamation émanant de ce dernier relative au paiement des quantités fournies convenablement aux conditions du contrat d’achat et de vente du gaz naturel relève en principe à une action de paiement de dette.

Latitude de l’acheteur pour ne pas enlever les quantités fournies par le vendeur conformément au contrat ne peut être qualifiée de violation du contrat, puisqu’il relève de l’exercice d’une option par l’acheteur, de même le non-paiement du prix du gaz vendu ne peut être remédié que par une action de recouvrement de dette.

Maître Boukider Samir (LL.M International Business Law - ULB Brussels) Avocat à la cour Barreau de Blida (Algérie) [->samirboukider@gmail.com]