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Statut protecteur et « droit à l’impunité » : les syndicalistes sont-ils intouchables ? Par Hermann Martial Ndjoko, Responsable juridique.
Parution : mardi 5 janvier 2021
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Certains employeurs se sont tellement mis à l’esprit qu’il est impossible de licencier un représentant du personnel ou syndical « parce qu’il est protégé », qu’ils ne font pas ou plus l’effort pourtant indispensable de construire une réponse disciplinaire aux fins de stopper les inconduites de celui-ci. Une telle résignation ne peut pas toujours être mise sur le compte d’un droit du travail qui serait trop protecteur du salarié, ou sur le dos d’une inspection du travail qui serait trop partiale. D’ailleurs, aussi surprenant que cela puisse paraître, le statut protecteur comporte des failles juridiques qui profitent à l’employeur…

C’est en 1945 [1] qu’a été instituée en France, une protection spéciale contre le licenciement au profit des salariés exerçant des fonctions représentatives [2]. Cette protection se traduit, entre autres, par l’interdiction de la discrimination à leur encontre, par la soumission à leur accord exprès de toute modification de leur contrat de travail ou de leurs conditions de travail ; et surtout par le fait que la rupture de leur contrat de travail obéit à une procédure dérogatoire, contraignante et laborieuse.

A bien des égards, ce statut protecteur semble paradoxalement à la fois les servir et les desservir, car, en même temps qu’il les protège contre le licenciement, il entretient des clichés à leur encontre. Ainsi en est-il du fait que les représentants du personnel et syndicaux sont parfois perçus non comme des salariés à part entière, mais comme des salariés entièrement à part ; notamment parce qu’ils jouiraient d’une « impunité ». En date du 14 juin 2016, Pierre Gattaz, président du MEDEF, ne fustigeait-il pas ce qu’il appelle « le sentiment d’impunité » des syndicats ? Il déclara notamment : «  La protection des salariés syndiqués est indispensable mais cette protection absolue, parfois à vie, n’est-elle pas abusive ?  » [3].

Quant à Nicolas Lecaussin, ancien président de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, il considère pour sa part que « moraliser la vie politique, ce serait mettre fin au financement et à l’impunité des syndicats français » [4].

Le statut protecteur apparaît en effet comme un bouclier juridique - fait de garanties généreuses et de verrous institutionnels draconiens - pouvant donner le sentiment d’ériger l’impunité syndicale. D’ailleurs, bien des fois, cette perception est partagée et entretenue par les représentants du personnel et syndicaux eux-mêmes [5].

Nous en voulons pour preuve les nombreuses affaires contentieuses où des organisations syndicales se sont empressées de désigner un de leurs membres comme délégué syndical, tout juste après que ce dernier se soit vu notifier par l’employeur une convocation à entretien préalable à un licenciement [6]. Dans ces circonstances, comment ne pas croire qu’une telle désignation ne soit point mue par l’idée que le mandat représentatif rend « intouchable » ?

Qu’est-ce donc qu’être intouchable ? Que diantre signifie l’impunité, si ce n’est le fait de ne point risquer d’être sanctionné pour ses fautes, quelle que puisse être la gravité desdites fautes ? Cette perception dont les représentants des salariés sont assez souvent l’objet, est telle qu’à défaut de pouvoir se séparer d’eux, nombre d’employeurs choisissent - à tort - de les discriminer : évolution de carrière bloquée, rémunération moins avantageuse, harcèlement discriminatoire pour pousser le salarié à partir, etc. C’est ainsi que la discrimination syndicale et la stéréotypie entretiennent des liens intimes. En effet,

« les stéréotypes peuvent expliquer pourquoi une personne va faire preuve de discrimination envers les personnes d’un groupe donné. Les comportements discriminatoires peuvent à leur tour, d’une certaine manière, entretenir l’existence des stéréotypes » [7].

Eu égard à la protection légale des salariés porteurs de mandat - que la Cour de cassation depuis ses arrêts de principe du 21 juin 1974 [8] qualifie elle-même d’exceptionnelle et exorbitante - est-on fondé à affirmer que le statut y afférent consacre un droit à l’impunité ? Répondre objectivement à cette question nécessite de sortir des lieux communs. En matière de licenciement de salariés protégés, l’analyse de la jurisprudence permet de se rendre à l’évidence que le juge pardonne aisément des fautes qui, dans d’autres cas, auraient justifié un licenciement [9].

Pour autant, la protection légale ne rend pas du tout impossible le licenciement des représentants du personnel et syndicaux (I). Il ne faudrait donc pas confondre la difficulté à licencier et l’impossibilité de licencier. Les employeurs qui pensent avoir des raisons objectives et légitimes de vouloir se séparer d’un salarié protégé, devraient donc plutôt y aller avec méthode dans l’étoffe du dossier, rigueur dans le déploiement de la procédure et persévérance face à l’administration du travail (II).

Dans les lignes qui suivent, nous entendons démontrer que l’idée d’impunité syndicale est un poncif nocif tant pour l’acteur syndical qui se croit « intouchable », que pour l’employeur « résigné ».

I - La portée relative de la protection légale des représentants du personnel et syndicaux.

La protection légale des représentants du personnel n’est pas absolue, et ce pour au moins cinq raisons.

Primo, les représentants du personnel et syndicaux ne sont protégés que pendant une certaine durée. Pour un membre du CSE par exemple [10], la protection sera en général de quatre ans et demi (à raison de quatre ans pour la durée du mandat et six mois pour la survivance de la protection après l’expiration du mandat). Quant au délégué syndical [11], sa protection court à compter de la réception par l’employeur de la lettre du syndicat notifiant sa désignation, jusqu’à la dénonciation ou la désignation d’un nouveau délégué par l’organisation syndicale. Elle survie durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s’il a exercé ces dernières pendant au moins un an. Une fois la période légale de protection échue, le représentant du personnel ou syndical redevient un salarié comme les autres.

Deuxio, contrairement à ce que l’opinion patronale majoritaire tend à croire, les demandes de licenciement de salariés protégés sont la plupart du temps acceptées par l’administration. Ainsi, au cours de la période 2010-2014 par exemple, plus de trois quarts des demandes de licenciement - et près de 95% des demandes de rupture conventionnelle - des salariés protégés ont été autorisées par l’inspection du travail [12]. De plus, il est très rare que les salariés protégés contestent la décision de licenciement et exercent un recours hiérarchique : ils le font dans moins de 2% des cas [13].

Par contre, les employeurs contestent beaucoup plus fréquemment les refus de licenciement : ils le font environ une fois sur trois. Lorsqu’ils exercent un recours, les salariés comme les employeurs obtiennent l’annulation de la décision initiale de l’inspection du travail dans environ 25% des cas [14]. Cette réalité statistique permet donc de réfuter sérieusement l’allégation d’un droit à l’impunité que consacrerait le statut protecteur.

Tertio, le motif d’intérêt général qui permet à l’inspecteur du travail de rejeter une demande d’autorisation de licenciement même face à l’évidence de l’impair et de l’impéritie d’un salarié protégé, connait des limites. Selon l’administration du travail elle-même, l’intérêt général ne peut en aucun cas être invoqué en se fondant sur des considérations liées à la personne du salarié, comme l’âge ou l’ancienneté [15], ou le fait que le salarié soit particulièrement actif dans l’exercice de ses mandats [16]. Le motif d’intérêt général ne peut pas non plus être invoqué dans l’hypothèse où le salarié porte une atteinte excessive aux intérêts de l’entreprise.

Ainsi, en matière disciplinaire,

« le recours au motif d’intérêt général porte une atteinte excessive aux intérêts de l’entreprise si le salarié restait dans l’entreprise nonobstant la gravité de la faute commise lui conférant une impunité, ce qui aurait pour effet de déstabiliser le pouvoir de direction de l’employeur » [17].

Quarto, si les représentants du personnel ont notamment pour mission de présenter aux employeurs les revendications individuelles ou collectives qui n’ont pas été directement satisfaites, ils ne peuvent le faire dans des conditions d’agitation, de désordre et de violence que l’exercice normal de leurs fonctions aurait permis d’éviter [18]. Nombre d’affaires passées à la postérité ont mis au jour le licenciement d’acteurs syndicaux. Cela a par exemple été le cas dans l’affaire dite de « la chemise arrachée » en référence à l’ancien DRH d’Air France, Xavier Broseta, dont la chemise avait été publiquement arrachée, le 05 Octobre 2015, par Vincent Martinez, syndicaliste CGT, lors d’un conflit social.

Le syndicaliste a été licencié après autorisation du ministre du travail. A noter ici que l’inspection du travail avait préalablement refusé la demande d’autorisation de licenciement de l’employeur. Ce dernier a alors mis en œuvre les voies légales de recours contre cette décision administrative et a obtenu, in fine, gain de cause. L’employeur a eu gain de cause y compris devant les instances judiciaires puisque non seulement le licenciement du délégué CGT a été validé par le tribunal administratif de Montreuil, mais aussi, le syndicaliste en question s’est vu condamner par le tribunal correctionnel de Bobigny à trois mois de prison avec sursis. De même été validée dans une autre affaire, la condamnation d’un délégué syndical à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende, pour harcèlement moral à l’encontre de sa hiérarchie et de la direction. Il ressort notamment de l’arrêt que le salarié

« dénigrait systématiquement le directeur des ressources humaines, sur le plan professionnel comme personnel, faisant des remarques désobligeantes, voire humiliantes sur son âge, ses tenues vestimentaires » [19].

Quinto, concernant les écarts dans l’exercice du mandat - appréhendés par une partie de la jurisprudence sous l’angle du trouble objectif et non de la faute [20] - a été validé le licenciement d’un délégué syndical qui, lors d’une suspension de séance du comité d’établissement, a assené un violent coup de tête à un autre salarié.

En l’espèce, bien que cet acte ait causé à la victime une fracture au visage et une incapacité temporaire de travail de trente jours, l’inspecteur du travail avait refusé le licenciement. Le salarié arguait de ce que l’acte avait été commis dans l’exercice de ses fonctions représentatives et ne pouvait donc fonder le licenciement. Pour obtenir gain de cause, il a fallu que l’employeur fasse preuve de détermination, en faisant un recours contre la décision de rejet de l’inspecteur du travail et en se défendant jusque par-devant le Conseil d’Etat [21]. En pratique, cette opiniâtreté à faire triompher le droit, manque cependant à beaucoup d’employeurs qui préféreront capituler en alléguant l’impossibilité de licencier les représentants du personnel et syndicaux, alors qu’il n’en est rien.

II - La nécessité pour les employeurs de construire des dossiers disciplinaires solides.

Pour obtenir l’autorisation de licencier un salarié protégé, l’employeur doit présenter un dossier irréprochable, conforme aux exigences de forme, de motivation et de notification. Il ne s’agit point là d’une nécessité contingente, mais d’un impératif intemporel. Nous pensons que si et seulement si l’employeur a un motif réel et sérieux de licencier un salarié protégé, qu’il a des éléments probants suffisamment précis et convaincants pour étayer ses griefs [22], qu’il a suivi scrupuleusement la procédure spéciale de licenciement [23], que la faute reprochée au salarié est d’une gravité suffisante pour que le licenciement en soit la réponse patronale légitime, objective et proportionnée ; alors on peut considérer, dans ces conditions, que l’employeur s’est donné toutes les chances d’obtenir une décision favorable, nonobstant l’aléa inhérent à

« la dimension subjective de la décision de l’inspecteur du travail » [24].

D’ailleurs, même en cas de refus de l’inspecteur du travail, l’employeur conserve le moyen de faire un recours pour excès de pouvoir contre cette décision, auprès du ministre du travail ; avant d’envisager possiblement la saisine du tribunal administratif, puis éventuellement la cour d’appel administrative, et enfin, le cas échéant, le Conseil d’Etat. C’est donc dire que licencier un salarié protégé, bien qu’ardu, n’est pas du tout hors de portée.

En pratique, certains employeurs et managers se sont tellement mis à l’esprit qu’il est impossible de licencier un représentant du personnel ou syndical « parce qu’il est protégé », ou « parce que c’est compliqué de le faire », qu’ils développent une sorte « d’auto-inhibition », en ne faisant pas - ou plus - l’effort pourtant indispensable de bâtir un dossier de licenciement, avec toute la patience, la constance, la rigueur et la détermination que cela suggère. Or, le risque pris en laissant continuellement un salarié protégé s’écarter de la norme, est, hélas, de normaliser ses écarts ; et de créer ce faisant un usage d’entreprise. La tolérance ou le laxisme de l’employeur face à de tels écarts, peut, en cas de contentieux, être retenu par le juge pour atténuer la gravité de la faute reprochée et invalider par conséquent le licenciement [25].

Dans la même optique, le comportement de l’employeur lors des faits ou le non-respect de ses obligations, de même que les carences de l’organisation du travail au sein de l’entreprise, sont autant de facteurs susceptibles de fragiliser la demande de licenciement d’un salarié protégé [26]. Il en est de même en cas de qualification juridique erronée des faits par l’employeur [27]. L’employeur a donc un grand rôle à jouer pour que sa demande de licenciement puisse prospérer. Certes, la procédure de licenciement d’un salarié protégé est extrêmement complexe, lourde et rigide ; certes l’inspection du travail a généralement une tendance à l’indulgence vis-à-vis des salariés protégés, mais la responsabilité de l’échec d’une demande d’autorisation de licenciement ne peut pas toujours être mise sur le compte d’un droit du travail qui serait trop protecteur du salarié, ou d’une inspection du travail qui serait trop partiale.

Au demeurant, même lorsque l’employeur a présenté une demande d’autorisation de licenciement dépourvue de toute anomalie dirimante, il faut garder à l’esprit que certains paramètres n’ayant strictement rien à voir avec le statut protecteur, peuvent à eux seuls être pris en considération par l’inspecteur du travail, le ministre du travail, voire le juge administratif ou le juge judiciaire, à l’effet de porter une appréciation rédemptrice ou atténuante sur la gravité de la faute et disqualifier subséquemment le niveau de sanction retenu par l’employeur [28]. Il s’agit en l’occurrence d’éléments tels que l’absence de préjudice pour l’entreprise ou la faiblesse dudit préjudice [29], l’ancienneté du salarié, l’absence d’antécédents disciplinaires.

Dans une affaire où un salarié protégé avait été licencié pour faute grave pour blanchiment d’argent, le juge a tenu compte du fait que le salarié protégé totalisait 22 ans d’ancienneté sans aucun antécédent disciplinaire, pour requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse [30]. Cette requalification n’est pas sans conséquences juridiques et financières puisqu’elle entraîne l’obligation pour l’employeur de payer au salarié une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, sans oublier la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens.

Du reste, aussi surprenant que cela puisse paraître, le statut protecteur des salariés porteurs de mandat comporte des failles qui profitent à l’employeur. En effet, il est un domaine où, de lege lata, les salariés porteurs de mandat sont moins bien protégés que les autres salariés de l’entreprise : c’est celui de l’inaptitude physique découlant d’un harcèlement. Alors que l’article 1152-3 du Code du travail sanctionne par la nullité, le licenciement d’un salarié ayant subi des agissements de harcèlement, la Cour de cassation considère de manière constante [31] que le contentieux de la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé dont l’inaptitude découle d’un harcèlement, ne relève pas de la compétence du juge judiciaire.

Autrement dit, l’autorisation de licenciement accordée par l’autorité administrative ne permet plus au salarié protégé, victime de harcèlement, de contester par-devant le juge civil la cause ou la validité du licenciement pour inaptitude qui en a résulté. Pourtant, dans le même temps, le ministère du travail considère qu’il n’entre pas dans le champ de contrôle de l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, d’apprécier les causes de l’inaptitude médicalement constatée [32].

Cette réalité

« place le salarié protégé dans une situation infiniment moins favorable que celui non investi d’un mandat électif ou syndical, puisque, à l’inverse de celui-ci, celui-là ne peut faire valoir la nullité du licenciement dont il est l’objet. Ni devant le juge administratif, ni donc devant le juge judiciaire(…) » [33].

A tout prendre, le statut protecteur inhérent au mandat représentatif est légitime. Lorsqu’on l’évoque, il convient toutefois de faire un distinguo entre immunité et impunité. Assimiler le statut protecteur à une forme « d’immunité syndicale » n’est pas sans fondement. De ce point de vue, « l’immunité syndicale » serait de nature semblable, toutes choses égales par ailleurs, à l’immunité parlementaire [34] ou diplomatique [35].

Comme pour ces dernières, la protection n’est pas absolue puisqu’elle admet des cas où des procédures disciplinaires ou judicaires peuvent être diligentées pendant le mandat [36] ou la mission [37].

En revanche, l’idée d’impunité, prétendument conférée par l’engagement syndical ou l’exercice des fonctions représentatives, a plus une existence mentale que matérielle en ceci qu’elle relève de la véridiction plutôt que de la vérité. En d’autres termes, l’immunité syndicale est une réalité objective, tandis que l’impunité syndicale est une vue de l’esprit. D’ailleurs, pourrait-il seulement en être autrement ?

Eriger un droit à l’impunité sous le couvert du mandat représentatif, reviendrait à donner un blanc-seing aux représentants du personnel et syndicaux pour faire ce qu’ils veulent, quand ils veulent et comme ils veulent. En clair, il s’agirait de transformer l’entreprise sinon en un cimetière du droit, du moins en une pétaudière de tous les excès. Ce qui serait parfaitement aux antipodes de l’esprit des textes, nationaux [38] et internationaux [39], régissant le principe juridique de protection des représentants du personnel et syndicaux.

Enfin, nous pensons que ce n’est pas parce que le statut protecteur peut donner à certains salariés l’illusion d’être « intouchables » ; tout en induisant chez certains employeurs, un sentiment de frustration et d’impuissance face à cette catégorie de salariés, qu’il faille pour autant céder à la tentation facile et dangereuse de discriminer. La discrimination syndicale ne doit pas être pour les représentants du personnel et syndicaux, une sorte de « coût social de la protection contre la faute » [40], que leur ferait payer les employeurs n’étant pas en mesure de les licencier  [41].

Et ce d’une part, parce que la discrimination syndicale est illégale ; d’autre part, parce qu’elle peut coûter in fine aussi cher à l’employeur qu’un licenciement prononcé en violation du statut protecteur.

Hermann Martial NDJOKO Doctorant en Droit Responsable Juridique d’une entreprise Expert en management des Ressources Humaines et des Relations Sociales

[1Ordonnance n° 45-280 du 22 février 1945.

[2Le statut protecteur ne concerne que les salariés porteurs de mandat. Les salariés simplement encartés dans un syndicat ne sont donc pas concernés ; ces derniers bénéficient en revanche de la protection légale de droit commun contre la discrimination syndicale.

[5C’est ce que les psychosociologues appellent « l’autostéréotype », défini comme étant le fait, pour les membres d’un groupe donné, d’entretenir des croyances en ce qui concerne les caractéristiques et les éléments qui les définissent (Jean-Baptiste Légal et Sylvain Delouvée, op.cit. p.17).

[6Lorsque l’employeur reçoit le courrier de désignation après l’envoi de la convocation à entretien préalable à un licenciement, le salarié concerné ne peut pas bénéficier du statut protecteur (Cass. Soc., 18 nov. 1998, n°96-42.810, Bull. civ. V, n°508), sauf s’il est établit que l’employeur avait connaissance de l’imminence d’une telle désignation.

[7Jean-Baptiste Légal et Sylvain Delouvée, « Stéréotypes, préjugés et discrimination », Dunod, 2ème édition, 2015 ; p.10.

[8Cass. Ch. mixte 21 juin 1974, n°71-91.225, Castagné c/. Sté Epry, Bull. ch. mixte n°3.

[9Virgile Pradel, « Le contrôle du licenciement disciplinaire des salariés protégés », thèse de doctorat en droit public de l’Université Paris Descartes, 20 septembre 2013 ; p.87.

[10Art. L2411-5 C. trav.

[11Art. L2411-3 C. trav.

[12« Les licenciements et les ruptures conventionnelles des contrats des salariés protégés, principaux indicateurs » Dares résultats, n°018, mars 2017.

[13Thomas Breda, « les représentants du personnel en France », p.29.

[14Ibid.

[15CE, 29 juil. 1983, n° 32.197, BDPA c./ Chambard.

[16CE, 10 fév. 1992, n° 83.456, Papeteries de l’Est ; CE, 11 fév. 1998, n° 170282, SA Semne Val d’Yerres.

[17Circ. min. DGT n°07/2012, 30 juillet 2012.

[18Cass. Soc., 27 nov. 1968, Jurisprudence sociale Lamy, n°279, p.30.

[19Cass. Crim. 17 mars 2015, n° 13-87.037.

[20Ce changement de qualification juridique a été initié par la cour de cassation avec l’arrêt Rossard (Cass. Soc., 22 janvier 1992, Bull. civ. V, n°30.), avant d’être repris par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Patarin [[CE, 4 juillet 2005, Patarin : req. n° 272-193, Rec. 306, RJS 2005 n° 1121). V. Virgile Pradel, op.cit. pp.161-167.

[21CE, 27 mars 2015, n°368855.

[22L’employeur qui demande l’autorisation de licencier un représentant du personnel doit faire la preuve formelle des fautes de ce salarié. Si un doute subsiste, il doit profiter à l’élu : CE, 22 mars 2010, n° 324398.

[23Cette procédure revêt un caractère d’ordre public absolu.

[24Nicole Maggi-Germain, « Le licenciement des salariés protégés : Processus et enjeux », Droit et société, 2006/1 n°62, p.197.

[25CE, 28 févr. 2007, n°289390, Sté Naïve-Auvidis.

[26CE, 15 juin 1987, n° 75.505, Sté Impression et publicité.

[27Guide relatif aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés, ministère du travail, sept. 2019, p.65.

[28L’interférence de ces paramètres dans l’analyse de la situation, n’est d’ailleurs pas l’apanage des cas disciplinaires mettant en cause les salariés protégés. Elle concerne tous les salariés sans distinction, et vient, avec à-propos, rappeler que les représentants du personnel et syndicaux sont des salariés à part entière. Ils doivent donc, a minima, bénéficier des mêmes circonstances atténuantes que les autres salariés.

[29CE, 30 déc. 2003 n°230.307, Sté France Printemps.

[30Cass. Soc., 05 juillet 2018, n° 16-19.895.

[31Cass. Soc., 15 novembre 2011, n° 10-30463 ; Cass. Soc., 6 juin 2012, n° 10-27694.

[32Circ. min. DGT n°07/2012, 30 juillet 2012 ; p.63.

[33Jacques Déchoz et Sophie Geynet-Bourgeon, « Salariés protégés, salariés exposés, salariés sacrifiés », Le Droit Ouvrier, mai 2012, n° 766 ; pp.329-331.

[34L’article 26 de la Constitution du 4 octobre 1958 consacre l’immunité parlementaire.

[35La convention de Vienne du 18 avril 1961 et celle du 24 avril 1963 consacrent l’immunité diplomatique.

[36Les articles 71 à 73 du règlement de l’assemblée nationale prévoient les peines disciplinaires susceptibles d’être prononcées à l’encontre des membres de l’assemblée nationale. L’article 80 quant à lui prévoit les modalités de levée de l’immunité desdits membres. Le règlement de l’assemblée nationale appartient à la catégorie juridique des mesures d’ordre intérieur.

[37Les articles 32-1 et 31-4 de la convention de Vienne de 1961 fixent des limites à l’immunité diplomatique.

[38« En tout état de cause, l’exercice d’un mandat ne saurait avoir pour objet de protéger des comportements personnels inacceptables » (Circ. min. DGT n°07/2012, 30 juillet 2012 ; p.43).

[39Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 (art.28), directive 2002/14 du 11 mars 2002 sur l’information et la consultation des travailleurs (art.7), convention n° 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective du 01er juillet 1949 (art.1), convention n°135 de l’OIT du 23 juillet 1971 concernant les représentants des travailleurs (art.1), etc.

[40Virgile Pradel, op.cit. p.23.

[41Rachel Spire, « Agir contre la discrimination syndicale au travail : le droit en pratique », Le droit ouvrier, avril 2006, n°693, p.197.

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