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Réussir sa vente : professionnels de l’immobilier, pensez à la promesse unilatérale de vente. Par Fanny Quilan, Juriste.
Parution : lundi 11 janvier 2021
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Le compromis ainsi que la promesse de vente sont deux contrats synallagmatiques proches l’un de l’autre, mais aux conséquences bien différentes.

La distinction essentielle entre ces deux contrats, concerne les effets de l’acte une fois passée la date d’échéance (hors situation indépendante de la volonté de l’acquéreur).

Ces conséquences sont les suivantes :
- S’agissant du compromis : Le vendeur devra mettre en demeure par voie d’huissier l’acquéreur défaillant. En cas de contestation de la part de ce dernier, le vendeur ne pourra récupérer tout ou partie des pénalités (et/ou du dépôt de garantie versé) qu’à la condition de conclure un protocole d’accord de transaction avec l’acquéreur, ou à défaut, par la voie judiciaire. En cas de procédure judiciaire, le bien mis en vente sera « bloqué/gelé » jusqu’à l’aboutissement de la procédure judiciaire. En outre, le juge sera seul souverain pour l’attribution au vendeur, en totalité ou en partie, de la pénalité prévue au compromis ;
- S’agissant de la promesse : une fois la date d’échéance dépassée (la « levée d’option »), le promettant retrouve sa liberté. Il récupère l’indemnité d’immobilisation versée (le dépôt de garantie) dans les conditions fixées par la promesse. Autrement dit, le bien pourra être remis en vente immédiatement et le bénéficiaire (l’acquéreur défaillant) perdra irrévocablement le bénéfice de l’indemnité d’immobilisation versée.

La promesse présente donc un avantage indéniable pour le vendeur, tant d’un point de vue « comptable » que d’un point de vue « recommercialisation ».

A. L’engagement du Promettant vaut comme obligation et acte d’exécution forcée, il est d’ores et déjà débiteur de l’obligation de transférer la propriété du bien.

L’article 1124 du code civil indique

« La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ».

Au sens de cet article :
- Le Promettant projet de vendre. Il confère au bénéficiaire, d’une manière ferme et définitive, le droit d’opter ;
- Le Promettant donne au bénéficiaire et en exclusivité un "droit d’option" pour un délai qui est fixé conventionnellement dans la promesse ;
- Le Promettant s’interdit pendant toute la durée de la promesse de se rétracter.

L’article 1124 du code civil ajoute que

« La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

Autrement dit :
- Toute rétractation unilatérale du Promettant, avant la levée d’option, sera de plein droit inefficace ;
- Le Promettant ne pourra pas se prévaloir des dispositions de l’article 1590 du Code civil en offrant de restituer le double de la somme versée au titre de l’indemnité d’immobilisation (sauf à obtenir l’accord écrit du Bénéficiaire) ;
- En cas de carence du Promettant pour la réalisation de la vente, ce dernier ne pourra pas se prévaloir à l’encontre du Bénéficiaire de l’expiration de l’échéance conventionnellement fixée.

B. Le Bénéficiaire est "libre" de lever l’option dans les délais fixés par la promesse.

Le Bénéficiaire accepte cette promesse en tant que simple promesse.

Le bénéficiaire dispose d’un droit d’option. Cela signifie qu’il se réserve la faculté de demander la réalisation de la promesse (de « lever l’option ») dans les délais fixés.

Faute de lever l’option dans les délais fixés, il sera déchu du droit d’exiger la réalisation de la présente promesse, celle-ci sera alors considérée comme nulle et non avenue.

Dans ce cas, l’indemnité forfaitaire restera acquise au Promettant (sauf à démontrer un fait extérieur de la seule volonté du Bénéficiaire).

C. La levée d’option doit strictement intervenir dans les conditions et le délai de la PUV.

Pour être valable, la levée d’option devra intervenir dans les conditions de l’article « Durée - Forme de réalisation de la promesse ».

Le Bénéficiaire devra lever l’option avant l’échéance du délai conventionnellement fixé à l’article « Durée ».

Cela signifie que le Bénéficiaire devra avant l’échéance du délai :
- Régulariser la promesse avant, ou bien, le jour de l’échéance de la promesse, ou encore, à la date qui lui aura été indiquée par le notaire ET verser sur le compte du notaire le prix payable comptant, les frais d’acte, et la commission de l’intermédiaire ; En cas d’impossibilité pour le Bénéficiaire de lever l’option en raison du seul comportement du Promettant, le Bénéficiaire devra, avant l’échéance indiquée :
- Lever l’option par LRAR ou acte remis contre récépissé adressée au notaire, ou, en faisant dresser un procès-verbal par huissier constatant sa volonté de lever l’option ;
- Consigner l’entier prix de vente, des frais d’acte et commission, entre les mains du notaire ;
- Faire parvenir ces documents au notaire avant et au plus tard le jour d’expiration de la promesse.

Faute pour le Bénéficiaire de lever l’option dans les conditions indiquées, la promesse de vente sera caduque et de nul effet. Il en va de même si le Bénéficiaire ne verse pas le prix ou ne justifie pas de l’obtention d’un financement dans le délai de la promesse.

Dans ce cas, le Promettant sera dégagé de tous engagements, et le Bénéficiaire déchu du droit d’exiger la réalisation de la promesse.

(Attention : Il peut en être différemment lorsque des évènements imprévus et/ou indépendants de la volonté des parties viennent retarder l’échéance de la réitération).

Enfin, en cas de refus d’une Partie de régulariser l’acte de vente, alors que l’option aurait été levée, la partie non défaillante pourra faire dresser un PV de carence et engager une action judiciaire en vue de demander l’exécution forcée de la vente.

D. L’importance de la Garantie de paiement de l’indemnité d’immobilisation.

Si le bénéficiaire ne réalise pas la vente, alors il devra verser au Promettant une indemnité d’immobilisation dont le pourcentage est fixé dans la promesse.

L’indemnité d’immobilisation correspond au prix forfaitaire de l’indisponibilité du bien, elle varie entre 5 à 10% du prix de vente. Elle est due en considération de la promesse conférée et de l’engagement unilatéral consenti par le Promettant.

Pour garantir le paiement de cette indemnité, le Bénéficiaire verse - le jour de la signature - sur le compte séquestre du notaire une garantie du paiement de l’indemnité d’immobilisation.

Dans l’idéal, cette garantie du paiement doit correspondre au montant de l’indemnité d’immobilisation (entre 5 à 10%).

Cette garantie sera déposée dans le délai indiqué par la promesse.

Faute de respecter ce délai, le Promettant pourra notifier au Bénéficiaire par LRAR son intention de faire jouer la clause résolutoire. Par suite de cette notification, le Bénéficiaire pourra se retrouver déchu du droit de demander la réalisation de la promesse.

Si la vente est réalisée : la somme qui aura été versée s’imputera sur le prix de vente.

Si la vente n’est pas réalisée :
- L’indemnité d’immobilisation restera acquise au Promettant à titre de prix forfaitaire pour l’indisponibilité du bien ;
- L’indemnité d’immobilisation sera restituée au Bénéficiaire si les conditions suspensives ne sont pas réalisées, ou, s’il met en jeu son droit de rétractation SRU.

E. Régime fiscal de la promesse.

Le service des impôts devra recevoir la promesse dans les 10 jours suivant la signature de la promesse. Le bénéficiaire devra s’acquitter de frais d’enregistrement de 125 euros.

D. Quid de la commission en cas de non-réalisation de la vente ?

En dépit du travail d’entremise réalisé, la renonciation à la levée d’option n’engage pas la responsabilité du Bénéficiaire vis-à-vis de l’agent.

En outre, le Promettant n’engagera pas sa responsabilité à l’égard de l’agent, à moins d’avoir eu un comportement fautif de nature à empêcher la levée d’option par le Bénéficiaire.

Cette situation a récemment été jugée, la Cour d’Appel indiquant que

« le refus du mandant de réaliser une opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts prévus par la Clause pénale du mandat » [1].

Fanny Quilan Responsable juridique du réseau immobilier AXO

[1Cour d’appel de Versailles, 3ème chambre, 7 mai 2020 n°18/07898.