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La cession du droit au bail. Par Jonathan Durand et Donato Sirignano, Avocats.
Parution : mardi 12 janvier 2021
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Le droit au bail peut être cédé (i) dans le cadre d’une cession du fonds de commerce ou (ii) isolément (les développements qui suivent concernent uniquement la cession de droit au bail isolée).
Parmi les différences entre les deux opérations, s’agissant d’une cession isolée, elle ne nécessitera pas de mise en place d’un séquestre (même s’il est conseillé d’en prévoir un contractuellement) et sera davantage soumise à la volonté du bailleur.

Cette cession nécessite du potentiel cessionnaire quelques vérifications (1) avant la signature, quasi systématique, d’un compromis de cession sous conditions suspensives (2) préalablement à la signature de l’acte définitif (3).

1 - Vérifications.

Préalablement à la cession du droit au bail, le cessionnaire doit vérifier plusieurs informations, notamment :
- les clauses du bail de manière générale : respect de la loi Pinel si applicable, charges, taxes et impositions dont le preneur sera débiteur, etc. ;
- la durée restant à courir au titre du bail (vérifier notamment si le bail est en tacite prolongation et depuis combien de temps, pour éviter tout risque de déplafonnement) ;
- la destination du bail ;
- les clauses relatives à la cession du seul droit au bail :
. parfois, la cession du seul droit au bail, hors cession du fonds de commerce, n’est pas autorisée ;
. le bail peut exiger un formalisme particulier au titre de la cession et il est opportun de se rapprocher du bailleur pour qu’il renonce à certaines clauses ;
- les garanties prises dans le cadre du bail (caution, garantie à première demande, etc.).
- les éventuels impayés et violation du bail qui impliqueraient l’application de la clause résolutoire ;
- la solvabilité du preneur actuel : il faut vérifier l’existence ou non d’une procédure collective (retrait d’un extrait Kbis et vérification au BODACC), la présence ou non d’inscriptions sur le fonds de commerce ;
- l’existence ou non d’un droit de préemption de la commune en présence d’un périmètre de sauvegarde du commerce. Il sera en tout état de cause conseillé de procéder aux formalités de purge de ce droit en vue de la cession ;
- la capacité et le pouvoir du futur cédant du droit au bail (procédures collectives, tutelle, curatelle, etc.).

Le cessionnaire devra également se poser la question de la structure sous laquelle il exercera son activité (structure existante, en propre, sous forme sociale) et être attentif à son immatriculation (pour le cas d’une société en cours de formation) notamment pour bénéficier d’un droit au renouvellement dans le cadre du bail commercial.

2 - Compromis de cession sous conditions suspensives.

Une fois les vérifications effectuées, le principe est la signature d’un compromis de cession du droit au bail sous conditions suspensives, notamment :

- d’obtention d’une autorisation quelconque pour l’exercice de l’activité ;
- d’obtention du DPE si non encore produit, de la note de renseignement d’urbanisme, etc. ;
- du paiement par le preneur actuel des loyers impayés ;
- d’obtention d’un emprunt bancaire pour paiement du prix de cession ;
- de purge du droit de préemption ;
- de purge du pacte de préférence (en principe, la plupart des baux interdisent la seule cession du droit au bail et les clauses ne s’appliquent qu’en cas de cession du fonds de commerce - pour autant, il convient d’obtenir du bailleur, par sécurité et pour éviter toute discussion inutile, un courrier de renonciation à certaines clauses du bail) ou droit de substitution du bailleur ou d’un tiers ;
- d’obtention de l’agrément/autorisation du bailleur ;
- d’obtention d’un avenant par le preneur actuel ou futur d’autoriser l’exercice d’une activité non mentionnée au bail (attention aux conséquences) ;
- de fourniture d’un état des inscriptions et nantissements vierge au moment de la cession ;
- d’obtention d’un nouveau bail.

Le rédacteur de l’acte devra porter une attention particulière aux clauses du bail puisque certaines apparaîtront obligatoirement dans le compromis (clause de solidarité entre cédant et cessionnaire, le sort du dépôt de garantie, etc.).

Par sécurité, le cessionnaire du droit au bail devra exiger l’intégration de :

1- Déclarations à l’acte, notamment l’absence :
- de procédures collectives ;
- d’arriérés de loyers ;
- de sous-location, mise à disposition ou autre ;
- de violation des clauses du bail permettant au bailleur d’actionner la clause résolutoire ;
- de procédure en cours au titre du bail (révision du loyer, commandement de payer, etc.) ;
- de dégradations à la suite de l’état des lieux d’entrée qui justifieraient notamment la retenue du dépôt de garantie.

2- Engagements du preneur entre le moment de la signature de la promesse et la signature de l’acte réitératif.

Par ailleurs, la question du séquestre se posera également : s’il n’est pas obligatoire dans le cadre d’une cession du seul droit au bail, il est conseillé notamment lorsque des créanciers sont inscrits et doivent être désintéressés.

Enfin, cédant et cessionnaires devront également prévoir, du moins aborder, les effets d’un cas de force majeure ou tout autre événement empêchant l’exploitation des locaux sur la réalisation définitive de la cession. Cette problématique peut être abordée par une clause particulière relative à un éventuel sinistre, à définir, qui permettrait au cessionnaire de renoncer purement et simplement, sans indemnité, à la poursuite de la réalisation de la cession.

3 - Acte réitératif.

Avant la signature définitive de l’acte réitératif, le rédacteur de l’acte doit retirer, a minima, un extrait Kbis et un état d’endettement (le rédacteur peut également retirer un certificat de non-procédures collectives, peut effectuer des captures écran du BODACC, etc.).

Il lui est également conseillé de vérifier le BODACC ainsi que, lorsque cela est possible, la solvabilité du cédant (via infogreffe, pappers.fr, etc.).

Par ailleurs, il ne faudra pas omettre de faire réaliser un état des lieux de sortie, obligation (d’ordre public) prévue par l’article L145-40-1 du Code de commerce.

Une fois ces documents et informations en sa possession, le rédacteur peut :
- constater la levée des conditions suspensives ou procéder à la prorogation du délai par avenant avec accord des parties à défaut d’une telle levée ;
- selon la présence ou non d’un séquestre, verser le prix au cédant ;
- si nécessaire, faire signifier au bailleur l’acte de cession ;
- publier une annonce légale (il s’agit d’une préconisation, non d’une obligation s’agissant de la cession du seul droit au bail - la cession du droit au bail pouvant être requalifiée en cession de fonds de commerce, il sera conseillé de prévoir (i) un séquestre et (ii) une publicité de la cession par sécurité) ;
- enregistrer l’acte ;
- de manière générale, informer son client des conséquences fiscales d’un tel acte (imposition de la plus-value, droits d’enregistrement, effets sur la CET).

Jonathan Durand [->contact@jonathandurandavocat.com] Donato Sirignano Avocat européen aux barreaux de Paris et de Benevento (Italie) [->sirignano.donato@gmail.com]