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La réforme de l’adoption. Par Francine Summa, Avocate.
Parution : mardi 12 janvier 2021
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Le 4 décembre 2020, la proposition de Loi visant à réformer l’adoption a été adoptée en première lecture : avec cette Loi, l’adoption est ouverte au couple non marié de personnes de même sexe.

Cette réforme a été rendue nécessaire à la suite de la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (I).

L’adoption reste toujours une procédure rigoureuse qu’elle soit judiciaire ou administrative (pupilles de l’Etat) (II).

Elle répond à un besoin sociétal d’avoir une famille, droit de l’Homme et est la solution idéale pour les familles recomposées désireuses d’unir les filiations issues d’unions précédentes- notamment pour des raisons d’ordre successorale (adoptions croisées) (III).

I-1. Le but de cette réforme a été d’élargir l’adoption jusque-là réservée aux couples mariés, aux couples pacsés et aux concubins et de réduire les difficultés à obtenir l’agrément en vue d’adoption réservé jusque-là au couple marié. Rappelons que depuis la Loi n°2013-404 du 17 mai 2013, l’adoption est ouverte aux couples mariés de personnes de même sexe.
Mais pas aux couples non mariés.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a permis cette ouverture avec l’Arrêt E.B.c/ France du 22 janvier 2008 où la CEDH a déclaré que le rejet par la France de l’agrément en vue d’adopter présentée par une personne célibataire homosexuelle en raison de l’absence d’un référent de l’autre sexe était une violation de l’article 14 (discrimination) et 8 (Droit à une vie familiale) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. (Arrêt n°43546/02 CEDH 2008).

Il restait donc l’adoption par un couple non marié à valider par la Loi.

I-2. Les autres assouplissements :

Les couples pacsés ou en union libre sont éligibles à la procédure d’adoption. Le délai de communauté de vie est de un an - avant il était de deux ans.
L’âge minimum requis pour adopter est de 26 ans -avant il était de 28 ans.
L’écart d’âge maximum entre le plus jeune des adoptants et l’enfant adopté avait été fixé à 50 ans avec possibilité de déroger à cet écart lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie. Cette disposition a été supprimée au cours de la discussion parlementaire. Un article dans le Code Civil a été ajouté interdisant l’adoption plénière entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs et

« toute adoption conduisant à une confusion de générations ».

L’adoption de l’enfant né à l’étranger par PMA par un couple de femmes sera possible par la femme qui n’a pas accouché, en cas de séparation du couple et de refus de la femme qui a accouché de recourir à la reconnaissance conjointe permise par la Loi bioéthique.

Le congé pour adoption est allongé de 10 à 16 semaines à partir du 1er juillet 2021.

II-1. L’adoption reste une procédure rigoureuse. Le Ministère Public est partie prenante dans les adoptions judiciaires et donne son avis.

L’adoption d’un pupille de l’Etat est une procédure administrative. Seule, l’Aide Sociale à l’Enfance -ASE - a compétence exclusive pour gérer les adoptions des pupilles de l’Etat. Les adoptions internationales sont gérées par les organismes autorisés pour l’adoption (OAA).

Les parents remettant l’enfant à l’ASE n’auront pas le droit de consentir à l’adoption. L’organisation et le fonctionnement des conseils de familles sont améliorés.

Les décisions de rejets d’agréments sont des décisions administratives ouvertes aux recours administratifs.

II-2. La Loi rappelle les 2 adoptions existant en Droit Français :

Adoption plénière :
L’enfant rentre dans la famille de l’adoptant pleinement sans conserver sa filiation d’origine. Réservée aux enfants mineurs, cette adoption est définitive et ne peut plus être contestée. Pas de procédure de révocation pour ingratitude.

Adoption simple :
L’enfant ou le majeur conserve sa filiation d’origine. L’adopté a deux liens de filiation. L’adoption simple peut être conférée à un majeur. L’adoptant peut faire une procédure de rétractation pour cause d’ingratitude. L’adopté peut aussi demander la révocation de l’adoption. Enjeu sur la vocation successorale notamment. L’adopté simple n’est pas un héritier réservataire à l’égard de ses grands parents qui peuvent le déshériter.

II-3. Procédure.

L’adoption est une procédure judiciaire civile ou administrative pour les pupilles de l’Etat.

Adoption civile :
Il faut présenter une requête devant le Tribunal judiciaire du domicile de l’adoptant. Une copie pour le Ministère Public qui est chargé de donner son avis. Le Ministère Public tient le registre de l’état-civil et c’est lui qui transcrit la décision judiciaire.
Il faut joindre le consentement de l’adopté de plus de 13 ans passé devant notaire.
Pour l’adoptant marié, le consentement du conjoint est nécessaire, passé devant notaire.
Pour l’adoption simple, le consentement des parents biologiques est nécessaire mais il y a des assouplissements en cas de refus.

Adoption administrative :
Pour les pupilles de l’Etat, la procédure passe par la demande d’agrément auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). L’instruction de la demande porte sur une étude complète de la personnalité de l’adoptant, son milieu, étude comportant des dimensions psychologiques, sociales, financières,et sur la santé. L’instruction a une durée de neuf mois environ. L’agrément a une durée de 5 ans, renouvelable. En cas de refus, un recours est possible. Le conseil de famille examine ensuite les dossiers et sélectionne les candidats.

Une fois la décision de confier l’enfant à une personne ou à un couple, une mise en place se fait progressivement pour contrôler la bonne intégration de l’enfant.

- L’adoption plénière des enfants de plus de quinze ans est favorisée pour les assistants familiaux qui les ont recueillis dans le cadre de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) avec possibilité d’adoption plénière jusqu’à 21 ans.
Des dispositions sont prévues pour adopter des majeurs protégés incapables de donner leur consentement à l’adoption.
- Les pupilles de l’Etat auront leur statut renforcé avec un droit d’information de toute décision prise à leur égard par leur tuteur.

III- L’adoption répond à un besoin sociétal d’avoir une famille qui est droit de l’Homme (Article 8 CEDH). Elle est un pas de plus vers la réalisation d’un beau projet parental et familial. Un enfant c’est une famille.

Les statistiques montrent cependant la complexité de l’adoption :
En 2018, 650 pupilles de l’Etat ont été adoptés pour 10.600 agréments.
615 enfants ont été adoptés à l’étranger.

Par contre, les adoptions intrafamiliales sont en forte augmentation :
En 2018, sur 12 500 adoptions - enfants et adultes - 98% ont été des adoptions simples intra familiales. Sur les adoptions plénières, 60% ont été des adoptions par le conjoint de leur parent ( 6% en 2007).
83% d’adoptions plénières de l’enfant du conjoint de l’adoptant de même sexe.
6% d’adoptions croisées.

La réforme vient adapter l’évolution de la société en France où l’enfant est le centre de la famille mais avec une parentalité diversifiée.

Références bibliographiques :
- Proposition de loi visant à réformer l’adoption [1] ;
-  [2], [3], [4].

Francine Summa, Avocate, Médiatrice familiale.
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