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Demander sa liberté après condamnation devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises. Par Samir Hamroun, Avocat.
Parution : vendredi 15 janvier 2021
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Très souvent occultées par les détenus, les demandes de mise en liberté ne concernent très certainement pas uniquement les détenus mis en examen. Toute personne condamnée par le tribunal correctionnel et les cours d’assises peut demander sa mise en liberté à la condition qu’elle ait relevé appel de cette décision dans les délais impartis. C’est alors que le détenu va repasser sous le statut de détenu provisoirement, donc présumé innocent, et dans ce cas, tout devient possible.

En tant qu’Avocat intervenant quasi exclusivement en matière pénale, nous pouvons constater que les détenus ne savent que très peu qu’ils ont la faculté demander leur mise en liberté après une condamnation prononcée par une juridiction répressive.

Le Code de procédure pénale prévoit que toute personne condamnée peut à tout moment de la procédure solliciter sa mise en liberté afin de comparaître libre devant la juridiction de jugement. Nous verrons qu’une telle situation peut avoir des conséquences non négligeables sur le reste de la procédure notamment concernant les réquisitions du procureur de la République.

En effet, lorsqu’un détenu comparaît libre, la condamnation ne sera assortie d’un mandant de dépôt que lorsque les faits revêtent une gravité particulière. Le tribunal ne sera que très peu enclin à faire droit à des réquisitions de condamnation assortie du mandat de dépôt dès lors que le prévenu en question comparaît volontairement et dispose de garanties de représentation. C’est fondamental.

La mise en liberté éventuelle va permettre également au détenu de se présenter dans les meilleures conditions devant le juge répressif en ayant pu préparer sa défense plus sereinement et commencé une réinsertion professionnelle et personnelle.

Dans le cadre de la situation particulière d’une comparution immédiate, le détenu comparaissant écroué, risque de subir des réquisitions du procureur de la République demandant une condamnation assortie du mandat de dépôt. Il faudra donc insister sur le caractère inutile du maintien en détention si toutefois le dossier le permet. L’indépendance du tribunal, la plaidoirie de l’Avocat ainsi que les garanties de représentations seront ici fondamentales pour éviter cette situation.

Toujours dans le cas de la comparution immédiate, le détenu placé en détention provisoire dans l’attente de son jugement, pourra également saisir le tribunal correctionnel d’une demande de mise en liberté en attendant sa comparution.

I- La demande de mise en liberté suite à une condamnation devant le tribunal correctionnel.

L’article 148-1 du Code de procédure pénale dispose :

« La mise en liberté peut aussi être demandée en tout état de cause par toute personne mise en examen, tout prévenu ou accusé, et en toute période de la procédure.

Lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la liberté provisoire ; avant le renvoi en cour d’assises et dans l’intervalle des sessions d’assises, ce pouvoir appartient à la chambre d’accusation.

En cas de pourvoi et jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation, il est statué sur la demande de mise en liberté par la juridiction qui a connu en dernier lieu de l’affaire au fond. Si le pourvoi a été formé contre un arrêt de la cour d’assises, il est statué sur la détention par la chambre d’accusation.

En cas de décision d’incompétence et généralement dans tous les cas où aucune juridiction n’est saisie, la chambre d’accusation connaît des demandes de mise en liberté ».

Les dispositions du présent article sont limpides. Toute personne, à tout moment, peut solliciter sa mise en liberté. Ceci appel le commentaire suivant, les mots « en tout état de cause » englobent toutes les situations privatives de liberté :
- L’instruction préparatoire qui est régie par d’autres dispositions du Code de procédure mais que nous n’abordons pas dans la présente
- Un prévenu condamné par un Tribunal Correctionnel
- Un accusé condamné par une Cour d’assises
- Un prévenu placé en détention provisoire en attente de son jugement après un renvoi de droit qu’il aurait sollicité

Dans le cadre d’un prévenu condamné par un tribunal correctionnel, celui-ci disposera d’un délai de 10 jours pour interjeter appel de cette décision soit par l’intermédiaire de son Avocat qui pourra procéder à une déclaration d’appel au greffe du tribunal correctionnel, soit le détenu condamné aura également la faculté d’interjeter appel auprès du greffe de la maison d’arrêt dans laquelle il est incarcéré.

Une fois la déclaration d’appel enregistrée, il s’agira de dépose, toujours au même greffe, une demande de mise en liberté. Dans ce cas aussi, le détenu pourra la rédiger lui-même. Néanmoins, nous déconseillons fortement aux détenus de procéder ainsi. Comment en effet pourrait-il développer un argumentaire juridique soutenu, soulevant des éventuelles omissions de la juridiction, et surtout produire des garanties de représentation indispensables ?

De telles garanties sont les suivantes :

La conversation des preuves ou des indices matériels :

Si des perquisitions ont eu lieu, saisies des téléphones, transmissions interceptées ou bien des sonorisations, la juridiction aura à cœur de s’assurer que la remise en liberté ne va pas altérer des preuves.

Le risque de pression sur les témoins ou victimes :

L’éloignement est ici la meilleure solution. Même si les progrès technologiques permettent des contacts à distance par des systèmes de plus en plus évolutifs, l’éloignement géographique est une condition sine qua non.

La garantie de comparution à la disposition de la justice : 

Une situation professionnelle qui démontrera que le détenu ne sera pas oisif à sa sortie (en accord avec une formation il faut prouver une certaine cohérence) et sur le plan familial, une adresse existante, pointage au commissariat ou à la gendarmerie du lieu de résidence, un bracelet électronique.

Il sera également important de démontrer que le contexte délictuel qui a pu mener à la commission de l’infraction n’existe plus ou que tout sera mis en œuvre pour y remédier.

Le risque de concertation en cas de pluralité d’auteurs.

En cas de pluralité d’auteurs, il n’est pas anodin de préciser que le détenu devra accepter et proposer toute interdiction d’entrée en contact avec toutes personnes impliquées pour les faits qui vont être jugés. C’est ici un élément majeur.

L’étude et la mise en place de cette stratégie doivent se faire avec le concours d’un Avocat chargé de rédiger une demande de mise en liberté qui sera formée au visa de l’article 148-1 du Code de procédure pénale.

Celle-ci reprendra le déroulé des faits ayant débouché à la condamnation, et devra se contenter d’expliquer en quoi, en tant que détenu présumé innocent, sa remise en liberté n’altérera pas la manifestation de la vérité, ne perturbera en rien les éventuelles victimes et surtout comparaîtra à l’audience décidée par le tribunal correctionnel. C’est un point cardinal.

Une fois la demande enregistrée, le tribunal correctionnel disposera d’un délai de dix jours pour statuer sur la demande tel que le prévoit l’article 148-2 du Code de procédure pénale qui dispose :

« Toute juridiction appelée à statuer, en application des articles 141-1 et 148-1, sur une demande de mainlevée totale ou partielle du contrôle judiciaire ou sur une demande de mise en liberté se prononce après audition du ministère public, du prévenu ou de son avocat ; le prévenu non détenu et son avocat sont convoqués, par lettre recommandée, quarante-huit heures au moins avant la date de l’audience.

La juridiction saisie, selon qu’elle est du premier ou du second degré, rend sa décision dans les dix jours ou dans les vingt jours de la réception de la demande ; toutefois, lorsqu’au jour de la réception de cette demande, il n’a pas encore été statué sur une précédente demande de mise en liberté ou sur l’appel d’une précédente décision de refus de mise en liberté, le délai de dix ou vingt jours ne commence à courir qu’à compter de la décision rendue par la juridiction compétente ; faute de décision à l’expiration de ce délai, il est mis fin au contrôle judiciaire ou à la détention provisoire, le prévenu, s’il n’est pas détenu pour autre cause, étant mis d’office en liberté.

La décision du tribunal est immédiatement exécutoire nonobstant appel ; lorsque le prévenu est maintenu en détention, la cour se prononce dans les vingt jours de l’appel, faute de quoi le prévenu, s’il n’est pas détenu pour autre cause, est mis d’office en liberté ».

Le détenu sera convoqué ainsi que son Avocat afin de recueillir leurs observations orales.

Comme nous l’avons précisé, il est extrêmement fortement conseillé de produire un éloignement géographique du lieu où se sont déroulés les faits afin de tranquilliser la victime notamment. Des garanties relatives au travail seront très appréciées ainsi que des attaches familiales réelles.

Si la demande est acceptée, le détenu comparaîtra libre et pourra donc modifier considérablement la physionomie du procès.

Lorsque le procureur de la République prendra ses réquisitions, il sera difficile pour lui de justifier une condamnation assortie d’un mandat de dépôt dès lors que le prévenu comparaît librement et volontairement. Il sera aisé pour l’Avocat de la défense d’arguer qu’une telle demande ne tient pas puisque le détenu est présent à la barre. Donc en cas de peine de prison aménageable par le Juge d’application des peines, le risque que le détenu ne comparaisse pas sera réduit à néant.

Nous répétons toutefois que lorsqu’un prévenu comparaît détenu, notamment en comparution immédiate, les chances pour que le mandat de dépôt soit prononcé sont fortes.

La situation est assez identique pour les accusés comparaissant devant la Cour d’assises néanmoins, la nature criminelle des affaires jugées, rend le risque d’incarcération très probable.

II- La demande de mise en liberté suite à une condamnation devant le tribunal correctionnel.

Toujours au visa de l’article 148-1 et 2 du Code procédure pénale, un accusé détenu peut, après avoir été condamné par une Cour d’assises solliciter sa mise en liberté.

Il devra interjeter appel auprès du greffe de la Cour d’assises par déclaration au greffe par le biais de son avocat ou directement au greffe du centre de détention où il demeure.

Comme le prévoit l’article 148-1 du Code de procédure pénale, la juridiction qui va statuer sur une demande de mise en liberté après une condamnation prononcée par une cour d’assises, est la Chambre de l’instruction lorsque, la demande est formée avant que la cour d’assises d’appel ne soit réunie.

La Chambre de l’instruction une fois saisie disposera d’un délai de deux mois pour rendre sa décision.

Si la mise en liberté est demandée pendant une cession d’assises en cours, la cour d’assises interrompra ses débats pour statuer sur la présente demande. A noter que cette demande est rarissime.

En matière criminelle, il est fréquent que l’accusé comparaisse détenu. Dans cette situation, la remise en liberté sera toujours bénéfique pour la préparation sereine de sa défense, mais, contrairement à la matière correctionnelle, en cas de condamnation, la cour d’assises n’hésitera pas à assortir celle-ci d’un mandat de dépôt.

Dans tous les cas, que ce soit en matière correctionnelle ou criminelle, la remise en liberté sera assortie d’obligations strictes telles qu’une assignation à résidence ou un placement sous contrôle judiciaire.

Il est important également de préciser, dans le présent cas, que la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation est univoque et ne souffre d’aucune divergence significative depuis plusieurs années. Il est demandé aux chambres de l’instruction et tribunaux correctionnel, d’évaluer le risque d’une non-comparution ou fuite et de les justifier. Ces juridictions devront également dire en quoi les garanties de représentation proposées seront insuffisantes.

Pour exemple, il a été retenu que la Chambre de l’instruction doit se prononcer, en droit comme en fait, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’assignation à résidence avec surveillance électronique pour rejeter valablement une demande de mise en liberté [1].

Outre le désir ardent de chacun pour recouvrir la liberté, il est déterminant de mettre en place une stratégie judiciaire viable qui devra anticiper au maximum les peines encourues mais également la crédibilité d’une demande faite simplement pour obérer une juridiction ou à titre dilatoire.

Toutes les affaires étant différentes eu égard notamment à la complexité de nombreux critères (personnalité du prévenu, gravité des faits, éléments atténuants, bonne foi, récidive…), il faudra regarder la réalité en face ou, bien au contraire, saisir une opportunité concrète.

Un avocat pénaliste pourra vous donner des conseils précieux quant à l’opportunité d’une telle demande.

Samir Hamroun Avocat à la Cour [->samirhamroun.avocat@yahoo.fr]

[1Cass crim 10 juillet 2013, n°13-82.935.

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