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La séquence ERC gagne du terrain. Par Elise Fromont et Audran Perrin, Avocats.
Parution : jeudi 14 janvier 2021
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Par un arrêt mentionné aux tables du 30 décembre 2020 (Association Koenigshoffen Demain, n°432539), le Conseil d’Etat vient d’étendre un peu plus l’obligation de prévoir des mesures ERC aux travaux, ouvrages et aménagements [1].
La séquence "Eviter, Réduire et Compenser" qui fêtera cette année ses 45 ans [2] se retrouve aujourd’hui notamment à l’article L.110-1 II. 2° du Code de l’environnement.

Si l’article 3 de la Charte de l’Environnement y fait référence, la jurisprudence administrative l’a très rapidement prise en compte pour l’appliquer d’une manière de plus en plus pragmatique. L’arrêt du 30 décembre 2020 en est une nouvelle illustration.

Dans l’arrêt d’espèce, le Maire de la Ville de Strasbourg a, par un arrêté en date du 3 novembre 2015, délivré un permis de construire à la société Frank Immobilier pour la construction de plusieurs bâtiments d’habitation à l’ouest du centre-ville de la commune.

Une association a par la suite demandé au Tribunal administratif de Strasbourg d’annuler ledit permis. La demande a toutefois été rejetée au motif, notamment, que l’article R122-14 du Code de l’environnement ne pouvait être utilement invoqué à l’encontre d’un permis de construire délivré après étude d’impact.

Pour rappel l’article R122-14 du Code de l’environnement dans sa version applicable au litige disposait notamment que la décision d’autorisation, approbation ou exécution d’un projet doit mentionner les mesures afin d’éviter, réduire ou compenser les effets négatifs d’un projet sur l’environnement ou la santé humaine.

C’est ce raisonnement que le Conseil d’Etat va sanctionner.

En effet, par lecture combinée des articles L424-4 du Code de l’urbanisme et L122-1, R122-2 et R122-14 du Code de l’environnement, le Conseil d’Etat va estimer qu’un projet autorisé par un permis de construire et soumis à étude d’impact doit être assorti de prescriptions spéciales imposant au pétitionnaire les mesures appropriées et nécessaires afin de respecter le principe de prévention destiné à éviter, réduire et quand cela est possible compenser les effets négatifs du projet de construction ou d’aménagement sur l’environnement ou la santé humaine.

Il en résulte donc une réelle obligation, sous peine d’illégalité, de prévoir cette séquence ERC en cas d’autorisation d’urbanisme soumise à étude d’impact.

De plus, l’autorisation d’urbanisme devra tout autant prévoir des prescriptions spéciales imposant des mesures de suivi des effets du projet sur l’environnement ainsi que des mesures ERC en réponse à ces effets.

Dès lors, la méconnaissance de l’article R122-14 du Code de l’environnement peut être invoquée à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme soumise à étude d’impact.

La décision a le mérite d’être pragmatique en imposant le fait de tirer les conséquences des effets négatifs d’un projet constatés par l’étude d’impact. La réponse apportée se doit donc d’être en résonance avec l’étude qui a précédé la délivrance du permis de construire.

Pratiquement un an jour pour jour après la décision du Conseil Constitutionnel élevant la protection de l’environnement au rang d’objectif à valeur constitutionnel [3], on ne peut, à ce stade, que saluer cette décision qui permet d’apporter une effectivité réelle de la séquence ERC et de plus harmoniser et rendre cohérent les objectifs poursuivis depuis plusieurs années par le législateur et l’Union européenne dans la protection de l’environnement.

Exit donc tout questionnement autour de l’indépendance des législations compte tenu du fait que l’article L424-4 du Code de l’urbanisme fait le lien entre la séquence ERC de la législation du droit de l’environnement et la délivrance des autorisations d’urbanisme.

Cette application reste toutefois, pour l’heure, limitée aux seules autorisations d’urbanisme délivrées après étude d’impact.

Par cette décision le Conseil d’Etat affirme donc encore un peu plus sa jurisprudence tendant à un contrôle des décisions administratives au regard de la séquence ERC. En effet par un arrêt du 9 juillet 2018 [4], les juges du Palais Royal avaient déjà entendu imposer aux DUP le respect de cette séquence, du moins dans ses grandes lignes [5].

Elise Fromont et Audran Perrin, Avocats. Hélios Avocats

[1ERC pour : "Eviter, Réduire et Compenser".

[2Première apparition par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.

[5Voir en ce sens considérants 32 à 34 de l’arrêt du 9 juillet 2018.