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Exercice d’une activité d’intérêt général : que choisir, association ou société à mission ? Par Elsa Haddad et Ikram Baba, Avocats.
Parution : mardi 19 janvier 2021
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L’introduction de la société à mission par la loi Pacte du 22 mai 2019 a permis à une société de se mettre au service de l’intérêt général en se dotant d’une raison d’être et de suivre des objectifs sociaux et environnementaux, de sorte que les sociétés qui ont ce statut se rapprochent des associations, qui sont par nature essentiellement tournées vers l’exercice d’activités d’intérêt général.

Dans ces conditions, laquelle de ces deux structures juridiques est la plus adaptée pour exercer une mission d’intérêt général ?

Ce choix entraîne des répercussions importantes sur le plan juridique et fiscal, et il est important d’en avoir connaissance avant d’opter pour la mise en place de l’une ou l’autre de ces structures et de se faire accompagner par un professionnel.

Cet article a vocation à vous présenter les principales caractéristiques de l’association et de la société à mission afin d’orienter au mieux votre choix.

A- Le critère déterminant du partage ou non des bénéfices.

A titre préliminaire, il est nécessaire de rappeler que la distinction majeure entre l’association et la société à mission est la possibilité ou non de partager les bénéfices. En effet, l’association est « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices » [1] tandis que la société est

« instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter » [2].

L’association et la société poursuivent donc des objectifs opposés.

Le statut de l’association lui permet certes de bénéficier d’une exonération des impôts commerciaux en vertu de l’article 261 du Code général des impôts, mais elle est soumise au principe de gestion désintéressée dans la poursuite de sa mission d’intérêt général qui lui interdit la recherche de profit et de redistribuer ses bénéfices à ses membres.

La société est quant à elle créée dans un but lucratif, mais est soumise aux impôts commerciaux.

Néanmoins, depuis la loi Pacte du 22 mai 2019, le législateur a donné la possibilité à une entreprise de poursuivre une mission d’intérêt général en adoptant une raison d’être et le régime de la société à mission [3], ce qui permet à cette dernière d’œuvrer pour la résolution d’un problème social ou environnemental en mettant son modèle économique au service de cette mission, tout en conservant pour ses associés le droit de partager les bénéfices tirés de son activité.

Adopter le régime de la société à mission permet donc à une société de se fixer des objectifs visant plus loin que le simple partage des bénéfices entre les associés et de concilier d’une part, le recueil des bénéfices par les associés, et d’autre part, la poursuite d’objectifs d’intérêt général, tout en conservant la souplesse de fonctionnement des sociétés commerciales, notamment en matière de rémunération des dirigeants.

B- Impact du choix de la structure sur la rémunération du dirigeant.

Le principe de gestion désintéressée propre aux associations a pour corollaire une obligation de gestion bénévole, qui impose que les dirigeants d’association exercent normalement leurs fonctions sans être rémunérés. Il reste cependant permis au dirigeant d’une association d’obtenir une rémunération au titre de ses fonctions sans que soit remis en cause le caractère non-lucratif de celle-ci, mais cette rémunération est strictement encadrée par la loi. Il faut de plus que cette rémunération soit prévue dans les statuts de l’association et qu’une décision de l’organe délibérant ait expressément décidé le montant de cette rémunération à la majorité des deux tiers de ses membres.

A ce titre, deux dispositifs sont prévus pour la rémunération des dirigeants d’associations :
- Le premier dispositif est applicable à toutes les associations, et autorise une rémunération du dirigeant à hauteur maximale des ¾ du Smic, soit 1 154,56 euros brut par mois ;
- Le second dispositif concerne les associations dont la moyenne annuelle des ressources sur les trois derniers exercices clos est au minimum égale à 200 000 euros (hors ressources relevant de versements de personnes morales de droit public). Dans ce cas, l’association peut rémunérer le ou les dirigeants en fonction de ses ressources, avec toutefois une limite de 10 284 euros brut par mois en 2021.

En revanche, dans le cadre de la société à mission, comme dans toute société commerciale, la rémunération du dirigeant peut être fixe ou variable et ainsi être établie en fonction du chiffre d’affaires réalisé ou des ressources de la société, et être proportionnelle à l’activité fournie par le dirigeant dans la société [4].

Contrairement à la rémunération du dirigeant de l’association, il n’existe pas de plafond à la rémunération du dirigeant de société, toutefois, une rémunération manifestement disproportionnée de ce dernier pourrait être considérée comme un abus de bien social ou comme dépourvue de contrepartie au sens de l’article 1169 du Code civil.

Il est à noter que dans le cadre de la société par actions simplifiée, le dirigeant peut aussi être rémunéré par le biais d’un contrat de prestations de services conclu avec la société, notamment en mettant en place un contrat de prestations de services conclu entre une société mère « prestataire » et une société fille « bénéficiaire ».

Cette pratique n’est pas autorisée dans le cadre d’une association, sauf à perdre le caractère non lucratif de cette dernière, la jurisprudence considérant que présente un caractère lucratif

« une association à laquelle son directeur salarié et dirigeant de fait a vendu, directement ou par l’intermédiaire d’une société dont il est le gérant, des biens ou des prestations de services » [5].

Pour résumer, le statut d’association permet à ce type de structure une exonération des impôts commerciaux en vertu de l’article 261 du Code général des impôts et d’obtenir divers financements (dons, subventions, etc..). Cependant, l’association est limitée dans son fonctionnement par les conditions établies par la loi pour conserver son caractère non-lucratif, à défaut de quoi elle pourra être requalifiée en société de fait et deviendra en conséquent soumise aux impôts commerciaux, comme les sociétés commerciales.

Aussi, si vous envisagez de tirer profit de l’activité d’intérêt général de votre structure, il est préférable d’envisager la création d’une société à mission. Ce statut vous permettra d’accroître la visibilité de votre société et de mettre en avant ses engagements pour l’intérêt collectif, tout en bénéficiant de la flexibilité de fonctionnement des sociétés commerciales.

Notre équipe se tient à votre disposition pour vous orienter quant aux choix de la structure juridique la plus adaptée à votre projet et pour effectuer l’ensemble des formalités afférentes à la création d’une association ou d’une société à mission.

Elsa HADDAD & Ikram BABA Avocat 25, rue Coquillière 75001 PARIS Toque C0016 www.elsahaddad-avocats.fr

[1Article 1 de la loi du 1er juillet 1901.

[2Article 1832 du Code civil.

[3Article L210-10 du Code de commerce.

[4Articles L225-45 et L225-83 du code de commerce.

[5CE 13-7-2007 n°282054.

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