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La place du contradictoire dans les relations URSSAF/cotisants. Par Camélia Mekkiou, Juriste.
Parution : mercredi 20 janvier 2021
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Le respect de la période contradictoire est probablement l’un des droits les plus importants accordés au cotisant. Encadrée par les dispositions du Code de la sécurité sociale, elle lui permet de bénéficier d’une période d’échanges avec l’inspecteur afin d’évoquer les constats réalisés à la suite du contrôle (I).

Toutefois, si le cotisant engage une action contentieuse contre l’organisme chargé du contrôle, le contradictoire dont il bénéficiera sera celui prévu par le Code de procédure civile, même si la Cour de cassation semble lui avoir récemment mis un coup d’arrêt (II).

I. La prépondérance du contradictoire lors du contrôle URSSAF.

L’inspecteur chargé du contrôle se trouve dans l’obligation de mentionner dans la lettre d’observation l’existence du délai de 30 jours qui s’offre au cotisant pour répondre aux observations. Cette formalité étant substantielle à la sauvegarde des droits de la défense, il a été reconnu que toute omission de la mention dudit délai entrainera la nullité de la mise en demeure adressée ultérieurement à l’entreprise [1].

Au cours de cette période, le cotisant pourra faire part de ses remarques, apporter des éléments nouveaux ou marquer son désaccord [2]. Soucieux de renforcer l’efficacité de ce droit, le législateur a permis au cotisant de solliciter la prolongation de ce délai jusqu’à 60 jours [3].

Une fois le délai de 30 ou 60 jours expiré, il recevra de la part de l’organisme chargé du recouvrement une décision confirmant la position prise dans la lettre d’observation, une mise en demeure ou une notification de crédit pour le remboursement ultérieur des sommes qu’il s’est indument acquittées [4].

II. Vers un affaiblissement du contradictoire dans le contentieux cotisant/URSSAF ?

Dès l’introduction du contentieux, les règles de procédure civile se substituent à celles du Code de la sécurité sociale et s’appliqueront pendant toute la durée de la procédure judiciaire. Dès lors, il sera permis au cotisant de rapporter des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves au succès de sa prétention [5].

Par plusieurs arrêts successifs, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a appliqué strictement ce principe en reconnaissant la faculté pour l’employeur de présenter de nouvelles pièces justificatives devant la juridiction saisie de son recours [6].

Toutefois, dans un arrêt de ce début d’année, la Cour de cassation a admis que le cotisant ne pouvait, dans le cadre d’une contestation judiciaire d’un redressement, soumettre au juge de nouvelles preuves matérielles inexploitées ou indisponibles lors du contrôle. Par conséquent, elle a considéré que les pièces versées aux débats à hauteur d’appel par la société devaient être écartées dès lors que le contrôle était clos après la période contradictoire [7].

Au-delà du simple fait d’entraver les règles générales de procédure civile, la justification des magistrats du siège semble quelque peu problématique. En effet, ces derniers déclarent irrecevables les nouvelles pièces apportées par l’entreprise au motif qu’elles n’ont pas été soumises aux inspecteurs lors de la période contradictoire engagée à compter de la réception de la lettre d’observation.

Ainsi, il semblerait que la Haute juridiction opère une confusion manifeste entre la période contradictoire faisant suite à la réception de la lettre d’observation et régie par les dispositions du Code de la sécurité sociale, et le contradictoire applicable à tous les justiciables et encadré par les règles de procédure civile précitées.

En l’état, cette décision porte plus généralement atteinte au droit à un procès équitable en ce qu’elle empêche le cotisant d’apporter de nouvelles pièces pour assurer sa défense.

Toutefois, il parait difficile de considérer que cet arrêt marquera le tournant définitif d’une tendance jurisprudentielle qui semblait acquise et respectueuse des règles de procédure civile.

Camélia Mekkiou, Juriste droit social

[1Cass. soc., 3 mars 1994, n°91-19.150.

[2CSS, art. L243-7-1 A et R243-59.

[3Décret n°2019-1050 du 11 octobre 2019 relatif à la prise en compte du droit à l’erreur par les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale, art. 2 et CSS, art. R243-59.

[4CSS, art. R243-59.

[5CPC, art. 563.

[6Cass. soc., 31 janvier 2002, n°00-16.124 et Cass. civ. 2., 28 mai 2020, n°19-12.597.

[7Cass. civ. 2., 7 janvier 2021, n°19-19.395, F-D.

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