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L’obligation de non concurrence du dirigeant. Par Anthony Guindet, Avocat
Parution : mercredi 20 janvier 2021
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Le régime de l’obligation de non concurrence du dirigeant diffère selon que celui-ci soit encore (A) ou non (B) dirigeant de la société.

A. L’obligation de non concurrence du dirigeant pendant son mandat.

Aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au dirigeant de respecter une obligation de non concurrence.

Toutefois la jurisprudence a consacré, en se fondant sur l’obligation de loyauté du dirigeant, une obligation de non concurrence de plein droit.

L’obligation de non concurrence pèse sur le dirigeant sans que soient exigés des actes de concurrence déloyale ou une violation d’une disposition conventionnelle spécifique.

Le dirigeant ne peut en aucun cas, pendant son mandat, développer une activité concurrente à celle de la société qu’il dirige.

L’activité concurrente s’entend de la situation dans laquelle se trouve une personne ou une société par rapport à une ou plusieurs autres lorsque, tout en faisant des profits, elle peut rivaliser avec elles en offrant un service ou un produit au moins équivalent pour un prix au moins égal.

B. L’obligation de non concurrence du dirigeant après son mandat.

L’obligation de non concurrence ne perdure pas à la cessation du mandat social. Le dirigeant peut donc développer une activité concurrente de celle de la société pour laquelle il exerçait son mandat.

Toutefois deux réserves existent :

Première réserve : La stipulation d’une obligation de non concurrence dans une convention (dans les statuts ou un pacte par exemple). Le non respect d’une telle stipulation peut entrainer la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du dirigeant.

Pour être valide, la clause de non concurrence stipulée à l’égard d’un dirigeant ne doit pas l’empêcher de continuer à exercer une activité professionnelle et doit donc être limitée dans le temps, dans l’espace et proportionnée aux objectifs recherchés (elle n’a pas besoin d’être rémunérée sauf si le dirigeant est également salarié).

Celui qui s’estime victime de la violation d’une obligation contractuelle de non concurrence peut réclamer l’allocation de dommages-intérêts. Ceux-ci sont alloués par le juge sur le seul constat de l’inexécution de l’engagement. La société n’a donc pas à rapporter la preuve d’un préjudice.

Celui qui s’estime victime de la violation d’une obligation contractuelle de non concurrence peut, en plus des dommages et intérêts, demander l’arrêt de la violation de la clause, à savoir la cessation de l’activité professionnelle ou la fermeture du fonds qui viole l’obligation de non concurrence.

Seconde réserve : le dirigeant, tout en retrouvant sa liberté lorsqu’il cesse ses fonctions, doit s’abstenir de tout acte de concurrence déloyale.

Au vu de la Jurisprudence, constitue notamment un acte de concurrence déloyale :
- le fait de débuter effectivement son activité concurrente avant la cessation de ses fonctions ;
- le fait d’entrainer une confusion dans l’esprit du public entre la nouvelle activité et la société dont il était le dirigeant ;
- le fait de détourner des clients ou des commandes par un procédé déloyale (confusion dans l’esprit de la clientèle du concurrent, imitation, dénigrement) ;
- le fait de dénigrer son ancien employeur en diffusant des informations malveillantes ;
- le fait de débaucher plusieurs anciens collègues, entraînant une désorganisation chez l’ancien employeur.

Cette obligation de non concurrence ne diffère pas de celle qui pèse sur les autres concurrents de l’entreprise et oblige en conséquence l’ancien dirigeant à s’abstenir de tout acte ou tout comportement contraire aux usages honnêtes du commerce.

Toutefois, le comportement de l’ancien dirigeant sera analysé en considération de ses fonctions passées, dans la mesure où ce dernier n’est pas un concurrent ordinaire, de sorte que la relation entretenue avec l’ancienne société obligera les juges à bien distinguer l’acte qui a été réalisé au moyen d’informations privilégiées sur la société concurrente, de l’acte qui relève de l’expérience qu’a pu légitiment acquérir le dirigeant lorsqu’il exerçait encore ses fonctions sociales dans la société.

Maître Anthony Guindet Avocat en droit des affaires anthony.guindet@jaso.fr https://anthony-guindet-avocat.business.site