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Garantie bancaire à première demande et bail commercial. Par Jonathan Durand et Donato Sirignano, Avocats.
Parution : mardi 26 janvier 2021
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Garantie de la garantie de passif, du bail commercial ou dans d’autres circonstances, la garantie à première demande (GAPD), généralement bancaire, offre une sécurité sans pareille au créancier qui peut obtenir le versement d’une somme d’argent sur simple demande.

Selon l’article 2321 du Code civil,

« La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.
Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre.
Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.
Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie
 ».

Cette GAPD peut être mise en place en garantie des obligations du preneur (donneur d’ordre) au titre d’un bail commercial.

Pour le preneur, l’inconvénient de cette garantie réside (i) dans l’obligation qu’il a de verser, auprès de la banque garante, une somme équivalente au montant de la garantie et (ii) dans l’impossibilité qu’il aura de s’opposer au paiement, sauf cas d’abus/fraude/collusion (avec le donneur d’ordre) du bailleur.

Côté bailleur, bénéficiaire de la GAPD, celle-ci est la garantie idéale qui, selon la formulation du contrat, lui permettra de solliciter le versement de la somme prévue avec ou sans justification, selon le formalisme convenu. Cet avantage sera d’autant plus appréciable en cas de procédures collectives. S’agissant d’une garantie bancaire à première demande, les dispositions des articles L611-10, L622-28 et L628-11 du Code de commerce n’ont pas vocation à s’appliquer (ce qui ne sera pas le cas d’une garantie à première demande souscrite par une personne physique).

L’objet du présent article est de donner les clés de compréhension au bailleur non accompagné d’un conseil lors de la signature de tels engagements.

L’attention du bailleur est particulièrement attirée sur les points suivants :
- Pouvoirs du donneur d’ordre : le bailleur devra veiller à obtenir la communication par le preneur personne morale de l’autorisation (assemblée ou signature par le représentant légal si celui-ci a le pouvoir de conclure une telle garantie) ;

- Formulation de l’objet de la GAPD : attention à la formulation de l’objet de la garantie puisque celle-ci portera sur, par exemple, toute somme dont le bénéficiaire de la GAPD exigerait le paiement ;

- GAPD et article L145-40 du Code de commerce : il ne semble pas que le montant de cette garantie soit pris en compte pour le calcul des loyers payés d’avance portant intérêts au bénéfice du preneur mentionnés par l’article L145-40 du Code de commerce [1] ;

- Montant de la GAPD : Les parties ont une totale liberté pour fixer comme elles l’entendent le montant de la GAPD.
Il peut être opportun, du moins pour le preneur, de prévoir un montant décroissant à mesure que les années passent (garantie dite « glissante ») ;

- Durée de la GAPD : là encore, les parties sont libres de fixer une durée qui peut être déterminée ou indéterminée, mais dans ce dernier cas, en vertu du principe d’interdiction des engagements perpétuels, il conviendra de prévoir un délai de préavis pour la résiliation (attention dans ce cas, puisque le droit commun s’applique, à la prescription de 5 ans à compter de l’émission de la GAPD à défaut de durée déterminée).
Généralement, la durée de la GAPD sera fonction de la durée du contrat de bail commercial (le bailleur veillera, s’agissant d’une garantie autonome, à fixer un délai en mois/années sans référence expresse au contrat de bail).
Le bailleur devra se montrer prudent, s’agissant d’une garantie autonome et compte tenu de ce que des dettes peuvent survenir postérieurement au terme du bail (et qu’il existe un droit au renouvellement), lorsqu’il déterminera la durée de la GAPD. Il lui sera possible de solliciter (i) une prorogation de la GAPD, ce d’autant que le créancier, puisqu’il s’agit d’une garantie à première demande, pourra exiger son paiement ou (ii) une nouvelle GAPD de la part du nouveau preneur (en cas de cession de droit au bail ou du fonds de commerce) ;

- Autonomie de la GAPD : si les références au contrat de bail commercial sont possibles dans la GAPD, il ne faut pas que ces références impliquent une appréciation des modalités d’exécution dudit bail pour l’évaluation des montants garantis, ou pour la détermination des durées de validité [2] ;

- Cumul GAPD et dépôt de garantie : ce cumul est licite s’agissant d’un bail commercial (contrairement au bail d’habitation, il n’existe aucune interdiction de cumul en matière de baux commerciaux).

Jonathan Durand, Avocat [->contact@jonathandurandavocat.com] Donato Sirignano Avocat européen aux barreaux de Paris et de Benevento (Italie) [->sirignano.donato@gmail.com]

[1Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 octobre 1995, n° 94-4516.

[2Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 30 janvier 2001, n° 98-22.060.

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