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Faire reconnaitre et interrompre la prescription d’une dette commune durant le divorce. Par Sophie Risaletto, Avocat.
Parution : mercredi 27 janvier 2021
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Les opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux sont dans les divorces contentieux (ceux autres que par consentement mutuel) souvent traitées après le prononcé du divorce par le Juge aux Affaires Familiales.

Cependant, le conflit entre époux se poursuit après cette procédure de divorce lorsqu’il faut liquider le régime matrimonial et partager les biens communs des époux, la seule solution est alors de ressaisir le Juge aux Affaires Familiales.

Pourtant, il y a de nombreux avantages à faire trancher les points en litige sur les intérêts pécuniaires des époux durant la procédure de divorce.

Dans son arrêt du 2 décembre 2020, la Cour de Cassation fait droit à la demande du mari d’inscrire la dette commune au passif des époux mettant en exergue que la prescription extinctive à l’obligation de « remboursement » peut être interrompue par la reconnaissance de l’épouse de l’absence de paiement de ladite dette dans un dire adressé au notaire-liquidateur [1].

Hormis le cas où un accord a été trouvé pendant l’instance en divorce sur la liquidation et le partage de leur régime matrimonial, l’ouverture de ces opérations a lieu après le prononcé du divorce afin d’éviter un allongement de cette procédure et privilégier un accord amiable entre les ex-époux.

Néanmoins, leur patrimoine commun ou indivis reste à partager.

Des difficultés liquidatives ou désaccords entre les ex-époux peuvent survenir ou subsister durant cette phase amiable et ces derniers doivent alors saisir, de nouveau, le juge aux affaires familiales pour qu’il les tranche.

Le juge va alors désigner un notaire-liquidateur et homologuera les accords qui ont pu être trouvés lors des opérations de partage judiciaire ou tranchera les points de désaccords persistants.

Les époux, certes peu conciliants, auront alors « subi » deux procédures judiciaires avant d’arriver à leur séparation « totale », sans compter le risque de dépréciation, voire de « disparition », de l’actif commun à se partager.

C’est pourquoi, il est conseillé de demander durant la procédure de divorce la désignation d’un notaire sur le fondement de l’article 255 10° du Code Civil lorsque les époux ont un patrimoine commun important ou/et que des désaccords sur la liquidation de leur régime matrimonial sont déjà présents.

Le Juge aux Affaires Familiales saisi du divorce demandera ainsi au notaire de dresser un projet de liquidation des intérêts pécuniaires des époux.

Il conviendra alors de prêter attention à ce que le notaire commis indique clairement dans son projet d’acte les points sur lesquels les époux restent en désaccords et leurs arguments respectifs.

Sur demande de l’époux dans ses conclusions, le juge du divorce pourra alors trancher les points pécuniaires restants en litige, prononcer le divorce et désigner un notaire pour dresser un acte de partage (sur la base du projet du notaire-commis et en fonction de la décision prise par ledit juge).

Dans l’arrêt du 2 décembre 2020, les époux étaient sous le régime de la séparation de biens. Ils avaient acquis ensemble un appartement au moyen de fonds leur appartenant et d’emprunt consenti par le père du mari.

Un notaire avait été nommé par le juge du divorce sur le fondement de l’article 255 10° du Code Civil.

Durant les échanges épistolaires préalables à l’établissement du projet d’acte par le notaire-commis, l’épouse avait reconnu l’existence de la dette envers le père du mari ainsi que le fait qu’elle n’avait pas été remboursée par les époux durant leur mariage.

Cependant, elle souleva la prescription de l’obligation de paiement de la dette par les époux afin que cette dernière ne soit pas inscrite au passif commun et ne vienne donc pas diminuer l’actif à se partager.

La Cour d’Appel avait rejeté la demande du mari sur le fondement que cette dette serait une créance éventuelle à l’encontre de la succession du père-prêteur et que l’époux ne pouvait pas se prévaloir de l’interruption de la prescription par le courrier de l’épouse.

La Cour de Cassation dans son arrêt du 2 décembre 2020 casse la décision d’appel.

Elle rappelle qu’au terme de l’article 2240 du Code Civil

« la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ».

Puis, la Cour de Cassation indique que la prescription extinctive peut être interrompue par la reconnaissance d’un époux d’une dette commune dans un dire adressé au notaire-liquidateur s’il contient l’aveu non-équivoque de l’absence de paiement.

La Cour de renvoi sur cassation devrait conséquemment inscrire la dette au passif commun des époux et l’acte de partage des intérêts pécuniaires des époux pourra être dressé par un notaire.

Votre avocat peut vous conseiller sur la stratégie à adopter durant votre procédure de divorce pour faciliter le partage de vos intérêts pécuniaires avec votre futur ex-époux.

Me Sophie Risaletto, E.I., Avocat au Barreau de Lyon, Diplômée Notaire. Site web : http://risaletto-avocats.com/

[1Civ.1, 2 décembre 2020, n°pourvoi 19-15813, publié au bulletin.