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Le délit de détournement de fonds publics. Par Avi Bitton, Avocat et Clémence Ferrand, Juriste.
Parution : lundi 8 février 2021
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Qu’est-ce que le détournement de fonds publics ?
Quelles sont les peines encourues ?

Il n’existe pas d’article dans le Code pénal visant uniquement, en tant que tel, le détournement de fonds publics mais :
- L’article 432-15 du Code pénal réprime la destruction, la soustraction et le détournement de biens - dont le détournement de fonds publics - commis par un agent public :

« Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l’un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit de l’infraction. (...) » ;


- L’article 432-16 du Code pénal réprime la destruction, la soustraction et le détournement de biens - dont le détournement de fonds publics - commis par un tiers en raison de l’imprudence d’un agent public :

« Lorsque la destruction, le détournement ou la soustraction par un tiers des biens visés à l’article 432-15 résulte de la négligence d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, d’un comptable public ou d’un dépositaire public, celle-ci est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » ;


- Enfin, l’article 433-4 du même Code réprime la destruction, la soustraction et le détournement de biens contenus dans un dépôt public - dont le détournement de fonds publics - commis par un tiers au bénéfice d’un agent public :

« Le fait de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou des effets, pièces ou titres en tenant lieu ou tout autre objet, qui ont été remis, en raison de ses fonctions, à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, à un comptable public, à un dépositaire public ou à l’un de ses subordonnés, est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. (...) ».

Le détournement de fonds publics apparaît donc comme l’une des hypothèses de détournement de biens réprimée aux articles susvisés.

Partie 1 : Eléments communs des infractions de destruction, soustraction et détournement de biens.

I. Les conditions préalables communes.

Il existe deux conditions préalables communes aux trois infractions susvisées tenant à la qualité de l’auteur de l’infraction (A) et aux biens protégés (B).

A. Qualité de l’auteur de l’infraction.

La personne qui commet l’infraction doit être une personne dépositaire de l’autorité publique (1) ou chargée d’une mission de service public (2), un comptable public (3), un dépositaire public (4) ou l’un de ses subordonnés (5).

1) Personne dépositaire de l’autorité publique.

La personne dépositaire de l’autorité publique est celle qui détient un pouvoir de décision ou de contrainte sur des individus et des choses, pouvoir qu’elle manifeste dans l’exercice de ses fonctions temporaires ou permanentes et dont elle est investie par délégation de la puissance publique.

Sont concernés :
- Les représentants de l’Etat et des collectivités territoriales, à savoir, outre le président de la République : les ministres, secrétaires d’Etat et sous-secrétaires d’Etat [1], les préfets et sous-préfets [2], les hauts fonctionnaires (directeurs de cabinet ou des services de l’Etat, ou secrétaires généraux de préfecture), les représentants de l’exécutif des collectivités territoriales tels que les maires et adjoints et les présidents des conseils départementaux et régionaux [3], les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat ;
- Les agents de force de police et de gendarmerie et, plus généralement, les agents investis par la loi du pouvoir de faire exécuter les lois et règlements, au besoin par la contrainte [4] ;
- Les magistrats, y compris non professionnels, tels que les juges consulaires, les conseillers de prud’hommes, ou les assesseurs des tribunaux pour enfants, des tribunaux paritaires des baux ruraux ou encore des tribunaux des affaires de sécurité sociale ;
- Les officiers publics ou ministériels lorsqu’ils exercent les fonctions dont ils ont été investis par le gouvernement : les notaires et huissiers de justice, les avocats à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat, les commissaires-priseurs, les greffiers des tribunaux de commerce et les anciens avoués près les cours d’appel.

2) Personne chargée d’une mission de service public.

La personne chargée d’une mission de service public n’est investie d’aucun pouvoir de décision ou de commandement contrairement à la personne dépositaire de l’autorité publique. Elle peut être :
- Une personne ayant pour mission d’accomplir des actes ou d’exercer une fonction conformes à l’intérêt public. En principe, cette qualité est reconnue aux agents publics ayant pour mission d’exécuter une mission de service public. Cela vise les enseignants ou les personnels d’encadrement des établissements scolaires publics, les inspecteurs des services vétérinaires [5], les ingénieurs ruraux [6], les agents des directions départementales de l’équipement [7] ou encore les inspecteurs du permis de conduire [8] ;
- Une personne qui, sans être fonctionnaire ou agent public, est chargée d’une mission de service public. Cela vise le président d’une fédération départementale de chasseurs [9], l’interprète judiciaire assermenté [10], l’expert judiciaire [11], le président du conseil régional des notaires [12], un agent de la société EDF [13], le directeur d’une agence de la Banque Postale [14] ou encore un parlementaire [15] ;
- Un organe des procédures collectives. Cela vise les administrateurs judiciaires et mandataires-liquidateurs [16].

3) Comptable public.

Le comptable public est celui qui, au nom de l’Etat, d’un établissement public ou d’une collectivité publique, procède aux opérations de dépense, de recette, et de maniement de fonds, valeurs ou titres. Sont concernés :
- Les agents des contributions directes ou indirectes, les trésoriers-payeurs-généraux, les percepteurs et conservateurs des hypothèques mais également tous les receveurs, intendants, économes et régisseurs des administrations, par exemple : un vérificateur des contributions indirectes [17], un receveur des Postes [18], l’économe d’un établissement scolaire ou encore l’officier d’administration d’un service de santé ;
- Les présidents des conseils départementaux et régionaux et les maires lorsqu’ils ont mandat d’ordonner les dépenses ;
- Les officiers publics ou ministériels tels que les greffiers des tribunaux de commerce ;
- Les personnes désignées comme comptables de fait par la juridiction des comptes publics [19].

4) Dépositaire public.

Le dépositaire public est celui qui est chargé de recevoir, détenir et conserver les objets, les actes ou titres et les fonds visés aux articles 433-4, 432-15, et 432-16 du Code pénal remis entre ses mains en raison de ses fonctions. Sont par exemple concernés :
- Les officiers ministériels comme les anciens avoués ;
- Les notaires, notamment s’agissant des actes et pièces qui leurs sont confiés [20] ;
- Les huissiers de justice ;
- Le greffier d’un tribunal qui reçoit des scellés ou tout autre document, acte ou titre [21] ;
- L’agent des Postes à qui est confié un mandat ou une lettre missive [22] ;
- Le gardien d’un objet mis sous main de justice par l’autorité judiciaire au cours d’une instruction criminelle [23] ;
- L’officier de police s’agissant des procès-verbaux ou documents placés sous sa garde [24].

5) Subordonné d’un comptable public ou d’un dépositaire public.

Le subordonné d’un comptable public ou d’un dépositaire public est nommé par l’autorité publique en qualité d’auxiliaire des comptables publics et dépositaires publics. Un lien de subordination de l’agent doit être caractérisé, qu’il soit rémunéré par une administration ou par le comptable ou le dépositaire public lui-même.

Cette qualité a par exemple été reconnue au chef du service des finances d’une mairie, qui a pour fonction d’établir et de gérer le budget communal et de préparer les opérations de liquidation des factures, mais ne dispose pas de la signature rendant les mandats de paiement falsifiés exécutoires [25].

B. Biens protégés.

Les biens détruits, soustraits ou détournés doivent être un acte ou un titre (1), des fonds publics ou privés ou des effets, pièces ou titres en tenant lieu (2), ou tout autre objet (3).

1) Acte ou titre.

Les actes ou titres visés sont les documents pris au titre de prérogatives de puissance publique tels que :
- Les documents émanant de l’administration pris au titre de ses prérogatives de puissance publique (décret, arrêté, directive…) ;
- Les actes relatifs à la fonction publique (pièces constituant les dossiers administratifs) ;
- Les actes relatifs aux attributions de l’administration ou ceux découlant de ses activités (registres tenus par la loi, pièces judiciaires…) ;
- Les actes relatifs aux relations de l’administration avec les administrés (requête, recours gracieux…).

Il s’agit également des actes que des personnes privées confient à un dépositaire public tels que les minutes d’un notaire [26] ou un acte sous seing privé confié à un notaire et contenant des droits et obligations pour les parties [27], ou encore les titres confiés à un préposé des Postes [28].

2) Fonds publics ou privés ou effets, pièces et titres en tenant lieu.

Les fonds publics ou privés visent le numéraire en pièces ou billets de banque, qu’il ait cours en France ou à l’étranger. Peu importe que les fonds appartiennent à l’Etat, à une collectivité publique ou à une personne privée si, dans cette dernière hypothèse, ils ont été remis dans les conditions des articles 432-15, 432-16 et 433-4.

Tel est par exemple le cas de la provision pour frais d’expertise déposée par un particulier à la régie d’une juridiction [29] ou des fonds remis à un office public postal [30].

Plus précisément, les fonds publics sont les fonds qui appartiennent à l’Etat.

Quant aux effets, pièces ou titres en tenant lieu, il s’agit des valeurs qui se substituent à la monnaie comme les chèques, les billets à ordre, les lettres de change, des actes ayant une valeur pécuniaire (mandat de paiement, lettre de crédit) et des valeurs mobilières publiques ou privées (obligations, actions, bons du Trésor…).

3) Objets quelconques.

Les objets quelconques visent tous les biens mobiliers dès lors qu’ils ont été remis dans les conditions des articles étudiés, peu importe leur nature et leur forme, par exemple :
- Les objets mis sous scellés ou constituant des pièces à conviction déposés dans une juridiction [31] ;
- Les livres appartenant à une bibliothèque publique [32] ou les objets exposés dans un musée public [33] ;
- Le courrier déposé dans un bureau de Poste [34] ;
- Les archives d’une administration comme les procès-verbaux archivés dans un commissariat de police [35].

II. Un acte de destruction, de soustraction ou de détournement.

Le bien protégé doit être détruit (A), soustrait (B) ou détourné (C).

A. Destruction.

La destruction doit être entendue comme un acte ayant pour résultat de rendre le bien totalement inutilisable, dépourvu de ce qui constitue son essence en tant qu’acte ou titre, fonds, effet, pièce ou titre en tenant lieu ou objet quelconque. Les faits de simple détérioration et dégradation doivent être écartés.

Constitue par exemple un acte de destruction la lacération d’un document lui faisant perdre sa force probante ou encore la destruction partielle d’un scellé ou d’une pièce à conviction les rendant méconnaissables.

B. Détournement.

Le détournement suppose une appropriation momentanée du bien protégé par l’auteur de l’infraction. Pendant cette période, l’intéressé se comporte comme le véritable propriétaire du bien. Se substitue à la possession précaire dont il est investi par ses fonctions une possession en contradiction avec les prérogatives que le véritable propriétaire a sur le bien [36].

Il convient de préciser que la détention matérielle de l’objet du détournement n’est pas nécessaire pour que le délit soit constitué ; il suffit que le prévenu en ait eu la disposition [37].

Ainsi, le détournement est par exemple constitué par un maire qui accepte que des recettes publicitaires d’un journal municipal soient perçues par une association, en dehors de toute convention approuvée, peu important qu’il n’ait pas eu la détention matérielle des fonds [38]. Il en va de même s’agissant d’un officier de police judiciaire qui conserve une partie de produits stupéfiants placés sous scellés pour les remettre à un indicateur au lieu de les détruire [39].

Plus précisément, constitue un détournement de fonds publics l’usage, par un président de conseil général, de crédits destinés à l’insertion de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion pour des subventions à des associations sportives [40].

Par ailleurs, la jurisprudence estime que la définition du détournement découlant de l’application de l’article 314-1 du Code pénal relatif à l’abus de confiance vaut pour le détournement des articles étudiés. Ainsi, commet par exemple un détournement l’employé communal qui retire des plis cachetés déposés en mairie en vue de les remplacer par d’autres [41].

C. Soustraction.

Au sens large, la soustraction vise le fait d’enlever, de déplacer et de faire disparaître, sans forcément qu’il y ait soustraction frauduleuse, par exemple :
- Soustraire des scellés ou pièces à conviction à l’examen d’une juridiction en les déplaçant et les cachant momentanément ;
- Soustraire des procès-verbaux de police d’une procédure et les classer dans un autre dossier.

Les notions de détournement et de soustraction sont toutefois difficiles à distinguer.

En réalité, la soustraction recouvre tous les actes frauduleux ayant notamment pour résultat de priver le dépositaire de la faculté d’exercer ses prérogatives sur le dépôt confié ou de porter atteinte à l’intérêt même du dépôt.

III. Une remise effectuée en raison des fonctions ou de la mission de l’agent.

Un lien entre la remise du bien et la qualité de l’auteur de l’infraction doit être établi : le dépôt doit avoir été réalisé en raison des fonctions de celui qui le reçoit. Il appartiendra alors aux juges du fond de préciser les fonctions exercées et de déterminer si la remise du bien protégé a été faite en raison de ces fonctions [42].

Constitue par exemple une remise effectuée en raison des fonctions ou de la mission le fait de remettre le produit d’une liquidation de succession ordonnée par voie de justice à un notaire [43] ou encore le fait de verser une contribution entre les mains d’un receveur.

Si l’agent public reçoit des biens indépendamment de ses fonctions, biens qu’il détourne ensuite, il pourra être réprimé sur le terrain de l’abus de confiance réprimé à l’article 314-1 du Code pénal [44].

En ce sens, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, sous l’empire de l’ancien article 254 du Code pénal, qu’un fonctionnaire de police qui détruit des tubes de prélèvements sanguins effectués dans une procédure à laquelle il n’a pas participé n’est pas personnellement le dépositaire public de ces tubes, de sorte que la remise effectuée en raison des fonctions n’est pas caractérisée [45].

Partie 2 : Eléments propres à chaque infraction.

I. La destruction, le détournement ou la soustraction de biens commis par un agent public [46].

Il convient d’évoquer la nécessaire caractérisation d’une intention frauduleuse de l’agent (A) puis la répression de l’infraction (B).

A. Caractérisation d’une intention frauduleuse.

Outre les conditions communes précitées qui constituent l’élément matériel de l’infraction, celle-ci suppose que soit caractérisée, sur le plan de l’élément moral, la volonté de l’auteur de détruire, soustraire ou détourner.

Il s’agit en effet d’une infraction intentionnelle de sorte que toute erreur ou négligence doit être écartée.

L’article 432-15 du Code pénal n’exige pas que le prévenu ait eu l’intention de s’approprier les fonds détournés ni qu’il en ait tiré un profit personnel [47]. Il suffit que l’agent public utilise le bien protégé remis à raison de ses fonctions ou de sa mission à des fins étrangères à celles prévues [48].

B. Répression.

L’infraction est punie d’une peine de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 d’euros, étant précisé que le montant de cette amende peut être porté au double du produit de l’infraction.

L’article 432-15 précise que lorsque l’infraction est commise en bande organisée, la peine d’amende est portée à 2 000 000 euros ou au double du produit de l’infraction si celui-ci excède ce montant.

Par ailleurs, les peines complémentaires prévues à l’article 432-17 du Code pénal s’appliquent, à savoir :
- L’interdiction des droits civils, civiques et de famille ;
- L’interdiction d’exercer une fonction publique, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale (ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement) ;
- La confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l’auteur de l’infraction, à l’exception des objets susceptibles de restitution ;
- L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée.

En outre, l’article 131-26-2 au Code pénal prévoit le prononcé obligatoire de la peine complémentaire d’inéligibilité pour les délits prévus à l’article 432-15.

Enfin, la tentative est punissable.

II. La destruction, le détournement ou la soustraction de biens commis par un tiers au bénéfice d’un agent public [49].

Comme pour l’article 432-15 du Code pénal, une intention frauduleuse doit être caractérisée au titre de l’élément moral de l’infraction (A). Les peines encourues sont toutefois différentes de celles énoncées à l’article 432-15 (B).

A. Caractérisation d’une intention frauduleuse.

L’intention frauduleuse de l’agent doit être caractérisée de la même façon que pour l’article 432-15 du Code pénal (v. supra).

B. Répression.

L’auteur encourt une peine de 7 ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros. Il est précisé que lorsque l’infraction est commise en bande organisée, la peine d’amende est portée à 750 000 euros.

Par ailleurs, l’auteur encourt le prononcée des peines complémentaires énoncées à l’article 433-22 du Code pénal qui sont les mêmes que celles énoncées à l’article 432-17, à l’exception de la peine complémentaire de confiscation.

Enfin, la tentative de ce délit est punissable.

III. La destruction, le détournement ou la soustraction de biens commis par un tiers en raison de l’imprudence d’un agent public [50].

Contrairement aux infractions des articles 432-15 et 433-4, cette infraction suppose une négligence de l’agent public (A). Les peines encourues sont quant à elles moins élevées que pour les autres infractions (B).

A. Négligence de l’agent public.

Il convient avant tout de préciser que le terme de « tiers » recouvre tant les usagers d’un dépôt public (par exemple un musée) que n’importe quel particulier.

Pour que l’infraction soit punissable, il faut que l’agent public ait fait preuve de négligence, d’imprudence ou d’inattention ayant directement ou indirectement permis la réalisation du fait de destruction, de détournement ou de soustraction commis par un tiers.

Tel est le cas d’un greffier en chef d’un tribunal qui, par sa négligence, permet la soustraction de scellés contenant des sommes d’argent [51] ou de l’agent d’une agence postale qui, contrairement aux règles de fonctionnement des dépôts de liquidités, n’établit pas immédiatement le reçu correspondant, permettant ainsi le détournement par un tiers puisque la tardiveté de l’établissement des reçus l’empêche de faire la comparaison avec la somme effectivement remise [52].

Quoi qu’il en soit, la négligence doit être prouvée [53].

B. Répression.

L’auteur encourt une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 15 000 euros.

Par ailleurs, les peines complémentaires prévues à l’article 432-17 du Code pénal susmentionnées s’appliquent.

Partie 3 : Prescription de l’action publique.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, les délits - qui se prescrivaient par 3 années - se prescrivent dorénavant par 6 années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise [54].

Toutefois, il est de jurisprudence constante que le délai de prescription de l’action publique de faits de détournement ne court qu’à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique [55]. Ainsi, la dissimulation a pour effet de retarder le point de départ du délai de prescription [56].

Par ailleurs, la jurisprudence estime que l’infraction de recel étant connexe à celle de détournement, les actes de procédure concernant les faits de détournement interrompent régulièrement la prescription pour les faits de recel [57]. De même, les faits de recel ne sauraient commencer à se prescrire tant que l’infraction principale n’est pas apparue et n’a pas pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l’action publique [58].

Désormais, en application de l’article 9-1 alinéa 3 du Code de procédure pénale issu de la loi du 27 février 2017, le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte (infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire) ou dissimulée (infraction à travers laquelle son auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée destinée à en empêcher la découverte) court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder 12 ans révolus pour les délits et 30 ans révolus pour les crimes à compter du jour où l’infraction est commise.

En l’occurrence, l’infraction de détournement de fonds, publics ou privés, est une infraction occulte. Dès lors, le délai de prescription de l’action publique commence à courir à compter du jour où elle est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant sa mise en mouvement. Comme il s’agit d’un délit, le délai de prescription ne pourra néanmoins excéder 12 ans révolus à compter du jour où il est commis.

Il convient de préciser que l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la loi du 27 février 2017 n’a pas pour effet de prescrire les infractions ayant valablement donné lieu à la mise en mouvement de l’action publique à un moment où la prescription n’était pas acquise [59]. Au contraire, les nouveaux délais de prescription de l’action publique se substituent à ceux applicables aux infractions non encore prescrites au jour de l’entrée en vigueur de la loi.

Avi Bitton, Avocat, et Clémence Ferrand, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Crim. 26 novembre 1970, n°69-93.438.

[2Crim. 18 novembre 1970, n°70-90.975.

[3Crim. 16 janvier 2002, n°01-81.054, Crim. 22 février 2012, n°11-81.476.

[4Douaniers, directeurs et personnel de l’administration pénitentiaire, agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, par ex. Crim. 22 novembre 1989, n°89-83-200.

[5Crim. 2 janvier 1959, Bull. crim. n°10.

[6Crim. 10 février 1959, Bull. crim. n°91.

[7Crim. 9 octobre 2002, n°02-81.191.

[8T. corr. Le Mans, 21 juillet 1952, Gaz. Pal. 1952. 2. 314.

[9Crim. 8 novembre 2006, n°05-86.325.

[10Crim. 20 novembre 1952, Bull. crim. n°276.

[11Crim. 17 avril 1980, n°79-93.420.

[12Crim. 21 septembre 2005, n°04-85.056.

[13Crim. 29 juin 2011, n°10-86.771.

[14Crim. 20 avril 2017, n°16-80.091.

[15Crim. 27 juin 2018, n°18-80.069.

[16Cass., ch. mixte, 4 novembre 2002, n°00-13.524.

[17Crim. 21 mars 1934, Bull. crim. n°64.

[18Crim. 23 octobre 1958, Bull. crim. n°650.

[19Crim. 7 novembre 1991, n°91-84.717.

[20Crim. 11 octobre 1994, n°92-81.724.

[21Crim. 19 octobre 1993, n°93-83.225.

[22CA Douai, 5 janvier 1950, D. 1950. 182.

[23Crim. 22 décembre 1832, S. 1833. 1. 320.

[24Crim. 16 juillet 1948, Bull. crim. n°201.

[25Crim. 2 décembre 2009, n°09-81.967.

[26Crim. 13 février 1985, n°83-94.527.

[27Crim. 30 mai 2001, n°00-84.102.

[28Crim. 3 janvier 1947, Bull. crim. n°9.

[29Crim. 26 février 1990, n°89-82.282.

[30Crim. 13 juin 2012, n°11-86.125.

[31Crim. 19 octobre 1993, n°93-83.225.

[32Crim. 5 août 1819, Bull. crim. n°87.

[33Crim. 25 mai 1832, Bull. crim. n°190.

[34Crim. 2 avril 1864, Bull. crim. n°84.

[35Crim. 16 juillet 1948, Bull. crim. n°201.

[36Crim. 20 avril 2017, n°15-87.379.

[37Crim. 30 mai 2001, n°00-84.102.

[38Crim. 10 avril 2002, n°01-84.192.

[39Crim. 1er mars 2017, n°15-87.069.

[40Crim. 4 mai 2006, n°05-81.151.

[41Crim. 19 février 1998, n°96-83.423.

[42Crim. 28 juillet 1958, Bull. crim. n°584.

[43Crim. 12 juillet 1938.

[44Crim. 11 décembre 1952.

[45Crim. 1er décembre 1987, n°87-80.353.

[46Article 432-15 du Code pénal.

[47Crim. 20 avril 2005, n°04-84.917.

[48Crim. 19 décembre 2012, n°11-88.190.

[49Article 433-4 du Code pénal.

[50Article 432-16 du Code pénal.

[51Crim. 26 novembre 1991.

[52Crim. 22 février 2006, n°05-84.921.

[53CA Paris, 18 décembre 1952, Rec. Dr. Pénal 1953. 90.

[54Article 8 alinéa 1 du Code de procédure pénale.

[55Crim. 12 décembre 2007, n°07-82.008.

[56Crim. 17 novembre 2004, n°03-84.992 ; Crim. 14 juin 2017, n°16-81.699.

[57Crim. 23 octobre 2007, n°06-89.025.

[58Crim. 24 septembre 2014, n°13-86.601.

[59Crim. 20 avril 2017, n°16-80.091.