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Soins psychiatriques sans consentement : la contention désormais à durée limitée ! Par Emilie Chandler, Avocate.
Parution : lundi 1er février 2021
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Depuis le 31 décembre 2020, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2020 (n°2020-844 QPC), les dispositions qui réglementent la mise en isolement et la contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement ont dû être modifiées.

Désormais l’article L3222-5-1 du Code de la santé publique (modifié par la loi n°2020-1576 du 14 décembre 2020) dispose :

« I.-L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical. (…)

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de six heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures.

À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au delà des durées totales prévues aux deux premiers alinéas du présent II, la mesure d’isolement ou de contention, dans le respect des autres conditions prévues aux mêmes deux premiers alinéas. Le médecin informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure, ainsi que les personnes mentionnées à l’article L3211-12 dès lors qu’elles sont identifiées. Le médecin fait part à ces personnes de leur droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure en application du même article L. 3211-12 et des modalités de saisine de ce juge. En cas de saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures ».

Le Conseil constitutionnel, saisi par une question prioritaire de constitutionnalité qui invoquait l’article 66 de la Constitution, selon lequel "nul ne peut être arbitrairement détenu", a retenu que le respect de l’article 66 n’impose pas un contrôle préalable par l’autorité judiciaire, mais un contrôle sur le caractère adapté, nécessaire et proportionné des mesures. Cela signifie que l’autorité judiciaire peut vérifier in concreto si la mesure est adaptée et pas préalablement à la mise en oeuvre de la mesure.

Dans l’affaire à l’origine de la QPC, le requérant invoquait le fait que l’isolement et la contention, décidés sans le consentement de la personne, constituent des mesures de privation de liberté qui doivent donc être strictement encadrées.
Or, l’absence de saisine de l’autorité judiciaire préalablement à la décision de contention ou d’isolement, ainsi que l’absence de toute voie de recours contre ladite décision, constituent selon lui une violation de l’article 66 de la Constitution.
Ce n’est pas le sens de la motivation de la décision d’inconstitutionnalité.

C’est en revanche sur le terrain de l’absence de limite temporelle précise que l’article a été censuré en ce qu’il prévoyait que la mesure de contention ne pouvait être mise en place que pour une « durée limitée ».

L’abrogation n’a pas été immédiate, mais renvoyée au 31 décembre 2020 pour permettre au législateur de réécrire l’article et la gestion des conséquences d’une abrogation immédiate :

« l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, en ce qu’elle ferait obstacle à toute possibilité de placement à l’isolement ou sous contention des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte, entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2020 la date de l’abrogation des dispositions contestées ».

Ainsi, et en pratique, la contention ne peut concerner que les patients en hospitalisation complète sans consentement. La décision du psychiatre doit désormais être motivée. Elle doit être mise en œuvre de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque, après évaluation du patient et la surveillance de la mesure doit être tracée dans le dossier médical qui être obligatoirement numérique.

La mesure de contention ne peut maintenant être prise dans le cadre d’une mesure d’isolement, pour une durée maximale de 6 heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de 6 heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de 24 heures.

À titre exceptionnel, le médecin peut aller au-delà des renouvellements prévus, dans le respect des autres conditions posées par le texte. Il devra alors en informer sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office ou être saisi pour mettre fin à la mesure, en statuant dans un délai de 24 heures.

Une mesure d’isolement ou de contention prise au moins 48 heures après la précédente est regardée comme une nouvelle mesure, donc soumise aux conditions posées par les textes. En revanche, lorsqu’elle est prise moins de 48 heures après la précédente, sa durée s’ajoute à celle-ci.

Enfin, outre les mentions auparavant prévues (nom du psychiatre ayant décidé la mesure, durée, nom des professionnels l’ayant surveillée), la nouvelle version du texte impose également la mention de l’identité du patient concerné, son âge, son mode d’hospitalisation et la date et l’heure du début de la mesure.

Emilie Chandler, Avocate au Barreau de Paris NMCG Avocats
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