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Quel est l’impact des certificats médicaux dans les dossiers de harcèlement moral ? Par Nathalie Leroy, Avocate.
Parution : mardi 9 février 2021
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Vous vous demandez quel crédit le juge doit accorder aux certificats médicaux dans les dossiers de harcèlement moral ? La Cour de cassation vient de confirmer, dans sa décision du 27 janvier 2021, que le juge devait tenir compte des documents d’ordre médical. La Cour de cassation (27 janvier 2021, n° 19-15.832) réaffirme l’importance des certificats médicaux, pour expliquer la dégradation des conditions de travail.

Quels éléments doivent être pris en compte pour juger de l’existence d’un harcèlement moral ?

La Cour de cassation vient rappeler régulièrement la démarche qui doit être adoptée par le juge du fond, lorsqu’un.e salarié.e invoque des faits de harcèlement moral.

Ce nouvel arrêt de la Cour de cassation n’apporte pas de nouveauté de ce point de vue et vient, dans un premier temps, confirmer la méthode.

Le salarié doit tout d’abord verser aux débats des éléments qui permettront de présumer de l’existence du harcèlement moral (Cette charge probatoire est la même pour la fonction publique, par le Conseil d’Etat).

Reprenant l’idée de Heinz Leyman selon laquelle le harcèlement moral procède d’agissements hostiles qui, pris isolément, pourraient sembler anodins la Cour de cassation impose aux juges de ne pas faire une appréciation isolée de chaque élément apporté par le salarié, mais de

« dire, si pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral ».

Ensuite et seulement ensuite, le juge examinera les éléments versés aux débats par l’employeur et regardera si les mesures mises en cause sont étrangères à tout harcèlement.

Quel est le poids des éléments d’ordre médical pour justifier d’un harcèlement moral ?

Vous vous demandez quel poids auront les certificats médicaux dans un dossier de harcèlement moral.

Dans l’affaire du 27 janvier 2021 [1] la Cour de cassation vient reprocher à la cour d’appel de ne pas avoir examiné tous les éléments de preuve qui ont été soumis à son jugement par le salarié.

En l’espèce, il lui est reproché de ne pas avoir examiné les documents médicaux rédigés par le médecin généraliste, le certificat médical du psychiatre, les avis du médecin du travail et les documents de la CPAM. Et sans cet examen, la Cour d’appel a débouté le salarié de sa demande visant à faire reconnaître l’existence d’un harcèlement moral.

A tort, selon la cour de cassation qui nous rappelle que le juge doit examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié et à ce titre, tous les documents médicaux qui sont produits par le demandeur.

Cependant, vous vous demandez si le salarié n’a pas instrumentalisé le médecin. A juste titre car il est navrant de constater et ce, au détriment des véritables dossiers de harcèlement moral, que certains salariés peu scrupuleux, n’hésitent pas à "embobiner" les médecins, psychologues, thérapeutes, pour obtenir des certificats ou attestations à charge contre l’employeur.

C’est ainsi que certains dossiers de prétendu harcèlement sont organisés de toute pièce, sans réalité. Il convient donc d’examiner avec prudence ces éléments de preuve d’ordre médical.

Comment contrer un certificat médical "de complaisance" ?

Un certificat médial doit être établi en respectant certaines règles pour être valable.
L’article R4127-76 du Code de la santé publique les détermine.

Le Conseil national de l’ordre des médecins rappelle que le médecin doit uniquement indiquer les constatations qu’il a personnellement relevé et qu’il ne doit pas se prononcer dur les dires du patient.

Autrement dit, regardez s’il est vraisemblable que le médecin ait pu faire, lui-même, les constatations qu’il décrit. Sinon, remettez les en cause. Ainsi, lorsque le médecin traitant indique un état anxio-dépressif réactionnel à un conflit au travail, comment peut-il être sur que l’état anxio-dépressif trouve son origine dans la relation de travail ?

N’hésitez pas à contester ce certificat en écrivant au médecin lui même et également en écrivant au Conseil de l’ordre des médecins.

Enfin, si le certificat est rédigé en bonne et due forme et que les mentions ne peuvent être attaquables, la question du lien de causalité entre l’état de santé du salarié et ce qu’il prétend subir au bureau reste encore à démontrer (Article 1240 du Code Civil).

Nathalie Leroy Avocate enquêtrice en harcèlement moral et sexuel au travail www.her.eu.com et www.25ruegounod.fr