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Validité de la clause attributive de juridiction insérée dans des conditions générales de vente. Par Yassin Jarmouni, Avocat.
Parution : mardi 9 février 2021
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L’exception d’incompétence peut être un moyen efficace pour mettre en déroute les prétentions du créancier. Entre professionnels et dans le commerce international, les conditions d’applicabilité des clauses attributives de juridiction sont plus souples qu’entre particuliers.

Cependant, dans la pratique il faut un examen in concreto parce que d’une part, les textes de loi font référence à des notions comme « l’habitude des parties » ou « une spécification de façon très apparente » qui varient selon les cas concrets, et d’autre part la Cour de Cassation reconnaît aux juges du fond un pouvoir souverain l’applicabilité de ces clauses au cas par cas.

I. Textes de loi applicables pour déterminer l’applicabilité de la clause.

En matière de compétence juridictionnelle internationale, le règlement (UE) No 1215/2012 dit Bruxelles I refondu établi une règle de compétence générale identique à celle de l’article 42 du Code de procédure civile français.

Il s’agit du lieu où demeure le défendeur. Toutefois, les parties peuvent toujours se mettre d’accord pour écarter cette règle de compétence générale au profit d’une juridiction de leur choix. Pour ce faire l’article 25 du règlement exige que :

« 1. Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet Etat membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée
 ».

Le règlement renvoi au droit national de chaque Etat membre pour la validité au fond de ces clauses attributives de juridiction.

L’article 48 du Code de procédure civile précise que :

« Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».

II. Application selon les cas d’espèce.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a pu préciser que :

« Pour être valable et opposable la clause attributive de juridiction doit avoir été connue et acceptée par la partie à qui elle est opposée ; qu’ainsi, lorsqu’une clause attributive de juridiction est stipulée dans les conditions générales d’une partie, elle n’est valable et opposable à l’autre partie que si dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi explicite est fait à ces conditions générales, que ce renvoi est susceptible d’être contrôlé par une partie faisant preuve d’une diligence normale et s’il est établi que lesdites conditions générales ont été effectivement communiquées à l’autre partie contractante » [1].

A partir de cet arrêt on peut dégager des conditions d’applicabilité telles que :

1. Rédaction de la clause dans une langue comprise par la partie à qui on veut l’opposer généralement la langue de communication des parties dans leurs échanges habituels. Notion de conformité aux habitudes que les parties ont établies entre elles (art. 25 du règlement) ;
2. Rédaction apparente de la clause. Dans le cas où la clause se trouve insérée dans des conditions générales de vente : en gras, surlignée, avec un intitulé pour l’article tel que (Tribunal compétent) et avec une police assez grande pour être lue facilement ;
3. Portée à la connaissance de l’acheteur, justifier leur envoi et prise de connaissance au moins (courriel ou courrier) ;
4. Présence de renvois aux conditions générales de vente sur les documents contractuels, si la clause s’insère dans celles-ci (factures, bons de commande, contrat, emails…) ;
5. Acceptation écrite et expresse de la clause par l’acheteur ou acceptation du document qui renvoi aux conditions générales de vente où est insérée la clause. Nécessaire au regard de l’article 25 du règlement Bruxelles I bis.

En conséquence, il serait erroné de confondre une application de ces critères in concreto, selon les faits de l’espèce, avec une souplesse dans l’acceptation de la validité de ces clauses. Bien au contraire, il est généralement difficile de les faire appliquer car les juridictions font une application sévère des textes de loi.

Idéalement la clause doit avoir été acceptée par écrit expressément par la partie à qui on souhaite l’opposer mais des exceptions existent si celle-ci s’inscrit dans des documents auxquels fait renvoi le contrat signé et si elle est rédigée de façon très apparente.

Yassin Jarmouni Avocat

[1Cour de cassation, Civile 1ère, 15 mai 2018, n⁰17-12.044.

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