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La responsabilité administrative liée à la pratique médicale. Par Désiré Amoikon, Etudiant.
Parution : jeudi 11 février 2021
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Le vaste champ de la responsabilité administrative basique est laborieusement labourable a fortiori celui de la responsabilité liée à la pratique médicale. Cette responsabilité qui est une responsabilité pour faute par principe enfile le masque de la responsabilité sans faute dans certains cas. Qu’elle soit pour faute ou sans faute, elle n’ouvre droit à réparation que lorsqu’elle est préjudiciable.

La responsabilité a toujours fait l’objet d’une étude épineuse à cause de son aspect difficultueux. Dans l’historicité de la responsabilité, on remarque qu’avant qu’elle ne soit mieux organisée, elle jouissait d’une objectivité remarquable et d’une unicité légendaire. Il n’y avait donc pas de distinction rigide comme sous nos tropiques actuels. C’est au XIXème siècle que le mot « responsabilité » est né et à cette époque, la vengeance privée régnait en maître dans presque tous les confins. C’était très difficile de savoir qui était coupable ou ne l’était pas. On responsabilisait parfois ceux qui n’avaient rien à avoir avec les fautes commises.

De fil en aiguille la responsabilité s’est métamorphosée avec l’évolution de la société. Elle va passer de l’objectivité à la subjectivité. On sépare rigidement les délits publics des délits privés.

Par délits publics, il faut entendre tout ce qui est en rapport avec le pénal. Quant aux délits privés, il s’agit des préjudices qu’une personne cause à une autre personne. De là, on peut relever une différenciation entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile.

Le code civil de 1804 en son article 1382 a cristallisé avec des lettres d’or la responsabilité de l’homme. Il dispose :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Bien qu’ayant changé de numérotation dans le nouveau code civil, aucune phrase n’a été ajoutée ni retranchée. L’article mettant en exergue la responsabilité de l’homme est resté inchangé après deux siècles parce qu’il est complet tant sur la forme que sur le fond.

Dans la summa divisio en droit, on a d’une part le droit privé qui est « l’ensemble des règles juridiques relatives aux relations entre les personnes physiques ou entre les personnes morales privées (sociétés, associations) » et d’autre part le droit public qui est

« l’ensemble des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’Etat, des collectivités territoriales et de l’administration, ainsi qu’à leurs relations avec les personnes privées ».

Pendant que le droit privé opposait au sujet de droit le principe de la responsabilité énoncé et martelé par l’article 1382 précité (1240 nouveau), l’irresponsabilité administrative régnait en maître sauf dans certains domaines précisément en matière de dommages de travaux publics. On doit attendre vers la fin du XIXème siècle pour constater la rupture du cordon ombilicale qui liait l’irresponsabilité et l’administration. Et ce à travers l’un des attendus tonitruants de l’arrêt Blanco. Des faits relatifs à cet arrêt de principe, il ressort qu’une enfant avait été renversée et blessée par un wagonnet d’une manufacture de tabac, exploitée en régie par l’État.

Le père avait saisi les tribunaux judiciaires pour faire déclarer l’État civilement responsable du dommage, sur le fondement des articles 1382 à 1384 du code civil. Le conflit fut élevé et le Tribunal des conflits attribua la compétence pour connaître du litige à la juridiction administrative.

Les juges du tribunal des conflits en date du 8 février 1873, décident que « la responsabilité, qui peut incomber à L’État, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans les services publics, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil ». Cet attendu consacre la compétence des juridictions administratives pour les dommages causés par les services publics. On passe du cycle de l’irresponsabilité administrative au cycle de la responsabilité administrative.

Cette responsabilité écarte donc l’application des règles de droit privé et la soumet à des principes propres à elle.

Dans cette même veine, le 10 février 1905, le Conseil d’Etat vient prononcer le divorce de l’administration avec l’irresponsabilité de la puissance publique en matière de police à travers l’arrêt Tomaso Grecco.

A partir de 1905, le constat est palpable. On remarque que le champ la responsabilité de l’administration va s’agrandir et ce de façon exponentielle avec l’apport considérable de la jurisprudence et du législateur.

La responsabilité administrative met en jeu la responsabilité rattachée à l’activité des services publics. Un service public par définition est un service dont l’objectif est de satisfaire un ou plusieurs besoins d’intérêt général. Les services publics sont exercés par l’Etat ou les collectivités territoriales ou encore par tout organisme privé ou public doté des prérogatives lui permettant d’assurer cette mission. Trois grands principes chapeautent et sont communs à tous les services publics. Il s’agit du principe de la mutabilité, de la continuité et de l’égalité.

L’hôpital est un service public. Il faut distinguer cette assertion du service public hospitalier (SPH) qui comprend, de droit, les établissements publics de santé, ainsi que les hôpitaux des armées. Par ailleurs, les établissements privés peuvent faire le choix du service public sous réserve de s’engager à en respecter les obligations constitutives à savoir l’égalité d’accès et de prise en charge, la continuité, l’adaptation et la neutralité.

C’est avec la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière que la notion de service public hospitalier (SPH) est née. Avec cette loi, l’hôpital public s’installe au centre du dispositif. Il devient l’épine dorsale du système sanitaire. On est dans une dynamique hospitalocentriste. Même si on ne lui donnera pas le monopole du service public puisque le secteur privé traitait surtout de la chirurgie et de l’obstétrique. La médecine quant à elle était réservée au secteur public.

La Loi Hôpital Patient Santé et Territoire (HPST) du 21 juillet 2009 a supprimé la notion de service public hospitalier et créé celle de missions de service public.

Si l’hôpital est un service public il va sans dire que la responsabilité administrative entre dans sa sphère. L’hôpital, donc l’administration répond des fautes de ses agents et voit sa responsabilité engagée en matière de « faute de service ». A contrario, lorsque la faute est détachable du service, c’est la responsabilité de l’agent qui est engagée devant soit le juge civil, le juge pénal ou devant les juridictions ordinales ; Et parfois devant les trois simultanément.

Tout cela fait du régime de responsabilité administrative des établissements hospitaliers, un régime très spécial qui se situe à la brèche entre assurer une protection des droits des créanciers de l’obligation (les patients) et également une compréhension de la situation complexe des débiteurs de l’obligation (les médecins et leur équipe).

Notre analyse s’accentuera essentiellement sur la responsabilité administrative liée à la pratique médicale.

Comment se conçoit cette responsabilité administrative ? Quels sont les domaines qui nous mènent à cette responsabilité ? Quelles sont les conditions de mise en œuvre de celle-ci ? Et comment se déroule l’indemnisation quand le juge administratif reconnait l’administration responsable ?

Avant d’évoquer la spinescente question des effets de la responsabilité administrative liée à la pratique médicale qui ne sont autres que la réparation du dommage imputable à l’administration (chapitre 2), nous énuméreront les conditions de la mise en œuvre de celle-ci (chapitre 1).

Chapitre 1 : les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité administrative liée à la pratique médicale.

Pour que la responsabilité de l’administration soit engagée et retenue par le juge administratif, il faut impérativement la réunion de trois éléments cumulatifs à savoir le fait générateur (section 2), le préjudice et un lien de causal entre le fait générateur et le préjudice (section 3). Avant, il est important de situer la responsabilité administrative liée à la pratique médicale. Nous verrons qu’elle est principalement une responsabilité principalement pour faute mais peut également revêtir le caractère de responsabilité sans faute (Section 1).

Section 1 : la responsabilité administrative liée à la pratique médicale : une responsabilité pour faute et une responsabilité sans faute.

La responsabilité administrative liée à la pratique médicale est une responsabilité pour faute (Paragraphe 1) mais elle est peut également enfiler le masque d’une responsabilité sans faute (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la responsabilité administrative liée a la pratique médicale : une responsabilité pour faute.

Le régime juridique de la responsabilité hospitalière s’est progressivement construit au fil du temps avec un grand apport jurisprudentiel. L’un des points de départ de la responsabilité pour médicale liée à la pratique est la fameuse affaire Dame Philipponeau. Dans cette affaire le Conseil d’Etat a débouté Dame Philipponeau du fait qu’elle n’ait pas justifié

« d’une faute commise par des agents du service administratif de l’hôpital et que, d’autre part, elle n’établit pas à la charge du service médical l’existence d’une faute lourde dans le traitement dont elle a été l’objet ».

Cette décision ô combien importante vient sacraliser jurisprudentiellement la responsabilité pour faute.

La responsabilité pour faute est une responsabilité pécuniaire encourue par les personnes publiques à raison d’une faute prouvée ou présumée née d’une décision, d’un agissement, d’un retard à agir, voire d’une abstention.

L’article L1142-1 I. du code de la santé publique (CSP) ne reste pas en marge quant au principe de la responsabilité pour faute prouvée. Il dispose :

« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».

A la lecture minutieuse de cette disposition, on voit clairement que le législateur est précis sur cette responsabilité. Pour que la responsabilité personnelle du médecin soit engagée quoi qu’il soit agent de l’administration, il faut qu’il commette une faute détachable du service et que le créancier de l’obligation c’est-à-dire le patient le prouve. Sinon en dehors de ces cas, pour que la responsabilité de l’administration soit engagée sur la base d’une faute résultant de la pratique médicale, il faut également qu’il y ait une faute et que le patient le prouve.

La responsabilité de l’administration hospitalière ne se déclenche pas seulement que pour une faute prouvée. Dans certains cas, même sans faute l’administration peut voir sa responsabilité être engagée.

Paragraphe 2 : la responsabilité administrative liée à la pratique médicale : une responsabilité sans faute.

La responsabilité de l’administration liée à la pratique médicale n’est pas qu’une responsabilité pour faute. Dans certains cas, sans qu’il n’y ait besoin de faute, elle peut être responsable.

En effet, la jurisprudence administrative au travers de l’arrêt Bianchi a démontré que la responsabilité de l’administration pouvait être engagée en l’absence de faute et dans certains cas. Pour le juge administratif,

« (…) lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité (…) ».

Ce considérant est sans appel sur la responsabilité de l’administration sans qu’une faute matérielle ne soit constatée. Le caractère exceptionnel de l’engagement de cette responsabilité a pour objectif la préservation de l’intérêt du patient. Les cas dans lesquels la responsabilité sans faute est retenue sont multiples :

- Cas des infections nosocomiales.

Nous pouvons énumérer le cas d’un dommage résultant d’une infection nosocomiale.

« (…) Les dispositions précitées du I de l’article L1142-1 du code de la santé publique font peser sur l’établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu’elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d’une cause étrangère ne soit apportée (…) ». C’est pratiquement difficile. La loi Kouchner reconnait la responsabilité de l’administration hospitalière et non celle des professionnels de santé.

- Cas d’une vaccination obligatoire.

Nous avons également les dommages résultant d’une vaccination obligatoire ou d’une vaccination contre la grippe A. Dans cette hypothèse L’article L3111-9 du code de la santé publique donne une réponse sans exception. Il prévoit que

« la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l’article L1142-22, au titre de la solidarité nationale ».

- Cas d’une contamination transfusionnelle dans le cas de l’hépatite C du VIH.

Les dommages issus d’une contamination transfusionnelle dans le cas de l’hépatite C du VIH et consort ne sont pas mis à l’écart. A cet effet, nous pouvons sortir du tiroir les affaires du sang contaminé qui a suscité un véritable et interminable débat doctrinal.

- Cas d’un dommage résultant d’un produit de santé défectueux.

Nous avons aussi les dommages résultant d’un produit de santé défectueux. Dans ce cas d’espèce, l’hôpital qui a été condamné peut exercer valablement une action récursoire contre le fabricant du produit défectueux.

- Cas d’une contamination par l’hormone croissance (maladie de Creutzfeldt-Jakob) et la prise de benfluorex (Médiator).

Les dommages résultant d’une contamination par l’hormone de croissance (maladie de Creutzfeldt-Jakob) et la prise de benfluorex (Médiator ) sont concernés par la responsabilité sans faute.

Que la responsabilité soit pour faute ou sans faute, il faut des conditions pour qu’elle soit mise en œuvre et soit retenue par le juge administratif. Comment les définit-on et quelles sont leur étendue juridique ?

Section 2 : le fait générateur : la faute médicale et organisationnelle.

En matière de responsabilité administrative, il ne faudrait pas marginaliser certains points qui sont déterminants à savoir le caractère spécial des règles de la responsabilité administrative et l’autonomie que ces règles revêtent vis-à-vis de la responsabilité civile. Nous analyserons la faute médicale (Paragraphe 1) et la faute organisationnelle (Paragraphe 2) telles que le conçoit le juge administratif.

Paragraphe 1 : la faute médicale.

La faute à caractère médical résulte des actes issus de la pratique médicale. En effet, la relation entre le patient et le médecin est qualifiée de contrat par le juge civil.

Cette consécration du contrat médical a été faite par le juge de la Cour de Cassation à travers l’arrêt Mercier le 20 mai 1936.

« […] Mais attendu qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon, bien évidemment, de guérir le malade, ce qui n’a d’ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, ainsi que parait l’énoncer le moyen du pourvoi, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle, est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle […] ».

Si la relation entre le médecin et le patient est qualifié de contrat, il va sans dire que chaque partie est obligée de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose. Le médecin est assujetti à une obligation de moyen. Dans cette obligation, le débiteur qui est le médecin s’engage à mettre tout en œuvre pour parvenir au résultat. Ainsi donc, le fait pour le débiteur de l’obligation de ne pas parvenir au résultat escompté n’engage pas automatiquement sa responsabilité. C’est pourquoi dans le contrat médical la charge de la preuve incombe au créancier qui est le patient.

Dans l’esprit contractuel, ne pas exécuter l’obligation, mal l’exécuter ou l’exécuter en retard constituent une faute.

Contrairement au juge civil, le juge administratif n’est pas tenu par les règles du droit civil. C’est pourquoi ils n’ont pas la même conception de la relation de soins. Pour lui, la relation patient-médecin n’est pas encadré par le contrat médical comme le voit le juge civil parce que le médecin est un agent de l’administration. Le patient ne contracte donc pas avec le médecin mais il contracte avec un agent du service public.
Concernant les obligations du médecin, les conceptions du juge civil et du juge administratif cohabitent. L’article 32 du code de déontologie médicale précise cette obligation en ces termes :

« Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents ».

Le médecin a également un devoir d’humanisme vis-à-vis du patient. Il

« […] exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité […] ».

Qu’on soit en matière civile ou administrative, les obligations du médecin restent inchangées.

Le médecin ainsi que l’hôpital sont assujettis à une obligation de moyen. Ici dans la faute à caractère médical, il peut s’agir entre autres d’un mauvais diagnostic, d’une erreur dans la réalisation de l’acte ou dans le choix du traitement et pour aller plus loin d’une négligence du suivi médical.

Pour établir la faute médicale, il n’est nul besoin de prouver une faute lourde comme c’était le cas pour certains actes avant la jurisprudence des Epoux V.

Avant cette décision du Conseil d’Etat, il existait une dualité de faute à savoir la faute simple et la faute lourde. Pour les actes médicaux sans grand danger, il fallait prouver une faute simple tandis que pour des actes médicaux stricto sensu il fallait prouver une faute lourde. Le juge administratif vient par cette décision rendre plus accessible à la partie lésée la preuve de la faute. Dans ce cas, une faute simple suffit pour engager la responsabilité de l’administration hospitalière.

En tout état de cause, ce sera au juge administratif d’analyser la faute en se basant sur le caractère in concreto.

Dans son appréciation in concreto, il n’est pas très extrémiste sur l’aspect du diagnostic. Pour lui, une erreur sur le diagnostic n’entraine pas automatiquement une faute. Cependant, cela peut entrainer une faute si et seulement si le médecin a montré explicitement qu’il n’a pas mis tout en œuvre pour parvenir au résultat qui est dans le cas d’espèce le bon diagnostic. Le Conseil d’Etat, en 1997 s’est prononcé sur le cas d’une trisomie 21. Des faits, il ressort que Mme X… âgée de 42 ans et qui était à son 7ème mois de grossesse a fait un examen chromosomique des cellules qui n’avait rien révélé. Elle a malheureusement donné naissance à

« (…) un enfant de sexe masculin atteint d’une trisomie 21 dite "régulière et libre" (…) ».

Pour le Conseil d’Etat, le service de pathologie cellulaire et de génétique du centre hospitalier régional de Nice a commis une faute du fait de l’erreur du diagnostic. Il l’a condamné le centre hospitalier régional de Nice à verser une somme de 100 000 FCFA à chacun des époux et une rente mensuelle de 5 000 F pendant toute la durée de vie de Mathieu X, l’enfant atteint de trisomie 21.

Le Conseil d’Etat en condamnant le centre hospitalier et donc en faisant droit à la demande des époux laisse clairement transparaitre une certaine négligence de la part du service. Au vu de la situation délicate de Mme X (son âge avancé), ils auraient pu refaire un et plusieurs autres examens pour s’assurer que le bébé ne naitrait avec aucune anomalie en rapport avec l’âge de la mère.

Quid de la faute organisationnelle ?

Paragraphe 2 : la faute organisationnelle.

Dans la faute à caractère organisationnel, on fait référence à l’organisation et au fonctionnement du service. La faute organisationnelle est la faute qui ne résulte pas des actes de diagnostic, ni des actes de traitement encore moins des actes de suivis médicaux. Dans cette faute, il s’agit des manquements aux obligations du service, des dommages subis par manque de prudence (les patients qui tombent de leur civière), des manquements aux obligations de surveillance (les patients qui fuguent).
Également dans ce cas, une faute simple suffit à engager la responsabilité de l’administration hospitalière.

Pour le juge administratif, laisser un patient qui au préalable à tenter de se suicider et qui après avoir de fortes injections de calmant est laissé

« (…) sans surveillance dans une chambre dépourvue de tout système de fermeture (…) révèle un défaut d’organisation du service de nature à engager la responsabilité de l’établissement ».

Cette jurisprudence, au milieu de plusieurs vient cristalliser la responsabilité hospitalière en matière de défaut d’organisation du service.

Dans sa randonnée jurisprudentielle, le juge du Conseil d’Etat, participant actif du droit administratif a reconnu la responsabilité du centre hospitalier de Pau en raison d’un « défaut dans l’organisation et le fonctionnement du service ».

« En cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches, et en cas d’accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin (…) ».

La sage-femme a effectué seule, malgré la complication de l’accouchement, une manœuvre destinée à dégager l’épaule de l’enfant. Cette manœuvre a malheureusement entrainé une paralysie du plexus brachial privant ainsi l’enfant de l’usage de son membre supérieur droit. Cette action était réservée au médecin mais la sage-femme a pris la responsabilité de le faire et cela a été préjudiciable pour la patiente.

L’action de la sage-femme a démontré une désorganisation du service ce qui a valut l’engagement de la responsabilité du centre hospitalier.

Toujours dans le même canevas du mauvais fonctionnement du service, le Conseil d’Etat a annulé en 1998, une décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui n’avait pas reconnu la responsabilité du centre hospitalier de Brive. Des faits et de la procédure, il ressort que Dame Y…, a la suite d’une chute de cheval a été admise en urgence au centre hospitalier général de Brive. Elle se plaignait de douleurs au mollet et au genou. Malgré ses douleurs, le centre hospitalier s’est limité à lui administrer que des médicaments anti-inflammatoires. Après le diagnostic du chirurgien du service qui révélait que Dame Y… souffrait d’un syndrome de la loge externe de la jambe gauche, elle a été admise pour une intervention quarante huit heures après son entrée à l’urgence du centre. Ce retard et cette négligence dans sa prise en charge lui ont causé des préjudices. Elle a donc saisi le tribunal administratif de Limoges pour obtenir réparation. Le tribunal a fait droit à sa demande en reconnaissant la responsabilité du centre hospitalier par ricochet l’a condamné à lui verser une indemnité en réparation des divers préjudices subis. Insatisfait de cette décision, le centre hospitalier a interjeté appel. La cour administrative d’appel de Bordeaux en examinant l’affaire a annulé le jugement faisant droit à la demande de Dame Y… Cette dernière, s’est pourvue en cassation toujours se fondant sur les mêmes prétentions.

Le Conseil d’Etat a reconnu la responsabilité du centre hospitalier général de Brive en le condamnant comme les premiers juges du fond à verser une indemnité à la patiente. Pour les juges de droit,

« le centre hospitalier de brive n’est pas fondé à soutenir que l’absence d’examen rapide par un chirurgien, alors que l’intéressée était entrée en urgence à l’hôpital à la suite de chutes de cheval et souffrait de manière croissante des mollets et du genou, ne constituait pas une faute dans l’organisation du service de nature à engager sa responsabilité ».

Il est clair, le centre hospitalier a commis une faute organisationnelle et sa condamnation à la réparation du préjudice subi par la patiente vient à juste titre. Les juges de la Cour d’appel dans leurs motivations ont certes tenté de disculper l’administration hospitalière en se basant sur le rapport de l’expert qui a estimé que l’hospitalisation de la patiente avait été motivée par sa chute et appelait au traitement d’un traumatisme et non son état dépressif mais il faut reconnaitre au sens large qu’il y eu un mauvais fonctionnement des services concernés.

Le défaut d’information au patient peut également être retenu comme une faute organisationnelle. En effet, l’article 1111-2 du Code de la santé publique dispose en substance :

« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».

L’obligation d’information n’est pas limitée dans certains domaines surtout en matière de chirurgie esthétique.

« En matière de chirurgie esthétique le praticien est tenu d’une obligation d’information particulièrement étendue à l’égard de son client ».

En effet, les juges du Conseil d’Etat ont étendu tout comme le principe le requiert l’obligation d’information en matière de chirurgie esthétique. Ils ont cassé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux qui n’avait pas reconnu la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes. Pour les juges du fond,

« le risque d’apparition de cicatrices chéloïdes à la suite d’un tel traitement n’a qu’un caractère exceptionnel et que la circonstance que Mlle X... n’avait pas été prévenue de tous les risques que pouvait comporter le traitement, ne saurait engager la responsabilité du centre hospitalier de Nîmes ».

Les motivations des juges de la cour administrative d’appel de Bordeaux sont erronées et c’est à bon droit que le Conseil d’Etat annule leur décision. Les services concernés devraient informer la patiente sur tous les risques que pouvaient comporter l’opération. Ne l’ayant pas fait ou l’ayant fait partiellement, ils ont commis à une faute organisationnelle et celle-ci a causé des dommages à la patiente.

Que la faute soit médicale ou organisationnelle, il faut qu’elle cause un préjudice au justiciable

Section 3 : le préjudice et le lien causal.

Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité administrative sont cumulatives. Il nous faut analyser le préjudice (paragraphe 1) ainsi que le lien de causal (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : le prejudice.

Quelle que soit la nature de la faute, elle n’engage la responsabilité du service public hospitalier que si elle est à l’origine d’un préjudice.

Le préjudice est le dommage qui est causé à autrui d’une manière volontaire ou involontaire. En plus des préjudices corporels, les préjudices moraux sont également retenus. Il ne suffit pas seulement que le préjudice existe pour être indemnisable, il faut aussi et surtout que le préjudice respecte certains caractères.

Le préjudice doit être direct. Parler du caractère direct du préjudice revient à dire qu’il doit obligatoirement avoir un lien entre le fait générateur invoqué et le préjudice subi par le patient.

Le préjudice doit être certain. En effet, la victime doit véritablement avoir subi un dommage. Les préjudices réels sont ceux qui sont réparables. Les préjudices réels sont ceux qui sont nés et actuels. Ils peuvent être aussi des préjudices futurs quand ils sont sûrs de se réaliser.

Paragraphe 2 : le lien causal.

La causalité est essentielle pour déterminer la responsabilité de l’administration. Elle n’est engagée que s’il est démontré une relation de cause à effet entre le fait dommageable et le préjudice, certaines circonstances pouvant avoir pour conséquence une exonération ou une atténuation de cette responsabilité.

Le lien de causalité doit pouvoir être affirmé, par démonstration, qu’en l’absence de faute, le préjudice de la victime ne se serait pas produit. En d’autres termes c’est l’action de l’administration (fait d’un agent de l’administration donc responsabilité pour faute) ou l’inaction (responsabilité sans faute) qui a conduit au préjudice. Le lien causal est très déterminant dans la mise en œuvre de la responsabilité.

Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’affaire Mme Martins contre le centre hospitalier de Libourne qui a débuté le 22 Décembre 1972 après l’opération de ladite patiente. Après le préjudice subi par elle, le Tribunal Administratif de Bordeaux n’avait pas trouvé un lien de causalité entre la faute et le préjudice après l’expertise demandé par lui. Le Juge du Conseil d’Etat a reconnu qu’il y avait bel et bien un lien de causalité entre la faute et le préjudice que la patiente avait subi des suites de l’opération. Pour lui,

« (…) quels que soient les doutes exprimés par l’expert les phénomènes pathologiques sont en relation directe de cause à effet avec les perfusions subies par Mme Martins au Centre Hospitalier de Libourne (…) ».

On remarque au travers de cette décision, une autonomie du juge dans la qualification de l’existence du lien causal.

En plus de cette autonomie dans la qualification du lien de causalité, le juge l’apprécie in concreto. Et cela se perçoit dans l’arrêt Gómez.

En 1990 précisément le 21 Décembre, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur l’affaire Gómez. Des faits, il ressort que le 25 août 1983, M. Serge X…, alors âgé de 15 ans et demi, qui souffrait d’une cyphose a été admis aux hospices civils de Lyon (HCL) pour une intervention chirurgicale à la colonne vertébrale. Après l’intervention qui s’est passée sans incidents, M. Serge X… a présenté des troubles neurologiques graves qui en dépit des soins qui lui ont été prodigués, ont provoqué une paraplégie de la partie inférieure de son corps. M. Serge X… et ses parents, M. et Mme X…, demandent réparation aux Hospices Civils de Lyon du préjudice subi du fait des conséquences dommageables de cette complication post-opératoire.

Déboutés au tribunal administratif de Lyon, la cour administrative d’appel de Lyon a fait droit à leur demande en reconnaissant la responsabilité des hospices civils de Lyon (HCL).

Pour les juges de la cour administrative d’appel de Lyon,

« l’utilisation d’une thérapeutique nouvelle crée, lorsque ses conséquences ne sont pas encore entièrement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont l’objet ; que lorsque le recours à une telle thérapeutique ne s’impose pas pour des raisons vitales, les complications exceptionnelles et anormalement graves qui en sont la conséquence directe engagent, même en l’absence de faute, la responsabilité du service public hospitalier ».

Même en l’absence de faute médicale ou organisationnelle, les juges administratifs reconnaissent la responsabilité de l’administration hospitalière. Et pour aller plus, ils trouvent un lien de causalité entre la faute qui de façon matérielle est quasi-inexistante et le préjudice subi par M. Serge X… La cour administrative d’appel de Lyon vient par cette décision consacrer la responsabilité fondée sur le risque.

Par ailleurs, certains événements peuvent entacher le lien de causalité. On peut donc parler de circonstances exonératoires. Ces actes peuvent se traduire par la faute de la victime, le fait d’un tiers, un cas de force majeure (la force majeure qui est un événement extérieur, imprévisible et irrésistible), un cas fortuit (le cas fortuit qui est un événement imprévisible, irrésistible mais non étranger au défendeur).

Chapitre 2 : les effets de la responsabilité administrative liee à la pratique médicale.

Que la responsabilité soit pour faute ou sans faute,

« les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ».

Parler des effets, revient à évoquer la question de la réparation du préjudice causé ou non par l’administration. Dans l’exécution de la réparation du préjudice, deux organes très importants sont à noter. Il s’agit des Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) qui sont devenues les Commissions de Conciliation et d’Indemnisation (C.C.I.) avec le décret n°2012-298 du 2 mars 2012 et de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) et les
Nous verrons aussi bien les effets de la responsabilité administrative pour faute (section 1) que ceux de la responsabilité sans faute (section 2).

Section 1 : les effets de la responsabilite administrative pour faute.

Dans cette partie, les éléments de mise en œuvre de la responsabilité pour faute sont réunis. Comme nous l’avons évoqué précédemment, parler des effets de la responsabilité revient à mettre à nu la réparation du préjudice causé par matériellement par le médecin mais imputable à l’administration parce que ce le préjudice n’est pas causé par une faute détachable du service.

La réparation est procédurale et ne pas respecter scrupuleusement les délais peut entacher la réparation.

La première phase consiste à l’information du patient sur les raisons du préjudice. L’article L1142-4 du code de santé publique stipule :

« Toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant, son représentant légal s’il s’agit d’un mineur, doit être informée par le professionnel, l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage. Si la victime est un majeur protégé, la personne chargée de la mesure de protection doit également être informée.

Cette information lui est délivrée au plus tard dans les quinze jours suivant la découverte du dommage ou sa demande expresse, lors d’un entretien au cours duquel la personne peut se faire assister par un médecin ou une autre personne de son choix ».

Cette phase est importante car elle permet aux professionnels de santé de donner une explication scientifique au patient qui en général est un inculte du domaine. Ces explications peuvent éclairer le patient sur la suite de sa procédure.

La deuxième phase est la saisine de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (C.C.I.).

Cette commission dès sa création avec la loi Kouchner était régionalisée mais son caractère régional lui a été retiré.

Le rôle de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation est de concilier et d’indemniser. La saisine de la C.C.I peut se faire par toutes personnes ayant été victime d’un préjudice imputable à une victime de prévention, de diagnostic ou de soins ou à défaut par son représentant légal ou ses ayants droits si la personne n’a pas survécu.

La saisine du C.C.I met en suspend les délais de prescription et les recours contentieux jusqu’au terme de la procédure. Même si le caractère régional a été retiré de la C.C.I, la commission compétente est celle dans le ressort duquel les actes ont été effectué. Une condition sine qua non s’ajoute encore. Les actes pris en compte sont ceux réalisés à compter du 5 septembre 2001. Outre cela, le préjudice subi par le patient doit être supérieur à un seuil de gravité fixé par décret. Le seuil de gravité est atteint lorsque le taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (AIPP) est supérieur à 24%.

La C.C.I émet un avis dans un délai de six (06) à compter de la saisine mais avant son avis, elle analyse la recevabilité du dossier a travers le caractère de gravité. Si la C.C.I estime que les préjudices ne présentent pas le caractère de gravité comme la loi le prévoit, elle déclare son incompétence et informe les parties. A cet effet, la partie demanderesse peut saisir la C.C.I pour une procédure en conciliation. A contrario, lorsque les préjudices subis par la victime montrent le caractère de gravité tel que la loi le prévoit, la commission doit émettre un avis tant sur les circonstances des préjudices et surtout sur le régime d’indemnisation qui doit être appliqué.
L’avis de la commission est précédé d’une expertise qui est financée par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux sous réserve d’un remboursement par l’assureur de celui est en faute.

La Commission de Conciliation et d’Indemnisation peut rendre un avis favorable ou défavorable à la suite du rapport d’expertise. L’avis est défavorable quand il y a une inexistence du lien causal entre la faute et le préjudice. En revanche, l’avis est favorable lorsque tous les éléments de mise en œuvre de la responsabilité administrative sont réunis.

Que l’avis soit favorable ou non, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation doit informer toutes les parties mais spécialement l’assureur quand l’avis est favorable. Celui-ci dispose de quatre (04) mois pour proposer une offre d’indemnisation.

L’acceptation de l’offre de l’assureur vaut transaction au sens de l’article 2044 du code civil. Dans ce cas de figure, l’assureur dispose d’un délai d’un (01) mois pour le paiement, que cette offre ait un caractère provisionnel ou définitif. L’acceptation de l’offre ferme les frontières de la voie contentieuse en principe.

Si l’assureur estime que malgré le fait que son assuré ait été déclaré responsable, il ne l’est pas, l’assureur dispose d’une action subrogatoire soit contre l’Oniam ou soit contre le tiers qu’il estime être responsable.

Si la victime refuse l’offre, elle peut saisir le juge administratif qui statuera sur l’offre faite par l’assureur. Dans l’article L1142-14 neuvièmement du code de la santé publique, on lit que

« si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l’offre de l’assureur, estime que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne l’assureur à verser à l’office une somme au plus égale à 15% de l’indemnité qu’il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime ».

En tout état de cause le refus de l’offre favorise la possibilité de la voie contentieuse au travers de l’action en justice devant les juridictions administratives.

Section 2 : les effets de la responsabilité sans faute.

L’article L1142-1 II du code de la santé publique dispose :

« Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25%, est déterminé par ledit décret ».

A la lecture de cet article on comprend que lorsque que nous sommes dans le cadre de la responsabilité sans faute, c’est-à-dire quand aucun acte de la part de l’agent de l’administration ou de l’administration elle-même n’a été retenu comme faute susceptible d’engager la responsabilité de l’administration mais qu’elle est reconnue responsable, elle répare le préjudice au titre de la solidarité nationale. L’objectif est de privilégier l’intérêt du patient qui est fragilisé par le dommage.

Pour se faire, il faut que des conditions soient remplies. L’une des conditions fixées par l’article précité est le lien de cause à effet. Pour que la solidarité nationale prenne en charge l’indemnisation, les dommages doivent être « (…) directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins (…) ». Il va sans dire que si les dommages n’ont aucun lien avec les actes cités précédemment, l’indemnisation au nom la solidarité nationale ne peut être invoquée. En plus, nous pouvons énumérer la condition d’anormalité et celle de gravité.

Concernant la condition d’anormalité, il faut que les dommages provoquent chez le patient des « (…) conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci (…) ». Cette condition est laissée à l’appréciation du juge.

Pour ce qui est du caractère de gravité, « le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L1142-1 est fixé à 24% ».

Aussi,

« Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l’article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50% ».

L’article D1142-1 in fine étend le caractère de gravité à titre exceptionnel à la victime qui est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale et aussi à la victime à qui l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale ont occasionné des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

L’indemnisation en matière de responsabilité sans faute est également procédurale.

Et c’est l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) qui se charge d’indemniser les victimes. Mais avant, la victime doit passer par les étapes telles qu’exposés dans la section 1 du présent chapitre.

En cas d’aléas thérapeutique, c’est la solidarité nationale qui va être invoquée. L’aléas thérapeutique est un accident médical. C’est lorsqu’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins crée un préjudice sans qu’une faute médicale ou organisationnelle ne soit à l’origine.

Dans ce cas, l’Oniam dispose d’un délai de quatre (04) mois pour présenter une offre d’indemnisation à la victime. Le refus de de l’offre ou l’absence d’offre de l’Oniam dans le délai précité ouvre la voie du judiciaire. Tandis que l’acceptation de l’offre vaut transaction et ferme en principe toutes les portes du contentieux. L’Oniam doit indemniser dans un délai d’un (01) mois à compter de l’acceptation de l’offre par la victime.

Parler des effets des infections nosocomiales revient à mettre en exergue deux parties influencé par le taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique et/ou psychique (AIPP).

Lorsque les préjudices ne dépassent pas les 25% d’atteinte permanente à l’intégrité physique et/ou psychique, l’établissement de santé à travers son assureur doit indemniser les préjudices subis par la victime. En revanche quand les préjudices dépassent les 25% d’atteinte permanente à l’intégrité physique et/ou psychique, l’indemnisation revient à l’Oniam qui dispose d’un recours subrogatoire si une faute caractérisée est prouvée.

La réparation du préjudice due à une vaccination obligatoire est assurée par l’Etat depuis 1964. L’article L3111-9 du code de santé publique met à la charge de l’Oniam la réparation intégrale du préjudice.

Bibliographie.
- Responsabilité administrative pour faute | Septembre 2019 [en ligne], [consulté le 25 Novembre 2020], www.dalloz.fr
- Florian De Vaulx « Droit privé » [en ligne], publié le 10 octobre 2018 [consulté le 25 Novembre 2020], www.droit.fr
- Serge Brando, Dictionnaire du droit privé, [en ligne], [consulté le 30 Novembre 2020], www.dictionnaire-juridique.com

Lois.
- Loi du 28 pluviôse An VIII

Articles.
- Article 1240 du nouveau code civil
- Article L3111-9 du code de la santé publique
- Article R4127-32 du code de la santé publique
- Article 2 du code de déontologie médicale (article R.4127-2 du code de la santé publique)
- Article L1142-14 du code de la santé publique

Jurisprudences.
- Tribunal des conflits, 8 février 1873, Blanco [en ligne], [consulté le 26 Novembre 2020], www.conseil-etat.fr
- Conseil d’Etat, Assemblée, du 9 avril 1993, 69336, publié au recueil Lebon [en ligne], [consulté le 26 Novembre 2020], www.legifrance.gouv.fr
- Conseil d’État, 10 février 1905, Tomaso Grecco [en ligne], [consulté le 26 Novembre 2020] www.conseil-etat.fr
- Cour de cassation, première Chambre civile, 22 novembre 2017, numéro de pourvoi 16- 23804, 16-24719 [en ligne], [consulté le 28 Novembre 2020] www.revuegeneraledudroit.eu
- Cass. civ. 20 mai 1936, DP 1936, 1, p. 88
- CE, Section,14 février 1997, Centre hospitalier régional de Nice, n° 133238 [en ligne], [consulté le 30 Novembre 2020] www.legifrance.gouv.fr
- CE, 27 février 1985, Centre hospitalier de Tarbes, n° 39069-48793 [en ligne], [consulté le 30 Novembre 2020] www.legifrance.gouv.fr
- CE, 10 octobre 2011, Centre hospitalier universitaire d’Angers, n° 328500. [en ligne], [consulté le 28 Novembre 2020] www.legifrance.gouv.fr
- CE, 27 juin 2005, M. et Mme X., n° 250483 [consulté le 28 Novembre 2020] www.legifrance.gouv.fr
- CE, Janvier 1980, Mme Martins, Leb, 1980, p. 5
- Conseil d’Etat, 5 / 3 SSR, du 16 novembre 1998, 178585, publié au recueil Lebon
- CE, 15 mars 1996, Mlle X., n° 136692 www.conseil-etat.fr
- CAA Lyon, 21 décembre 1990, Gomez, requête numéro 89LY01742, rec. p. 498.

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