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De l’APS à la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise ». Par Abdoul Bah, Juriste.
Parution : vendredi 12 février 2021
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Entrée en vigueur le 1er mars 2019, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a modifié le régime des conditions de séjour des étudiants étrangers qui désirent rester en France après l’obtention du diplôme du deuxième cycle de l’enseignement supérieur.

Sous l’influence du droit européen [1], il a été créé une nouvelle carte de séjour temporaire portant la mention « recherche d’emploi ou création d’entreprise » [2] qui est venue remplacer le dispositif « APS master » pour des raisons de sécurité (risque élevé de falsification).

A l’instar de la nouvelle carte de séjour portant la mention « recherche d’emploi ou création d’entreprise », le dispositif « APS master » permettait aux étudiants de prolonger leur séjour en France pour une durée limitée après l’obtention d’un diplôme de niveau master ou équivalent à des fins de recherche d’emploi ou de création d’entreprise [3].

Si les conditions d’octroi et de fonctionnement de la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » sont calquées sur celles de l’APS (I), il n’en demeure pas moins qu’elles présentent quelques différences (II).

I- L’identité des conditions d’octroi et de fonctionnement de l’APS et la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise ».

L’étudiant qui souhaite prolonger en France son séjour après sa formation, doit avoir pour finalité de compléter cette dernière par une expérience professionnelle ou de créer une entreprise dans un domaine correspondant à sa formation [4].

En outre, la délivrance de la carte de séjour « recherche emploi ou création d’entreprise » requiert que :
- Le demandeur soit titulaire d’une carte de séjour étudiant annuelle ou pluriannuelle en cours de validité au moment de sa demande ;

- Le demandeur ait obtenu dans l’année un diplôme au moins équivalent au grade de master, une licence professionnelle ou un diplôme de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles délivré par un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national [5] et/ou qu’il justifie d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à sa formation pour celui qui se destine à l’entreprenariat.

A l’image de l’ancien dispositif « APS master », la durée de validité de la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » est d’un an non renouvelable.

Pendant cette période, l’intéressé est autorisé à chercher un emploi, le cas échéant à travailler ; auquel cas il peut faire une demande de changement de statut sans que lui soit opposable la situation de l’emploi (preuve par l’employeur qu’il n’a pas trouvé un candidat déjà sur le marché de l’emploi) [6], s’il remplit le critère ci-après :

- Avoir trouvé une promesse d’embauche ou un contrat de travail en relation avec sa formation ou ses recherches assorti d’un salaire au moins égal à 1,5 fois le SMIC soit un salaire d’au moins 2 331,88€ bruts par mois . [7]

II- Les particularités de la nouvelle carte de séjour portant la mention « recherche d’emploi ou création d’entreprise ».

Au préalable, il convient de préciser que les spécificités précisées ci-après viennent compléter l’ensemble des conditions d’octroi et de fonctionnement précédemment développées, et que c’est l’ensemble qui forme le nouveau régime applicable en la matière.

La carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » apporte principalement quatre différences par rapport à l’ancien dispositif « APS master » [8] :

Premièrement, Elle vise un public plus large que l’ancien dispositif « APS master » puisqu’elle est ouverte aux chercheurs ayant achevé leurs travaux de recherche qui souhaitent bénéficier d’une première expérience professionnelle ou créer une entreprise correspondant à leurs recherches.

Deuxièmement, l’étudiant demandeur de ladite carte doit dorénavant justifier d’une assurance maladie.

Troisièmement, désormais un délai de trois mois devrait être respecté entre l’octroi de la carte et les contrôles menés par les préfectures pour vérifier que ses critères de délivrance sont toujours respectés. C’est une mesure qui semble faciliter l’accès au travail des étudiants bénéficiaires de ladite carte.

Néanmoins, si les bénéficiaires cessent de remplir les conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour ou ne répondent pas aux convocations, celle-ci peut leur être retirée suite à une décision motivée.

Quatrièmement, d’ores et déjà Il est créé au profit des anciens étudiants "un droit différé" de quatre années en vue de l’obtention de cette carte sous réserve de conditions.

Autrement dit, les anciens étudiants ayant obtenu en France un diplôme équivalent au grade de master, une licence professionnelle ou un diplôme de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles ayant quitté le territoire national, peuvent solliciter une carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » s’ils souhaitent revenir en France afin de rechercher un emploi ou créer une entreprise.

Par exemple, un étudiant ou un chercheur étranger terminant ses études ou recherches en France en juin 2019, pourrait rentrer dans son pays d’origine puis solliciter une carte de séjour temporaire "recherche d’emploi ou création d’entreprise" jusqu’en juin 2023.

Toutefois, le demandeur doit présenter à l’appui de sa demande de titre de séjour les pièces suivantes [9] :
- La justification qu’il était titulaire d’une carte de séjour annuelle ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » lors de l’obtention de l’un des diplômes précités ;
- La justification qu’il bénéficie d’une assurance maladie couvrant la durée de son séjour ;
- La justification d’un des diplômes précités obtenu dans les quatre ans précédant la demande ;
- La justification qu’il bénéficie de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins lesquelles ressources sont calculées à l’image de celles dont bénéficient les boursiers du gouvernement français (environ 400 à 600 euros par mois).

Ce dernier point examiné traduit l’expression d’un choix du Gouvernement actuel semble-t-il de promouvoir la « migration circulaire » des étudiants et chercheurs étrangers en fin de formation ou de travaux de recherche dans l’intérêt de tous (pays de départ, France, étudiants et chercheurs).

Cependant si ce choix politique est empreint d’originalité, dans la pratique, l’on ne pourrait s’empêcher de voir en lui autant une dimension symbolique qu’autre chose.

A la lecture des dispositions régissant le quatrième point précité, il en ressort que ce n’est pas un droit à la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » qui est consacré pour ceux qui font la demande en dehors du territoire à l’image de ceux qui le font sur place.

En d’autres termes, dans le cadre d’une demande de la carte de séjour « recherche d’emploi et création d’entreprise » faite en France, lorsque l’étudiant ou le chercheur remplit les conditions de sa délivrance, il en bénéficie de droit.

En revanche, lorsque la demande est faite à partir du pays de retour (en dehors de la France), quand bien même il remplirait les conditions requises, l’autorité administrative peut lui refuser l’octroi de ladite carte d’autant que c’est juste un privilège qui lui est consacré et non un droit.

A ce traitement moins favorable souligné précédemment, se greffe les justifications citées supra à fournir lors de la demande, qui ne semblent pas si aisées à réunir.

De plus, en l’absence de dispositions contraires, dans une logique de bonne administration, il appartient à l’ambassade ou le consulat français l’examen et, le cas échéant, la délivrance de la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise », et non à la préfecture compétente, lorsque la demande est faite en France.

Mieux, la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » délivrée depuis l’étranger vaut visa long séjour semble-il et, dans ces conditions, tout refus d’octroi de ce visa ne peut faire l’objet de recours que devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France et le TA de Nantes.

Ainsi, les démarches aux fins de contestation d’un refus de la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » en dehors du territoire, paraitraient moins aisées que celles entreprises en France contre un refus de délivrance de cette carte de séjour par la préfecture.

Enfin, on serait tenté de penser que l’ambassade ou le consulat en charge de l’examen d’une demande de carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » puisse s’interroger sur l’opportunité d’un retour en France, à l’effet de rechercher un emploi ou de créer une entreprise.

Et donc d’une part, concernant un retour à des fins de recherche d’emploi, à défaut d’exiger au demandeur une garantie d’emploi une fois en France (promesse d’emploi ou contrat de travail) –laquelle est quasi-impossible –, l’autorité en charge de l’examen de sa demande serait encline à prendre en compte les besoins du marché français de la main d’œuvre étrangère.

D’autre part, concernant un retour à des fins de création d’entreprise, il est fort probable que le demandeur se voit opposer la justification d’un projet de création d’entreprise viable correspondant à son domaine de formation.

Ce faisant, les conditions auxquelles seront soumis les demandeurs de la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » en dehors du territoire, serraient comparables à celles concernant les demandes de changement de statut des étudiants ou chercheurs pour un statut de salarié ou de travailleur temporaire en France.

Abdoul Bah, Juriste.

[1Article 25 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016.

[2Nouvel article L. 318-8 du CESEDA.

[3Ancien article L. 311-11 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile « CESEDA »).

[4Ancien article L.311-11 et le nouvel article du L. 313-8 CESEDA.

[5Décret n°2016-1463 du 28 oct. 2016 – art. 1 ; décret n°2019-151 du 28 fév. 2019 – art. 3.

[6Ancien article L.311-11 du CESEDA et le nouvel article L. 313-10 du CESEDA ; article R. 5221-21 du C. du Travail.

[8Articles L. 313-8, R. 313-11-1 et R. 313-11-3 du CESEDA.

[9Article R. 313-11-3 du CESEDA.

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