Village de la Justice www.village-justice.com

Séparation de corps : procédure et conséquences. Par Sarah Saldmann, Avocat.
Parution : samedi 13 février 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/separation-corps-procedure-consequences,38099.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La séparation de corps permet aux époux mariés de rester unis par les liens du mariage mais d’être dispensés de l’obligation de cohabitation. A la différence de la séparation de fait, la séparation de corps autorise officiellement les époux à vivre séparés. Si elle moins utilisée que le divorce, il convient toutefois d’en connaître la procédure et les conséquences. De plus, il est toujours possible de demander le divorce une fois que la séparation de corps est mise en place.

I - Les situations dans lesquelles la séparation de corps peut être envisagée.

La séparation de corps permet aux couples mariés de rester unis dans les liens du mariage mais de ne plus être obligés de vivre sous le même toit [1]. Ainsi, des concubins ou des partenaires de PACS ne peuvent pas en bénéficier.

La séparation de corps peut s’envisager quel que soit le régime matrimonial que les époux ont choisi.

En pratique, la séparation de corps peut trouver un intérêt dans plusieurs situations. Par exemple, si les époux ne souhaitent pas divorcer pour des raisons religieuses, ils peuvent opter pour cette solution. Parfois, cela permet aux époux d’accepter plus facilement l’idée du divorce en optant pour une « progression » dans la rupture du lien conjugal.

II - La procédure de la séparation de corps.

Depuis 2019, il est possible d’obtenir une séparation de corps par consentement mutuel « sans juge », à l’instar du divorce par consentement mutuel contresigné par acte d’avocat.

Autrement dit, si les deux époux sont d’accord sur le principe de la séparation de corps et sur ses conséquences, une convention de séparation de corps contresignée par acte d’avocat est envisageable. Pour ce faire, chaque époux doit être assisté par son propre Conseil. Les avocats rédigent une convention de corps qui sera ensuite envoyée en lettre recommandée à chacun des époux afin de laisser un délai de réflexion obligatoire de 15 jours. A l’issue de ce délai, la convention pourra être signée en présence des deux avocats et des deux époux. En l’état actuel du droit, il n’est pas autorisé de signer cette convention à distance, les époux et leurs avocats doivent donc tous être présents lors d’un même rendez-vous [2]. Puis, ladite convention sera envoyée à un notaire, dans un délai de 7 jours, afin qu’il procède à son enregistrement.

En revanche, si un des enfants mineurs du couple souhaite être auditionné par le juge aux affaires familiales, cette procédure doit être écartée, et, il sera nécessaire de se rendre devant ce juge.

A défaut de séparation de corps par consentement mutuel, l’époux souhaitant initier cette procédure doit le faire par voie d’assignation. L’avocat est obligatoire, que ce soit pour l’époux demandeur ou pour celui qui est en défense. Dans cette configuration, la séparation de corps peut se faire « dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce » [3].

Autrement dit, il peut s’agir d’une séparation de corps acceptée, pour rupture du lien conjugal ou pour faute.

Enfin, quant au prix de la procédure, les honoraires sont librement fixés par chaque avocat et ne sont pas nécessairement moins onéreux qu’un divorce.

III - Les conséquences de la séparation de corps.

La conséquence première de la séparation de corps est que les époux ne sont plus obligés de cohabiter sous le même toit.

Néanmoins, les autres devoirs inhérents au mariage, comme la fidélité, l’assistance ou le secours, sont maintenus. Il n’est donc pas possible de se marier ou de se pacser avec quelqu’un d’autre pendant la séparation de corps.

D’un point de vue du régime matrimonial, la séparation de corps implique nécessairement une séparation de biens, quel que soit le régime matrimonial choisi antérieurement [4]. Si les époux étaient mariés sous un autre régime que la séparation de biens, ils devront procéder à la liquidation de leur régime matrimonial.

Lors d’une séparation de corps, il n’y a pas de prestation compensatoire comme cela est possible en cas de divorce, néanmoins, l’époux nécessiteux peut obtenir une pension alimentaire de la part de l’autre époux. Cette pension peut être remplacée par un versement en capital si le débiteur dispose des ressources nécessaires [5].

Quant au nom de famille, le principe est inversé par rapport au divorce. En effet, l’époux ayant pris le nom d’usage de son conjoint le garde, et, par exception, il en perd l’usage [6].

En termes de droit successoraux, si un des époux décède, l’époux survivant conserve ses droits. À moins que la séparation de corps ait été décidée par consentement mutuel et que la convention contresignée par acte d’avocat prévoit que les époux renoncent respectivement à leurs droits successoraux [7].

IV - La reprise de la vie commune.

La séparation de corps prend fin en cas de reprise de la vie commune des époux.

Toutefois, pour que la vie commune soit effective, il ne suffit pas que les deux époux cohabitent à nouveau ensemble. Ils doivent faire constater la reprise de leur vie commune par un notaire ou par déclaration à l’officier d’état civil à la mairie du ressort du domicile conjugal. Néanmoins, le régime de séparation de biens persiste, à moins que les époux en décident autrement, ils devront dans ce cas adopter un nouveau régime matrimonial [8].

V - La conversion de la séparation de corps en divorce.

La séparation de corps prend fin en cas de divorce.

Il faut tout d’abord savoir que lorsque la séparation de corps dure depuis au moins deux ans, celle-ci peut être convertie en divorce si un des deux époux le demande. L’autre époux ne pourra pas s’opposer à cette conversion.

Si les époux ont opté pour une séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne pourra se faire que par le biais d’un divorce par consentement mutuel.

Néanmoins, si la séparation de corps n’a pas été prononcée par consentement mutuel (séparation de corps acceptée, pour rupture du lien conjugal ou pour faute), les époux pourront toujours choisir de divorcer par consentement mutuel [9].

Lorsqu’un époux sollicite une séparation de corps, l’autre époux peut, de son côté, demander le divorce, et réciproquement [10]. En revanche, si la demande principale de l’époux est le divorce pour altération définitive du lien conjugal (lorsque les époux sont mariés mais séparés de fait depuis au moins un an), l’autre conjoint ne peut pas solliciter la séparation de corps.

Toutefois, si un époux demande le divorce, et que son conjoint sollicite en même temps la séparation de corps, le juge aux affaires familiales va dans un premier temps étudier la demande en divorce. Ce n’est que si les conditions du divorce ne sont pas réunies que la séparation de corps sera examinée [11].

Enfin, si le juge reçoit concurremment une demande de divorce pour faute et une demande de séparation de corps pour faute, le juge aux affaires familiales prononce un divorce aux torts partagés si les deux demandes sont recevables [12].

VI - Séparation de corps et fiscalité.

Fiscalement, lorsque les époux sont séparés de corps, ils procèdent chacun à leur propre déclaration d’impôt.

Concernant les dettes, les époux ne sont plus solidaires des dettes ménagères si la séparation de corps a fait l’objet des formalités de publicité requises [13]. Cette solidarité prend donc fin au jour de la transcription de la séparation de corps sur les registres d’état civil.

Sarah SALDMANN Avocat au Barreau de Paris [->s.saldmann@saldmann-associes.com] https://sarah-saldmann-avocats.com

[1Article 299 du Code civil.

[2Article 1145 du Code de procédure civile.

[3Article 296 du Code civil.

[4Article 302 du Code civil.

[5Article 303 du Code civil.

[6Article 300 du Code civil.

[7Article 301 du Code civil.

[8Article 1397 du Code civil.

[9Article 307 du Code civil.

[10Article 297 du Code civil.

[11Article 297-1 du Code civil.

[12Article 297-1 du Code civil.

[13Cass, Civ 3, 2 juin 1993, n°91-14522.