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Bail commercial et loyer binaire : attention à la rédaction de la clause. Par Guillaume Lasmoles, Avocat.
Parution : lundi 15 février 2021
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Il arrive que le bailleur et le preneur décident, au titre du loyer, d’intégrer une clause dite « binaire » c’est-à-dire composée d’une partie fixe - un minimum garanti - et d’une partie variable (clause de recettes) calculée sur l’excédent brut d’exploitation ou sur le chiffre d’affaires.

Ce peut être le cas, par exemple, d’un commerce installé dans une galerie marchande ou de l’exploitant d’une résidence de tourisme.

Techniquement, dans cette hypothèse, le loyer n’est donc pas le reflet de la seule valeur locative mais bien d’une fraction de cette dernière à laquelle les parties ont décidé d’ajouter un « bonus » calculé sur les performances financières réalisées par le preneur.

Mais alors que se passe-t-il lorsqu’arrive l’échéance contractuelle et que les parties, bien qu’elles s’accordent sur le principe d’un renouvellement du bail, ne s’entendent pas sur le montant du loyer du bail renouvelé ?

En principe la réponse est apportée par l’article L145-33 du code de commerce ; à défaut d’accord entre les parties le montant du loyer du bail renouvelé est fixé par le juge et il doit correspondre à « valeur locative » laquelle repose sur différents critères qui ne seront pas étudiés ici.

Or, par exception, dans l’hypothèse d’un bail commercial avec une clause de loyer binaire, la jurisprudence a longuement hésité entre incompétence pure et simple du juge des loyers (et donc impossibilité de fixation judiciaire en cas de désaccord) et possibilité de soumettre contractuellement le minimum garanti à fixation judiciaire.

Par deux arrêts de principe en date du 3 novembre 2016, la Cour de cassation [1] a jugé que

« la stipulation selon laquelle le loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative. Le juge statue alors selon les critères de l’article L145-33 précité, notamment au regard de l’obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l’abattement qui en découle »

Il en découle que, dans l’hypothèse où les parties souhaiteraient intégrer une clause de loyer binaire, elles restent libres - en cas de désaccord - de prévoir le recours au juge et l’application de la valeur locative pour déterminer le minimum garanti ; l’intervention du juge des loyers et le recours à l’article L145-33 du code de code de commerce devront cependant être expressément stipulés. A défaut de précision, le recours au juge ne sera pas possible.

A noter également que dans l’hypothèse d’un loyer intégralement fixé en fonction des recettes du preneur - mais dont le minimum ne pouvait être inférieur à la valeur locative - la Cour de cassation [2] a également validé le recours au juge des loyers pour calculer la valeur locative lors du renouvellement dès lors que le contrat le prévoit expressément.

La vigilance est donc de mise sur la rédaction et la précision de la clause.

Maître Guillaume LASMOLES Avocat en droit des affaires Barreau de Montpellier https://lasmoles-avocat.com/

[1Civ. 3ème, 3 novembre 2016, n°15-16.826 et 15-16.827.

[2Civ. 3ème, 29 novembre 2018, n°17-27.798.