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CDD de remplacement : la seule mention « Personnel naviguant Commercial » du salarié remplacé ne suffit pas. Par Frédéric Chhum, Avocat et Claire Chardès, Elève-avocat
Parution : mercredi 17 février 2021
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Par un arrêt en date du 20 janvier 2021 (n° 19-21.535) [1], les juges de la Cour de cassation se sont prononcées sur l’exigence de précision lors de la conclusion d’un CDD de remplacement.

En effet, elle a rappelé la nécessité de faire mention du nom et de la qualification du salarié remplacé. Il ne s’agit pas d’une révolution ou d’un principe nouveau, mais simplement d’un rappel d’une règle applicable, dont tous salariés et employeurs doivent s’emparer.

1) Les faits et la procédure.

Au total, ce sont dix salariés qui sont embauchés au sein de la société Corsair, par contrats à durée déterminée. Les motifs de recours au CDD varient. Certains sont embauchés pour accroissement temporaire d’activité, d’autres en contrat saisonnier, et enfin, parmi eux, figurent des salariés embauchés en remplacement de salariés absents.

Le cas est classique, si ce n’est qu’ils sont recrutés dans la catégorie des « personnel navigant commercial », sans que plus de précisions n’apparaissent au contrat.

La Cour d’appel relèvera la pluralité des postes que cette catégorie recouvre. En effet, elle établit que cette catégorie recouvre des qualifications aussi différentes en terme de fonctions que de rémunération ! En effet, sont classés dans cette catégorie les steward et hôtesse, et les chefs de cabine et chef de cabine principal.

Les juges du fond en déduisent que cette mention de « personnel navigant commercial » est insuffisante pour caractériser le poste occupé par le salarié.

2) Les arguments soutenus par l’employeur.

Au soutien de son pourvoi, Corsair reproche à la Cour d’appel de Paris de s’être fondé sur le fait que la catégorie puisse recouvrir « une différence de fonctions et de rémunérations susceptible de renvoyer, simplement, à des emplois distincts ».

Elle reproche à la Cour d’appel son raisonnement en ce qu’ « aucune norme » n’assimile « les hôtesses et stewards, chef de cabinet, et chef de cabine principal » à des « qualifications professionnelles autonomes ».

Par ailleurs, l’employeur se fonde notamment sur l’article L6521-1 du Code des transports qui se contente de créer quatre distinctions au sein du « personnel navigant professionnel », parmi lesquelles figure le « personnel navigant commercial ». Ainsi, selon la société Corsair, la Cour d’appel aurait dû rechercher si le « personnel navigant commercial » pouvait constituer « une qualification professionnelle autonome à laquelle est attachée un régime spécifique ».

3) Solution de la Cour de cassation.

La Cour de cassation ne fera pas droit à l’argumentaire de la société Corsair.

Au contraire, elle valide le raisonnement des juges du fond. En effet, elle relève à son tour que la seule mention de catégorie de « personnel navigant commercial » est trop large.

Elle ne permet pas au salarié « de connaître la qualification du salarié remplacé ».

En effet, le salarié se voit priver d’une information lui permettant d’identifier les dispositions conventionnelles qui lui sont éventuellement applicables, concernant par exemples les tâches susceptibles de lui être confiées ou encore, et surtout, sa rémunération.

En conséquence, les CDD conclus sont considérés comme irréguliers, de sorte qu’ils font l’objet d’une requalification.

En effet, la mention de qualification du salarié remplacé participe de l’exigence de précision quant à la définition du motif du CDD.

4) Analyse.

Un arrêt similaire avait été rendu dans une espèce on ne peut plus proche impliquant la même catégorie de « PNC » mentionnée au contrat, et la même société.

Le rôle de la Cour de cassation avait néanmoins été légèrement différent puisqu’elle avait cassé la solution de la Cour d’appel qui avait alors retenu l’argumentation de l’employeur, identique à celle du présent litige [2]

Il s’agit en effet d’une application stricte et constante de l’article L. 1242-12 du Code du travail qui dispose expressément que « le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée » doivent apparaître dans le contrat [3].

La Cour fait néanmoins preuve de souplesse lorsque la mention au sein du contrat se réfère à des fonctions précises et renvoient à « une qualification professionnelle issue de la grille de classification […] annexée à la convention d’entreprise ».

Dès lors que toutes les clés nécessaires à la connaissance du poste occupé par le salarié – et par-là même, du motif du recours au CDD - sont transmises à ce dernier, alors l’irrégularité ne serait pas encourue [4].

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum