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Communiquer pour vous développer : vous avez le droit !
Parution : vendredi 23 mai 2008
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Etre identifié comme un spécialiste de sa matière est le défi de tout avocat cherchant à développer son activité. La question de la définition d’une stratégie de communication et de marketing pour améliorer la visibilité de son cabinet et favoriser son développement, devrait se poser à tous, petites comme grosses structures. Les règles déontologiques de la profession d’avocat se sont considérablement assouplies à cet égard et celles-ci ne doivent donc plus se poser en frein à la mise en place d’actions de communication ciblées et adaptées.

La judiciarisation de la société, la complexification de la règle juridique, la culture des appels d’offres et des mises en concurrence, ont changé les modes de choix et de consommation de « services juridiques », dans les entreprises en premier chef mais également pour les particuliers. Si la réputation, les réseaux et « le bouche à oreille » demeurent toujours les critères les plus décisifs dans le choix d’un avocat, Internet est venu profondément rebattre les cartes.

Parallèlement, dans un contexte concurrentiel marqué et en partie sous l’influence des cabinets anglo-saxons, les esprits ont évolué et les avocats français ont compris qu’il leur fallait s’intéresser à leur stratégie « commerciale ».

« Comment me faire connaître ? », « Comment être plus visible ? », « Comment améliorer ma réputation ? ». Voilà les questions que tous se posent.

Les principales réticences restent finalement liées des interrogations sur la déontologie, tant il est encore présent dans certains esprits que l’avocat ne peut pas faire de publicité.

Cette barrière morale n’est pourtant plus qu’une idée reçue, les règles ayant sensiblement évolué au profit d’une libre communication au gré de plusieurs réformes depuis le décret du 27 novembre 1991. Le règlement intérieur unifié adopté fin 2005 par le Conseil National des Barreaux a ensuite entériné pour tous, les pratiques admises et celles qui restent contraires aux principes et « à la dignité de la profession ».

Le droit de communiquer

Le principe est donc, il n’est pas inutile de le rappeler, un principe général d’autorisation de la communication (les textes parlent en l’occurrence de "publicité"). L’article 10.1 du RIU dispose en effet que « la publicité est permise à l’avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. ».

Encore faut-il savoir ce recouvre ce terme de « publicité ». La communication des structures de conseil est avant tout institutionnelle et "savante" : elle passe par les outils que sont les supports (plaquette, site Internet, publicité), les relations presse et les relations publiques (évènements clients, participation à des forums et colloque, voire mécénat).

Les avocats peuvent donc par exemple, librement éditer des plaquettes, avoir leur site Web en respectant nous dit le RIN, les mentions obligatoires telles que le barreau d’appartenance ou le type de structure d’exercice et, en principe, en communiquant le document à l’Ordre avant sa diffusion. Concernant l’organisation d’évènements, qu’ils soient scientifiques (séminaires de formation au cabinet, colloques en partenariat) ou festifs (évènements clients, cocktails) le RIN ne précise quasiment rien et semble les ranger dans la catégorie des « autres formes de publicité non prohibée ». Les conditions demeurent la nécessaire information du public, la conformité aux principes essentiels de la profession et l’exclusion de toute forme de démarchage.

L’encadrement réglementaire de la citation des noms des clients

Un des derniers verrous officiels de la libre communication des avocats a sauté avec la modification du Règlement Intérieur National (RIN) adoptée par l’Assemblée générale du CNB le 28 avril 2007.

Cette décision à caractère normatif, complète en effet l’article 2-2 sur le secret professionnel notamment afin d’autoriser l’avocat à « faire mention des références nominatives d’un ou plusieurs de ses clients avec leur accord exprès et préalable » dans les procédures d’appels d’offres publics ou privés et d’attribution de marchés publics.

Cette décision prend donc acte de l’état de la pratique en entérinant des usages finalement répandus. Elle permet une heureuse clarification pour les plus scrupuleux de la déontologie officielle et valide les pratiques pragmatiques des autres : tous ceux qui citaient déjà leurs clients et références dans leurs réponses à des appels d’offres qu’ils soient publics ou privés et, plus largement dans l’ensemble de leurs documents marketing.

On ne peut donc que se féliciter de cette décision du CNB d’entériner des pratiques répandues et d’assimiler la culture du marketing dans un contexte évident, il est presque banal de le dire, de mondialisation et de concurrence sévère. Les instances représentatives de la profession veilleront certainement à ce que les dérives soient évitées mais cela est avant tout entre les mains des avocats et de leurs responsables de communication et marketing. Rappelons d’abord que ce qui est valable dans la sphère du droit des affaires ne l’est pas forcément dans la sphère de la défense des particuliers, de même que ce qui est possible en matière de prestations de conseil ne l’est pas toujours en matière contentieuse. D’autres textes viennent là prendre le relais de la déontologie : la protection de la vie privée et tout ce qui relève du secret de l’instruction notamment.

Le 2e alinéa du texte introduit à l’article 2-2 du RIN : « Si le nom donné en référence est celui d’un client qui a été suivi par cet avocat en qualité d’associé ou de collaborateur d’un cabinet d’avocat dans lequel il n’exerce plus depuis moins de deux ans, celui-ci devra concomitamment aviser son ancien cabinet de la demande exprès adressée à ce client et indiquer dans la réponse à l’appel d’offres, le nom du cabinet au sein duquel l’expérience a été acquise ». Si les conditions de son application paraissent un peu contraignantes, cette disposition ne vient en théorie, pas inutilement rappeler que marketing et développement des structures doivent s’accorder avec mesure et délicatesse.

La ligne rouge : le démarchage personnalisé

Le démarchage ou « l’offre de service personnalisée » : voilà la barrière à ne pas franchir ! Il n’y a cependant plus d’ambiguïté : l’envoi de newsletters régulières ou de plaquettes à un fichier de clients et prospects, l’invitation de l’ensemble des contacts du cabinet ou une partie ciblée d’entre eux, à des évènements ne constituant pas des offres de service personnalisées, ne rentrent pas dans la limite du démarchage interdit.

Charlotte Vier Associée Fondatrice et Sophie Julien Consultante

AVOCOM