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Quels recours en cas d’autofinancement photovoltaïque mensonger ? Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : jeudi 18 février 2021
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Le 19 janvier 2021, la Cour d’appel de Grenoble (RG n°18/05290) a sanctionné un vendeur et une banque pour tromperie sur l’autofinancement de panneaux photovoltaïques et fausses signatures sur l’ordre de déblocage du crédit.

I. Résumé des faits.

Le 8 août 2012, un couple signe un bon de commande auprès de l’E.U.R.L. Bureau d’étude de l’énergie et de l’environnement en vue de l’installation d’un kit photovoltaïque en toiture et d’un ballon thermodynamique moyennant un prix de 19 700 euros.

Celui-ci est financé à l’aide d’un crédit consenti le 30 août 2012 par la S.A. Banque Solfea (rachetée par Cetelem ou BNP Paribas Personal Finance).

La Banque Solfea libère les fonds entre les mains de l’installateur après avoir reçu la fiche de réception des travaux datée du 2 octobre 2012.

Le 23 janvier 2013, la centrale photovoltaïque est raccordée au réseau ERDF et le 27 mars 2013 EDF signe avec les maîtres d’ouvrage un contrat d’achat d’énergie électrique.

II. Faillite du vendeur.

Le 3 février 2015, le Bureau d’étude de l’énergie et de l’environnement dépose le bilan. Cependant, cela n’empêche pas d’agir à son encontre, en assignant le liquidateur judiciaire.

III. Procédure devant le tribunal d’instance.

Par jugement du 29 novembre 2018, le tribunal d’instance de Romans-sur-Isère annule les contrats de vente et de crédit, condamne le vendeur à rembourser les emprunteurs des sommes prélevée sur leur compte bancaire au titre du prêt litigieux.

La société BNP Paribas Personal Finance interjette appel devant la Cour d’appel de Grenoble.

IV. Procédure devant la cour d’appel.

A. Annulation du contrat de vente pour tromperie du vendeur.

Suivant l’article 1109 du Code civil (en vigueur lors de la conclusion des contrats litigieux), dispose qu’il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L’article 1116 du même code prévoit en outre que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol est défini comme étant une erreur provoquée intentionnellement par une partie ayant déterminé le consentement de son cocontractant.

En l’espèce, les acquéreurs reprochent au Bureau d’étude de l’énergie et de l’environnement de les avoir trompés sur les performances réelles de la centrale photovoltaïque et le prix d’achat de l’électricité par EDF, en leur assurant un autofinancement de leur acquisition.

Pour obtenir la signature des acquéreurs, le vendeur leur a remis une plaquette publicitaire lors des pourparlers. Cette plaquette présente un « Pack Sérénité », en le définissant comme un programme écologique permettant aux consommateurs d’être équipés en panneaux photovoltaïques, « sans débourser le moindre euro ».

En vertu du principe du pack sérénité les acquéreurs perçoivent «  la rente du soleil au bout d’un an de production d’électricité avant de commencer à payer la 1ère mensualité du matériel  », le vendeur ajoutant que « si votre dossier est accepté par notre bureau d’étude, le Pack Sérénité vous permettra de ne rien débourser pour le financement du matériel. EDF vous rachètera la
totalité de la production durant 20 ans. Cela signifie que votre rente du soleil financera votre installation pendant une dizaine d’années et ainsi paiera les mensualités du matériel...
 »

Ce document inclut également la simulation d’une installation identique à celle vendue aux acquéreurs.

Aux termes de cette simulation, le consommateur jouit d’un bénéfice non négligeable au titre de la revente d’énergie à EDF, qui permet d’amortir sensiblement le crédit. L’autofinancement est total.

De fait, l’axe central et exclusif de la plaquette publicitaire repose sur les atouts financiers de l’installation photovoltaïque au regard des avantages pécuniaires retirés de la vente d’électricité et de la possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt.

Dans ces conditions, le vendeur a catégoriquement vanté aux acquéreurs, les bénéfices qu’ils pourraient retirer du contrat de vente en leur soumettant une étude économique détaillées mais totalement différente de la situation des clients.

En effet, après le raccordement des panneaux photovoltaïques et la conclusion du contrat d’achat d’électricité auprès d’EDF, en vue de sa revente, EDF leur a racheté l’énergie produite pour un peu plus de 1100/an. En outre, les acquéreurs règlent chaque année une somme d’environ 64 euros au titre de la location du compteur.

On est très loin de l’autofinancement promis.

En effet, les emprunteurs remboursent, au titre du prêt consenti par la Banque Solfea, des échéances annuelles de 2 376 euros, soit un reste à charge minimum d’environ 1 200 euros après déduction de la facture de production la plus élevée.

Devant le juge d’appel, le Bureau d’étude de l’énergie et de l’environnement n’a fourni aucune explication sur le décalage manifeste entre les résultats obtenus par l’installation des intimés et ceux affichés dans l’étude de rendement.

Ainsi par le procédé employé, la société Bureau d’étude de l’environnement, s’adressant à des néophytes, a amplement dépassé les pratiques commerciales habituelles pour déterminer le consentement de ses cocontractants et les induire en erreur sur la seule base des enjeux financiers de l’opération et ce faisant commis un dol viciant leur consentement.

Dans ces conditions les juges d’appel ont prononcé l’annulation du contrat de vente.

B. Annulation du contrat de crédit.

Le crédit étant lié au bon de commande, l’annulation de ce dernier entraîne l’annulation du premier.

C. Remise des parties au jour de la signature des contrats.

En premier lieu, les juges d’appel reprochent à la banque d’avoir payé le vendeur sans s’assurer de l’installation complète des matériels.

En second lieu, les juges d’appel constatent que la demande de déblocage du crédit comporte trois signatures : celle du Bureau d’étude de l’environnement et deux autres qui ne sont pas celles des emprunteurs. En effet, tant par la graphie, l’inclinaison que son caractère délié la signature apposée sous l’emprunteur diffère radicalement de celle figurant sur le bon de commande.

Dès lors en l’absence de vérification tant des prestations réellement effectuées que de l’authenticité de la signature de l’emprunteur la banque a commis deux fautes, qui sont inacceptables pour la Cour d’appel.

En effet, les emprunteurs ne sont pas condamnés à rembourser le crédit, à l’inverse de la société Bureau d’étude de l’environnement.

IV. Que retenir de cette affaire ?

Tout vendeur s’engageant par écrit à ce que ses clients jouissent d’une installation photovoltaïque qui sera autofinancée, engage nécessairement sa responsabilité si sa promesse n’est pas atteinte. Ce principe est indiscutable.

Par ailleurs, l’annulation d’un contrat de crédit en conséquence de l’annulation du contrat de vente emporte pour l’emprunteur l’obligation de rembourser le crédit, sauf si le bien vendu n’est pas livré ou que le prêteur a commis une faute en payant le vendeur.

En effet, la banque ne peut pas se contenter de payer le vendeur à l’appui d’un quelconque ordre de paiement. Ce dernier doit être sans ambiguïté et indiquer la nature des matériels livrés et des services exécutés par le vendeur. De même, il ne doit comprendre aucune réserve.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]