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Directives sur la nouvelle procédure d’opposition brevet en France (1/5) : les grands principes. Par Henri Bourgeois et Stéphanie Celaire, CPI.
Parution : vendredi 19 février 2021
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En janvier 2021, l’Institut national de la propriété industrielle a publié ses directives complètes sur la procédure d’opposition brevet. Ces directives constituent la dernière pierre de l’édifice des textes légaux sur le sujet, et dont la construction a débuté avec l’article 121 de la loi PACTE du 22 mai 2019.

Il est désormais possible d’avoir une vision claire de la procédure. A cette occasion, nous publions une série de cinq articles au travers desquels nous établissons un panorama des principaux aspects de la procédure d’opposition et des questions qui restent en suspens.

Ce premier article de la série, introductif, fournit une vue d’ensemble de la procédure d’opposition, en présente les bases.

Contre quel titre ?

Tout brevet d’invention français délivré par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) peut faire l’objet d’une opposition [1].

Toutefois, seuls les brevets dont la mention de la délivrance a été publiée à partir du 1er avril 2020 sont opposables.

La procédure d’opposition n’est pas applicable aux certificats d’utilité et aux certificats complémentaires de protection. Le certificat d’utilité devient un véritable outil permettant d’obtenir une délivrance simplifiée, face à un brevet qui sera lui gage de qualité de par son examen renforcé et la possibilité d’opposition.

Dans quel délai ?

L’opposition doit être formée dans un délai de 9 mois à compter de la publication de la mention de la délivrance [2].

Ce délai ne peut être prolongé et n’est pas susceptible de recours en restauration. Il est donc essentiel de surveiller la délivrance des brevets français auxquels vous souhaitez vous opposer.

Par qui ?

A part le titulaire du brevet, toute personne physique ou morale peut former opposition [3].

Il n’y a pas besoin de démontrer d’un intérêt à agir [4]. Ceci doit permettre de faire opposition via un prête-nom, c’est-à-dire un homme de paille.

Pour quel(s) motif(s) et quelle portée ?

Le ou les motif(s) d’opposition(s) sont limités [5] :
- au(x) défaut(s) de nouveauté, d’activité inventive et/ou d’application industrielle,
- au fait que l’objet du brevet n’est pas une invention (par ex. théorie scientifique en tant que telle) ou figure parmi les exceptions à la brevetabilité (par ex. exploitation contraire à l’ordre public),
- à l’insuffisance d’exposé de l’invention dans le brevet,
- à l’extension de l’objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée et/ou de la demande initiale dans le cas d’une demande divisionnaire.

L’opposition peut viser l’ensemble du brevet ou uniquement certaines revendications. Il apparaît qu’attaquer la description ou les dessins seulement revient à attaquer l’ensemble du brevet [6].

Quelles sont les grandes étapes de la procédure d’opposition ?

Une fois l’opposition déposée, sa recevabilité est examinée [7]. A l’issue d’une phase d’instruction [8], qui devrait la plupart du temps s’achever par une phase orale [9], la décision devra être rendue [10]. La décision est susceptible de recours.

Qui est en charge de l’opposition ?

Si l’examen de recevabilité dépend d’un examinateur administratif, le reste de l’opposition est instruit par un ingénieur examinateur référent [11]. Cet ingénieur référent est assisté de deux ingénieurs, et possiblement d’un expert juridique de l’INPI. L’avis du référent est prépondérant.

Au cours de la procédure, l’INPI fait observer et observe lui-même le principe de la contradiction [12]. Principe fondamental des procédures judiciaires, il garantit aux parties de ne pas être jugées sans être entendues, et permet d’assurer la préservation des droits de chaque partie.

Quel rôle pour les tiers ?

A l’exception des cas où une action en revendication de propriété ou en nullité du brevet a été intentée [13], les tiers n’ont aucune place dans la procédure d’opposition. Les tiers ne peuvent ni intervenir ni déposer d’observation [14]. L’intervention est toutefois possible en cas de recours [15].

Toutefois, le public est informé de l’évolution de l’opposition. Dès sa formation, l’opposition est inscrite au Registre national des brevets [16]. Et après expiration du délai de 9 mois, le détail de la procédure peut être suivi sur la base de données de l’INPI [17].

Les grands principes présentés ici témoignent d’une volonté que l’opposition soit une procédure simple et efficace. Cette procédure nécessite toutefois de surveiller attentivement la délivrance des titres auxquels on souhaite s’opposer afin de ne pas manquer le délai d’opposition. Il faudrait alors agir en nullité devant le tribunal judiciaire de Paris, ce qui nécessite de justifier d’un intérêt à agir et implique des coûts plus élevés.

L’article suivant se penchera plus en détail sur le dépôt de l’opposition et sa recevabilité.

Henri BOURGEOIS ([->bourgeois@regimbeau.eu]) Conseil en Propriété Industrielle, Mandataire en Brevets Européens TIC - Mécanique - Physique - Electricité Stéphanie CELAIRE ([->celaire@regimbeau.eu]) Associée, Conseil en Propriété Industrielle, Mandataire en Brevets Européens Sciences du Vivant & Chimie REGIMBEAU www.regimbeau.eu

[1L613-23 du code de la propriété intellectuelle.

[2R613-44 CPI.

[3L613-23 CPI.

[4Directives B, 1.2.

[5L613-23-1 CPI.

[6Directives B, 1.5.

[7Cf. Article 2/5.

[8Cf. Article 3/5.

[9Cf. Article 4/5.

[10Cf. Article 5/5.

[11Directives B, 1.7.

[12R613-44-4 CPI.

[13Cf. Article 3/5.

[14Directive B, 1.6.

[15Cf. Article 5/5.

[16R613-44-1 CPI.

[17Directives B, 1.8.