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Réforme de l’assurance-chômage : état des lieux. Par Nathalie Kelyor, Avocat.
Parution : mardi 2 mars 2021
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La réforme de l’assurance-chômage a été lancée en juillet 2019, mais où en est-on au 1er mars 2021 ? Que reste-t-il de cette réforme, quelles sont les dispositions déjà applicables et quelles sont celles qui seraient susceptibles d’être appliquées au 1er avril prochain ?

La réforme de l’assurance chômage a été décidée en juillet 2019 [1] et comporte deux volets :
- Le premier est entré en vigueur le 1er novembre 2019,
- Le second devait entrer en vigueur le 1er avril 2020 mais cette entrée en vigueur a été plusieurs fois reportée en raison de la crise sanitaire actuelle. Elle était fixée en dernier lieu au 1er janvier 2021 [2] mais le gouvernement a annoncé un nouveau report au 1er avril 2021.

Le Conseil d’Etat a en outre annulé une partie des dispositions de cette réforme dans une décision du 25 novembre 2020 [3].

Ainsi que reste-t-il de cette réforme, quelles sont les dispositions déjà applicables et quelles sont celles qui seraient susceptibles d’être appliquées au 1er avril prochain ?

Le premier volet de la réforme comprend les mesures intéressant les règles d’indemnisation. Il est entré en vigueur le 1er novembre, mais la plupart de ses dispositions ont été modifiées neutralisées ou reportées pour tenir compte de la crise sanitaire par le Décret 2020-929 du 29 juillet 2020.

Les dates présumées connues actuellement sont indiquées dans le corps du texte. Toutefois, comme il est dit en conclusion de cet article, il est très probable que ces dates soient encore repoussées.

- Droit aux allocations chômages pour les salariés ayant donné leur démission pour poursuivre un projet professionnel.

Cette mesure est en vigueur depuis le 1er novembre 2019 et a été maintenue.

- Nouvelles durées minimales de travail pour acquérir des droits au chômage.

Avant la réforme, les salariés devaient justifier de 88 jours travaillés (ou 610 heures), soit 4 mois de travail au cours des 28 derniers mois (36 mois pour les salariés âgés de 53 ans ou plus) pour pouvoir avoir droit à ouverture des droits au chômage.

Avec la réforme, les salariés âgés de moins de 53 ans devront justifier d’une période d’affiliation de 130 jours (ou 910 heures travaillées), soit environ 6 mois de travail au cours des 24 mois précédant le dernier jour travaillé.

Les salariés âgés de 53 ans ou plus devront quant à eux justifier d’une période d’affiliation identique mais au cours des 36 mois précédant le dernier jour travaillé.

Cette disposition a été suspendue à compter du 1er août 2020 et jusqu’au 31 mars 2021, ce qui signifie que pour tous les salariés dont la fin du contrat de travail est intervenue entre le 1er novembre 2019 et le 31 juillet 2020, les nouvelles règles s’appliquaient.

La suspension devrait prendre fin le 1er avril prochain.

- Condition minimum d’activité pour obtenir le rechargement des droits à l’assurance chômage.

Auparavant, il convenait d’avoir travaillé au moins 150 heures au cours des 28 mois précédant la dernière fin de contrat pour voir ses droits à allocation chômage rechargés.

Avec la réforme, cette condition minimum d’activité est alignée sur la durée d’affiliation ci-dessus, savoir 130 jours ou 910 heures travaillées au cours des 24 derniers mois (36 mois pour les plus de 53 ans).

Tout comme les dispositions relatives aux durées minimales d’affiliation ci-dessus, cette disposition a été suspendue à compter du 1er août 2020 et jusqu’au 31 mars 2021.

La suspension devrait prendre fin le 1er avril prochain.

- Durée d’indemnisation.

La durée d’indemnisation minimale est, en cohérence avec la condition d’affiliation minimale, ramenée à 122 jours calendaires (au lieu de 182 jours).

Cette mesure devrait être en vigueur au 1er avril prochain.

- Dégressivité.

La réforme prévoit une dégressivité de l’allocation après six mois pour les salariés de moins de 57 ans dont le montant de l’allocation dépasse 84,67 euros. La baisse maximale est de 3%.

La mesure de dégressivité de l’allocation est entrée en vigueur au 1er novembre 2019.

Sa mise en œuvre a toutefois été suspendue entre le 1er mars et le 31 mai 2020, par décret n°2020-425 du 14 avril 2020, en raison des conséquences liées à la Covid-19.

Puis le décret du 29 juillet 2020 précité a neutralisé jusqu’au 31 décembre 2020 le décompte des 182 jours, au terme desquels l’allocation devient dégressive. Cette neutralisation a été repoussée au 31 mars 2021.

Ainsi pour les salariés en cours d’indemnisation au 1er mars 2020, la durée de suspension du décompte est de 396 jours calendaires.

Pour ceux dont le droit à allocation chômage est ouvert après le 1er mars 2020, la durée de la suspension est égale au nombre de jours calendaires compris entre le point de départ de l’indemnisation et le 31 mars 2021.

- Calcul du salaire journalier de référence.

Le calcul se faisait jusqu’à maintenant en fonction du salaire mensuel moyen calculé sur la base des rémunérations perçues durant les 12 derniers mois précédant le dernier jour travaillé.

Ce salaire moyen était divisé par le nombre de jours travaillés durant la période de 12 mois précédant le dernier jour travaillé, la somme ainsi obtenue étant multipliée par 1,4 pour ramener le salaire journalier de référence sur une base calendaire.

Avec la réforme, le salaire moyen est obtenu en tenant compte des rémunérations perçues durant les 24 derniers mois (36 derniers mois pour les plus de 53 ans) précédant le dernier jour travaillé.

Ce salaire moyen est divisé par le nombre de jours calendaires décomptés entre le premier jour de la première période d’emploi incluse dans les 24 mois correspondant à la période d’affiliation et le terme de cette période de référence.

Ainsi, on ne divise plus par le nombre de jours travaillés mais par le nombre de jours calendaires, ce qui peut aboutir à une baisse significative de l’allocation servie.

Le Conseil d’Etat a, dans sa décision du 25 novembre dernier, considéré que cette disposition conduisait à une rupture d’égalité entre les salariés qui ont eu une activité continue et les salariés qui ont eu des activités sur des périodes discontinues.

Il a donc annulé cette disposition et le gouvernement travaille sur de nouvelles modalités de calcul.

Les adaptations nécessaires ont été annoncées pour le 31 mars 2021.

- Bonus/malus.

Le texte de la réforme prévoit l’instauration d’une contribution patronale modulée pour les entreprises de 11 salariés et plus appartenant à certains secteurs d’activité définis par un arrêté à paraitre.

Il s’agit ainsi de prévoir un taux de contributions patronales majoré ou minoré en fonction du nombre de fins de contrat de travail imputables à l’employeur.

Cette disposition a été annulée par le Conseil d’Etat et le Gouvernement a en tout état de cause proposé aux partenaires sociaux de reporter l’entrée en vigueur de cette mesure en 2023.

- Différé de paiement congés payés.

Les dispositions intéressant le différé de paiement contenues dans le décret initial du 26 juillet 2019 ont été abrogées par le décret 2020-1716 du 28 décembre 2020.

Les modalités de calcul et le nombre de jours du différé d’indemnisation congés payés seront donc déterminés par un décret à paraitre.

A noter :

Les derniers arbitrages devraient être rendus cette semaine après que les syndicats aient été entendus. L’entrée en vigueur des mesures ci-dessus pourraient être encore repoussée courant 2021.

De même, le gouvernement semblerait vouloir lier l’entrée en vigueur de certaines mesures à un « retour à bonne fortune », autrement dit à repousser leur entrée en vigueur tant que la situation économique ne s’est pas améliorée. Cela devrait concerner les règles en matière d’éligibilité à l’assurance chômage et de dégressivité de l’allocation, qui devraient donc évoluer en fonction d’indicateurs liés à l’état du marché de l’emploi.

En outre, les cinq syndicats représentatifs sont unanimes pour dénoncer cette réforme et souhaitent qu’un nouveau projet soit négocié en partant d’une nouvelle feuille blanche.

Me Nathalie KELYOR Cabinet KELYOR Barreau de Meaux 41 Quai du Pré Long - 77400 LAGNY SUR MARNE

[1Décret 2019-797 du 26 juillet 2019.

[2Décret 2020-929 du 29-7-2020.

[3CE 25-11-2020 n° 434920, CFE-CGE.